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06/12/2005 | FRANCE | N°04-87661

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 décembre 2005, 04-87661


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eugène,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2004, qui, pour blessures involontaires, l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, à 500 000 francs CFP d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 novembre 2005 où étaient

présents : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eugène,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2004, qui, pour blessures involontaires, l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, à 500 000 francs CFP d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 novembre 2005 où étaient présents : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, M. Beyer, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti, M. Delbano conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-19, 222-44, 222-46 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eugène X... coupable d'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois à Christian Y...
Z... ;

"aux motifs qu'il n'est reproché à Eugène X... aucune infraction à la législation du travail concernant l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail ; qu'il n'existe pas de règles imposées en matière de lamanage ; qu'il importe uniquement d'examiner si Eugène X... a, en commettant une faute caractérisée de négligence qui a exposé autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter ; qu'il résulte du dossier et des débats que, le 5 janvier 1999, Christian Y...
Z..., âgé de 18 ans et stagiaire depuis moins de deux mois, se trouvait au moment de l'appareillage entièrement à l'extérieur du bateau, les deux pieds sur le liston qui ne possède pas la largeur d'un pied ; qu'il attendait de recevoir une aussière d'un diamètre de 6 cm et qu'il allait donc devoir rester accroché au navire seulement par une main ; il assurait la réception d'un cordage imposant et lourd et ne bénéficiait d'aucune protection, notamment contre une chute dans la mer ou sur le quai ou contre le risque d'écrasement ; il est ainsi incontestable qu'il se trouvait dans une position particulièrement instable qui devenait encore plus périlleuse lorsque le bateau démarrait ; Eugène X... connaissait cette situation puisqu'il mentionne dans ses conclusions qu'elle était " visible et connue de tous " ; par ailleurs, il ne peut la banaliser en arguant de la pratique des pilotes du Port Autonome dont il rappelle les qualités de "professionnels avisés", alors que Christian Y...
Z... était stagiaire, qu'il était un tout jeune homme et qu'il était inexpérimenté ; il ne peut non plus nier le caractère dangereux de la manoeuvre effectuée par la victime puisqu'un accident similaire était arrivé à Jacques A... le 15 décembre 1998 ; qu'ainsi Eugène X... a commis une faute d'imprudence caractérisée en n'interdisant pas à son personnel d'employer un jeune stagiaire dont il était responsable à des tâches présentant un danger grave ; et qu'aucun élément n'établit la faute de la victime ; qu'il est impossible que la victime ait pu exercer une quelconque influence sur le cordage lourd et large ;

"alors, d'une part, que l'arrêt, qui constatait qu'il ne pouvait être reproché à Eugène X... aucune infraction à la législation du travail et qu'il n'existe, par ailleurs, pas de règles imposées en matière de lamanage, ne pouvait, ensuite, considérer qu'Eugène X... aurait commis une faute d'imprudence caractérisée en n'interdisant pas à son personnel d'employer un jeune stagiaire à des tâches présentant un danger grave, sans avoir recherché, comme l'y invitaient les conclusions d'Eugène X..., si le jeune stagiaire, qui avait spontanément effectué une manoeuvre courante en matière de lamanage, n'avait pas reçu une formation suffisante pour participer à cette technique tout à fait normale d'appareillage du navire ; que, en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel n'a pu donner une base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, que, la technique de lamanage qui a été employée n'étant réglementée par aucun texte et étant de pratique courante en matière maritime, on ne s'explique pas comment, en l'absence de toute consigne contraire de l'administration des Affaires maritimes ou de l'inspection du Travail, Eugène X... aurait pu avoir conscience d'exposer autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, en n'interdisant pas à son personnel d'affecter les matelots en formation à cette tâche qui faisait partie intégrante de la procédure d'appareillage du navire, qu'ils devaient connaître et maîtriser à l'issue de leur stage et qui ne pouvait donc être considérée comme " objectivement " dangereuse si elle était correctement effectuée ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel, qui mettait à la charge d'Eugène X... une faute caractérisée, au demeurant commise par omission, n'a pu justifier sa décision ;

