AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 mars 2004), que, par acte dressé le 28 décembre 1990, par la société civile professionnelle de notaires Prud'homme-Grundler-Prud'homme, la société Sofredim a vendu aux époux X... le lot numéro 2 d'un immeuble en copropriété dont le prix a été réglé à l'aide d'un prêt consenti par la société Sofapi ; que le 28 mai 1996, les époux X..., ont demandé la nullité de l'acte de vente et des actes de prêts sur le fondement du dol et ont mis en cause la responsabilité de l'office notarial ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action en nullité du contrat de vente et des contrats de prêts, alors, selon le moyen :
1 ) qu'aux fins de valider l'opposition à la sommation de payer les arrérages des prêts, les assignations délivrées à la demande des époux X... aux sociétés Sofredim (vendeur) et Sofapi (prêteur de deniers) invitaient le tribunal de grande instance de Paris à constater qu'elles appartenaient au même groupe, qu'elles avaient réparti de façon frauduleuse le coût de l'acquisition de l'appartement et celui de la réhabilitation de l'immeuble en surfacturant ces travaux et qu'elles avaient méconnu les dispositions d'ordre public de la loi du 13 juillet 1979, subsidiairement à faire nommer un expert ; que ces assignations invitaient implicitement le tribunal à constater des manoeuvres frauduleuses caractéristiques d'un dol et à rendre les acquéreurs-emprunteurs titulaires des droits dont ils entendaient empêcher la prescription ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2244 du Code civil ;
2 ) que pour s'opposer à la demande en paiement, l'assignation du 13 septembre 1995 invitait les juges à constater que la société Sofredim et la société Sofapi avaient, de concert, réparti de façon frauduleuse le coût de l'acquisition de l'appartement et celui de la réhabilitation de l'immeuble et avaient surfacturé ces travaux ; qu'en déclarant qu'elles visaient "uniquement les prescriptions de la loi Scrivener sur la protection du consommateur, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) qu'une demande d'expertise devant le juge des requêtes visant celui qu'on veut empêcher de prescrire équivaut à une citation en justice ; qu'en jugeant du contraire, motif pris du caractère non contradictoire de la requête et de l'ordonnance l'ayant accueillie, la cour d'appel a violé l'article 2244 du Code civil ;
4 ) qu'après avoir constaté que le juge des requêtes avait accueilli la demande d'expertise, la cour d'appel devait rechercher si la requête visait celui qu'on voulait empêcher de prescrire ; qu'en accueillant la fin de non recevoir tirée de la prescription sans procéder à cette recherche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2244 du Code civil ;
5 ) que dans leurs conclusions d'appel, les époux X... avaient fait valoir que l'acte notarié mentionnait pour l'immeuble cadastré HT n° 30 une superficie de 76 mètres carrés, que cette superficie avait été ramenée suivant inscription du notaire instrumentaire à 69 mètres carrés et que l'expert désigné par le juge des requêtes aux fins de mesurer leur appartement, avait établi que celui-ci était d'une surface de 49.92 mètres carrés en y incluant une courette ; qu'en considérant malgré les termes clairs de ces conclusions que les époux X... se complaisaient à confondre la surface de leur lot de copropriété et non pas la surface cadastrale de l'immeuble, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
6 ) que dans leurs conclusions d'appel les époux X... avaient fait valoir qu'ils n'avaient pu accéder à l'appartement dont ils avaient fait l'acquisition le 28 décembre 1990 et plus généralement à l'immeuble, dès lors que vendu sous le régime de la loi Malraux celui-ci se trouvait barricadé aux fins de rénovation ; qu'en considérant, sans répondre à ces conclusions, que les époux X... ne démontraient pas qu'ils avaient fait de la surface une condition déterminante de leur achat et que les époux X... avaient manqué à leur obligation de s'informer, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que les époux X... se prévalaient de trois actes interruptifs de prescription, que l'acte d'opposition à sommation de payer visait uniquement les prescriptions de la loi "Scrivener" sur la protection du consommateur et contenait une demande de désignation d'expert pour fixer le montant des travaux de réhabilitation, que le deuxième acte était une assignation délivrée à la Sofredim, visant les mêmes fins que l'acte d'opposition auquel il se référait et que le troisième acte était une requête par laquelle les acquéreurs sollicitaient sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile la désignation d'un expert aux fins de vérifier la superficie de l'appartement, acte qui n'a jamais été signifié à la Sofredim contre qui les époux X... voulaient empêcher de prescrire, la cour d'appel a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, que les époux X... n'avaient pas interrompu le délai de prescription quinquennale ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que les époux X... ne démontraient pas qu'ils avaient acheté l'immeuble en méconnaissance de sa surface réelle ni en quoi celle-ci était déterminante de leur achat, réalisé à titre d'investissement défiscalisé, qu'il leur appartenait de vérifier que l'acte de vente mentionnait la surface de leur lot et non la surface cadastrale, que la surface réelle était inférieure d'un tiers environ par rapport à la surface cadastrale et que la valeur marchande dépendait de la consistance, la cour d'appel a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige ni être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que l'erreur invoquée par les acquéreurs, à la supposer avérée, était inexcusable et que ces derniers n'étaient pas fondés à fixer le point de départ du délai de prescription au jour de l'expertise judiciaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de dire sans objet l'action en responsabilité civile dirigée contre le notaire, alors, selon le moyen :
1 ) que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré sans objet l'action en responsabilité civile contre l'étude notariale ;
2 ) que dans leurs conclusions d'appel les époux X... avaient reproché à la société civile professionnelle Prud'homme-Grundler-Prud'homme, qui avait reçu l'acte de vente et les actes de prêt, d'avoir annexé à l'acte une offre de prêt dont les termes apportaient eux-mêmes la preuve de l'absence de respect du délai de réflexion d'ordre public prévu par la loi du 13 juillet 1979 ; que ces conclusions étaient péremptoires dès lors qu'il incombait à ce notaire qui recevait un acte de s'assurer des conditions de sa validité ; que les offres de prêt antidatées étaient offertes en preuve ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que le premier moyen ayant été rejeté, le moyen est devenu sans portée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que les époux X... ne recherchaient la responsabilité du notaire instrumentaire qu'en conséquence de la nullité des contrats conclus par son office, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'en raison de la prescription de ces actions, cette demande était sans objet ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux X... à payer, à la société Sofapi et à la société civile professionnelle Prud'homme-Grundler-Prud'homme, chacune, la somme de 2 000 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille cinq.