AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEYER et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Vincent,
- Y... Egidio,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 16 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de recel, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires personnels produits, commun aux demandeurs ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'au cours d'une instance prud'homale l'opposant à la société Etablissements Henri Bossonet, son employeur, Egidio Y..., représenté par Vincent X..., délégué syndical, a versé aux débats l'exemplaire d'une lettre déchirée et reconstituée que le chef d'entreprise avait jetée dans sa corbeille à papier ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur la plainte de la personne morale, Egidio Y... et Vincent X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir sciemment recelé un courrier qu'ils savaient provenir d'un vol ; que les premiers juges, après avoir exposé que Vincent X... s'était fait remettre ce document par un tiers dont il refusait d'indiquer l'identité et l'avait produit en justice avec l'accord d'Egidio Y..., ont renvoyé les prévenus des fins de la poursuite au motif que le fait d'avoir jeté le courrier dans la poubelle suffit à caractériser de façon certaine la volonté d'abandon du propriétaire, de sorte que celui qui a récupéré la lettre et se l'est appropriée n'a pas commis de vol ;
Attendu que, saisie du seul appel de la société Etablissements Bossonet, la cour d'appel a infirmé la décision entreprise en ce qu'elle avait débouté la partie civile ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus soutenant que, la lettre litigieuse ayant été abandonnée par son propriétaire, elle n'avait pu faire l'objet d'une appréhension frauduleuse et partant d'un recel, l'arrêt énonce que l'auteur non identifié du vol "a eu l'intention arrêtée de s'approprier des chutes de la lettre en cause à l'insu de leur légitime propriétaire qui n'a aucunement consenti par avance de façon implicite à ce qu'elles soient interceptées et subtilisées par des mains non autorisées" ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges du second degré, qui ont souverainement apprécié qu'il n'y avait pas eu abandon volontaire de la chose par son propriétaire, ont justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen qui, en sa troisième branche, manque en fait, ne saurait, pour le surplus, être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 122-3 du Code pénal ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour dire établis les faits de recel visés aux poursuites, l'arrêt retient que les circonstances de l'appréhension des morceaux de lettre par leur voleur excluent qu'Egidio Y... et Vincent X... aient pu les posséder de bonne foi, ceux-ci ayant eu nécessairement connaissance de leur soustraction frauduleuse ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a, à bon droit écarté l'erreur de droit invoquée par les prévenus, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1315 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile, 591 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'arrêt attaqué ni d'aucunes conclusions déposées, que les demandeurs aient soutenu devant les juges du fond que la production de la lettre litigieuse était strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'Egidio Y... dans le litige l'opposant à la société Etablissements Henri Bossonet ;
D'où il suit que le moyen est nouveau, et, comme tel, irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, M. Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;