"alors, en outre, qu'Eugène X... faisait valoir que le "lamanage " était statutairement de la responsabilité exclusive du Port Autonome et relevait exclusivement de sa division " Navigation " dirigée par le capitaine du port, sous le contrôle de l'Administration maritime ; que, par ailleurs, seul le capitaine du navire était responsable des manoeuvres à bord et que l'armateur ne pouvait lui donner aucune directive ; qu'ainsi Eugène X..., qui n'avait donc aucune espèce de pouvoir s'agissant des différentes manoeuvres d'appareillage du navire qu'il n'était pas habilité à superviser, ne pouvait donc se voir reprocher une faute quelconque susceptible d'engager sa responsabilité pénale du fait de l'accident survenu à Christian Y...
Z... au cours des manoeuvres d'appareillage du navire ; que, en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"alors, enfin, que, à supposer même que Christian Y...
Z... n'ait pas tiré sur la corde empêchant le largage de l'amarre, rien ne permet d'expliquer qu'il ne soit pas remonté sur le pont et qu'il n'ait pas réagi aux ordres qui lui étaient donnés de remonter, comme il en avait le temps, pour éviter de se trouver coincé contre la garde montante qui n'avait pu être dégagée, et la coque du navire qui allait effectuer une marche avant ; qu'en se bornant ainsi à considérer qu'il était impossible que la victime ait pu exercer une quelconque influence sur un cordage lourd et large, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions du prévenu, si la victime n'avait pas commis une faute à l'origine de l'accident en ne réagissant pas devant l'imminence du danger qui lui imposait de remonter sur le pont immédiatement, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de motifs" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 21 octobre 1998, au cours d'une manoeuvre d'appareillage, Christian Y...
Z..., âgé de 18 ans, pour lequel Eugène X..., gérant de fait de la société X... et Hargous, armateur du navire, avait conclu un contrat de stage, a été victime d'un accident du travail au cours duquel ses jambes ont été écrasées par un cordage ;

Attendu qu'à la suite de ces faits, Eugène X... est poursuivi pour blessures involontaires ayant entraîné plus de trois mois d'incapacité totale de travail ;

Attendu que, pour dire la prévention établie, l'arrêt attaqué constate que la victime, qui assurait la réception d'un cordage imposant et lourd et ne bénéficiait d'aucune protection, se trouvait dans une position particulièrement instable et périlleuse lorsque le bateau a démarré ; que les juges énoncent que le prévenu ne peut nier avoir connu le caractère dangereux de la manoeuvre, un autre accident s'étant produit dans des circonstances similaires, et qu'il a commis une faute d'imprudence caractérisée en faisant travailler un jeune stagiaire à des tâches présentant un danger grave ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de l'espèce, d'où il résulte que le prévenu a causé indirectement les blessures de la victime en ne prenant pas les mesures qui auraient permis de les éviter, et qu'il a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a fait l'exacte application des dispositions des articles 121-3, alinéa 4 et 222-19 du Code pénal ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 222-19, 121-3 du Code pénal, 5, 509, 515, 520 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables et fondées les constitutions de partie civile de Vaitua Y...
Z... et Matuareva Y...
Z..., condamnant in solidum Eugène X..., Louis B... et Serge C... à leur payer, à chacun, la somme de 1 000 000 de francs pacifiques en réparation de leur préjudice moral ;

"aux motifs que " contrairement à ce qu'affirment Serge C... et Eugène X..., les époux Y...
Z... n'ont pas acquiescé aux jugements qui n'ont pas pris en compte leurs prétentions ; en effet, ils ont tenté de faire reconnaître leurs droits devant le tribunal correctionnel en déposant une requête en omission de statuer, puis ont saisi la Cour d'une demande de nullité du jugement du 31 octobre 2000 à laquelle il a été fait droit ; qu'en outre la demande d'indemnisation de leur préjudice moral déposée devant le tribunal de première instance de Papeete est dirigée contre la SNC Aremiti et non pas contre Serge C... et Eugène X... ; ceux-ci invoquent donc à tort les dispositions de l'article 5 du Code de procédure pénale ;

