AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Olivier,
contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 19 janvier 2005, qui, pour diffusion d'un message pornographique susceptible d'être vu par un mineur, l'a condamné à 1 500 euros d'amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 227-24 du Code pénal, préliminaire, 388, 512, 591, 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble violation des droits de la défense et du principe de l'égalité des armes ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Olivier X... coupable de diffusion de messages à caractère pornographique susceptibles d'être perçus par un mineur ;
"aux motifs qu' "il est établi et reconnu par le prévenu que les photographies licencieuses ou obscènes dont le caractère pornographique n'est pas contesté ont été prises à son domicile en septembre 2003 ; que ces photographies, qui, par leur caractère intime marqué, ne pouvaient être connues que de ceux qui les avaient prises, ayant ensuite été transférées sur le disque dur de l'ordinateur réservé à Olivier X... dans la salle de classe qui lui est affectée et enregistrées dans un dossier intitulé du nom "chantier" donné par ce dernier au local privé dans lequel elles ont été prises, il est établi sans doute possible que leur transfert et leur enregistrement sur support informatique n'ont pu être réalisés que par le prévenu lui-même, dont les explications données à ce sujet au tribunal puis à la Cour sont dénuées de toute crédibilité ; qu'il n'est besoin de rechercher si ces photographies à caractère pornographique ont été effectivement vues par des mineurs, le délit poursuivi exigeant seulement qu'elles aient été susceptibles d'être vues ou perçues par des mineurs ; qu'à cet égard, il est indifférent de rechercher si le "partage" du dossier dans lequel elles étaient enregistrées, qui en permettait la consultation sur le réseau informatique de l'établissement scolaire, a été autorisé par une manipulation volontaire du prévenu lui-même, dès lors qu'il est constant que l'ordinateur sur le disque duquel elles figuraient était lui-même exposé dans une salle de classe et était ainsi d'un accès facile, ainsi qu'Olivier X... l'a lui-même déclaré lors de l'enquête, ce qui le rendait en particulier accessible à ses élèves mineurs, lesquels ne pouvaient au surplus qu'être attirés par l'envie de découvrir les documents et les images enregistrées dans le répertoire personnel intitulé "perso" de leur enseignant ; que de ces considérations, il résulte d'une manière qui ne peut être sérieusement contestée, qu'Olivier X..., enseignant, a bien exposé dans sa salle de classe des photographies à caractère pornographique en les enregistrant sur un support informatique qu'il savait nécessairement, en raison de l'insuffisance des précautions et protections existantes, accessibles à ses élèves mineurs et que, ce faisant, il a commis, sans doute possible, les faits visés et à bon droit qualifiés dans la prévention" (arrêt, page 7, alinéa 5, à page 8, alinéa 1) ;
"alors que le juge répressif ne peut substituer des faits distincts à ceux de la prévention, à moins que le prévenu accepte expressément d'être jugé sur ces faits ; qu'en l'espèce, Olivier X... était prévenu, aux termes de sa convocation devant le tribunal par procès-verbal du 4 juin 2004, d'avoir diffusé un message à caractère pornographique susceptible d'être perçu par un mineur "en introduisant des images à caractère pornographique sur le serveur du réseau interne pédagogique du collège Pierre Mendès France accessibles aux élèves mineurs de l'établissement" ; qu'en retenant qu'il était indifférent de rechercher si les images litigieuses avaient été introduites sur le réseau informatique par une manipulation volontaire du prévenu et qu'il suffisait de relever que ce dernier avait enregistré ces images sur le disque dur de l'ordinateur qui lui était réservé dans sa salle de classe de technologie, sans constater qu'Olivier X... avait accepté d'être jugé sur ce fait non compris dans la poursuite, la cour d'appel a excédé les termes de sa saisine ;
"alors, en outre, que tout accusé a le droit d'être informé des faits qui lui sont reprochés ; qu'en retenant, pour entrer en voie de condamnation contre Olivier X..., que ce dernier avait enregistré des images à caractère pornographique dans le dossier intitulé "perso" contenu dans le disque dur de l'ordinateur qui lui était réservé dans sa salle de technologie, sans que le prévenu ait été mis en mesure de se défendre sur ce fait différent de celui visé à la prévention, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe susvisés ;
"alors, enfin, qu'il ressort du procès-verbal d'audition de Mme Nicole Y..., représentant légal du collège Pierre Mendès France, du 2 juin 2004, que "chaque salle de technologie ( ) (a) une clé spécifique que détient le professeur responsable de la classe ainsi que l'Administration et M. Z..." ; qu'en retenant que l'ordinateur sur lequel les images litigieuses avaient été enregistrées était accessible aux élèves mineurs d'Olivier X..., quand il résultait au contraire du dossier pénal que la salle de technologie dans laquelle se trouvait cet ordinateur fermait à clé et que seuls des adultes étaient en possession de cette clé, la cour d'appel s'est contredite ;
"alors, au surplus, qu'il résulte du jugement de relaxe rendu par les premiers juges et dont Olivier X... demandait la confirmation que ce dernier était absent du collège les 25 et 26 mai 2004, en sorte qu'il ne pouvait avoir mis les images litigieuses sur le réseau du collège à ces dates, seules visées à la prévention ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette circonstance de nature à influer sur la solution du litige, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour déclarer Olivier X... coupable de diffusion d'un message pornographique susceptible d'être vu par un mineur, l'arrêt, après avoir constaté que le prévenu a reconnu être l'auteur des photographies licencieuses, relève que celui-ci est le seul a avoir pu les transférer sur le disque dur de l'un des ordinateurs du collège, dans un dossier non protégé par un mot de passe ; que les juges en concluent que lesdites photographies étant susceptibles d'être vues par tout utilisateur du réseau informatique de l'établissement et, notamment par des mineurs, le délit de l'article 227-24 du Code pénal est caractérisé en tous ses éléments ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, sans insuffisance ni substitution de faits, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;