"alors, d'une part, que, saisie des seuls appels du ministère public et des prévenus, portant sur les dispositions pénales du jugement, les juges du second degré ne peuvent annuler ce jugement et évoquer, au profit des parties civiles, intimées et non appelantes, la décision du premier juge, aggravant ainsi le sort du prévenu au profit des parties civiles, non appelantes du jugement déféré, qui n'ont donc pas valablement saisi la cour d'appel de leurs demandes, nonobstant les procédures par ailleurs mises en oeuvre qui sont sans incidence sur l'exercice de cette voie de recours ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que, l'affaire étant dévolue à la cour d'appel dans les limites fixées par l'acte d'appel et par la qualité du ou des appelants, et l'appel des prévenus ne portant que sur les dispositions pénales du jugement entrepris, la cour d'appel, qui a statué sur l'action des parties civiles, non appelantes du jugement déféré, a méconnu l'étendue de sa saisine et l'effet dévolutif de l'appel, et a violé les textes susvisés ;

"alors qu'en toute hypothèse les époux Y...
Z... ne figurant pas, en la cause, en première instance, les juges du second degré ne pouvaient évoquer et statuer sur leurs demandes de réparation civiles ; que, en déclarant donc recevable et fondée leur constitution de partie civile, la cour d'appel a, derechef, violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que l'action des époux Y...
Z... contre Eugène X..., portée devant la juridiction répressive pour obtenir l'indemnisation de leur préjudice moral, avait la même cause juridique et le même objet que l'action introduite devant le Tribunal de première instance de Papeete, en matière civile, contre la SNC Aremiti dont Eugène X... est le gérant, également pour obtenir réparation de leur préjudice moral ; que le gérant ayant seul qualité pour représenter la personne morale devant les tribunaux, et Eugène X... n'ayant lui-même été attrait devant la juridiction répressive qu'en sa qualité de gérant de fait de la SNC, l'identité de cause, d'objet et de personne était par conséquent établie, de sorte que les dispositions de l'article 5 du Code de procédure pénale étaient applicables ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé ledit article" ;

Vu l'article 509 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Vaitua Y...
Z... et Metuareva Y...
Z..., père et mère de Christian Y...
Z..., se sont constitués parties civiles devant le tribunal correctionnel et ont réclamé la condamnation des prévenus au paiement d'une somme de 1 500 000 francs CFP en réparation de leur préjudice moral ; que le jugement, rendu le 31 octobre 2000, ayant omis de statuer sur leur demande, les époux Y...
Z... ont présenté, sur le fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale une requête en rectification d'erreur matérielle qui a été déclarée irrecevable par jugement du 17 septembre 2002 ; que, les prévenus et le ministère public ayant relevé appel du jugement du 31 octobre 2000, en ses seules dispositions pénales, les époux Y...
Z... ont conclu à l'annulation de cette décision et, après évocation, à la condamnation des prévenus à des réparations civiles ;

Attendu que, pour faire droit à cette argumentation, l'arrêt attaqué énonce que les époux Y...
Z..., qui ont tenté de faire reconnaître leurs droits devant le tribunal correctionnel en déposant une requête en omission de statuer puis ont saisi la cour d'appel d'une demande de nullité du jugement du 31 octobre 2000 n'ont pas acquiescé à ces décisions qui n'ont pas pris en compte leurs prétentions ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les parties civiles n'avaient pas relevé appel du jugement et que les juges n'étaient saisis que de la seule action publique, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Papeete, en date du 9 décembre 2004, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six décembre deux mille cinq ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-87661
Date de la décision : 06/12/2005
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Effet dévolutif - Limites - Acte d'appel - Appels du ministère public et du prévenu.

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Evocation - Exclusion - Cas

Aux termes de l'article 509 du Code de procédure pénale, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. Il en résulte qu'en l'absence d'appel de la partie civile d'un jugement ayant omis de statuer sur sa demande, les juges du second degré, saisis des seuls appels du prévenu et du ministère public, limités aux dispositions pénales, ne pouvaient annuler le jugement entrepris, évoquer et condamner le prévenu à des réparations civiles. .


Références :

Code de procédure pénale 509, 520

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 09 décembre 2004

En sens contraire : Chambre criminelle, 1981-06-23, Bulletin criminel 1981, n° 216, p. 583 (cassation partielle) ; Chambre criminelle, 1984-03-12, Bulletin criminel 1984, n° 98, p. 247 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 déc. 2005, pourvoi n°04-87661, Bull. crim. criminel 2005 N° 314 p. 1077
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 314 p. 1077

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Pometan.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.87661
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