AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Boualem,
contre l'arrêt de la cour d'assises de PARIS, spécialement composée, en date du 27 novembre 2003, qui, pour assassinats, tentatives d'assassinats, destructions aggravées et infractions à la législation sur les explosifs, en relation avec une entreprise terroriste, l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, avec période de sûreté fixée à vingt-deux ans, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour aurait prononcé sur les intérêts civils ;
Attendu que, par lettre du 13 février 2004, Boualem X... a déclaré se désister du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt civil ;
que ce désistement est régulier en la forme ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1, 6.3 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 359, 360, 686-6, 698-6, 706-25, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que, pour condamner l'accusé, la cour d'assises spécialement composée de magistrats professionnels s'est bornée à statuer à la majorité ;
"alors que l'égalité consacrée par l'article 14 de la Convention européenne est violée si la distinction de traitement dans l'exercice des droits garantis par cette Convention manque de justification objective et raisonnable ; que le fait de refuser à l'accusé d'un acte de terrorisme, à la différence de tout accusé d'un crime de droit commun, le droit à un jury populaire comme la garantie que les réponses défavorables données aux questions soient acquises à une majorité qualifiée, constituent une distinction de traitement dans l'exercice des droits de la défense et de la présomption d'innocence qui est manifestement disproportionnée avec les buts visés par la législation nationale française" ;
Attendu que les règles fixées par l'article 706-25 du Code de procédure pénale, qui prévoient que, lorsque les infractions entrent dans le champ d'application de l'article 706-16 dudit Code, la cour d'assises doit être composée conformément aux dispositions de l'article 698-6 du même Code, répondent, au regard du principe de l'égalité, aux exigences des articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que, d'une part, l'attribution de compétence qui en résulte embrasse toutes les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 précité et tous les accusés tombant sous le coup de ce texte, sans aucune distinction, et que, d'autre part, les droits de la défense peuvent s'exercer sans discrimination ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 344, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que, à l'audience du 18 novembre 2003 à 9 heures 30 (PV p. 31), un interprète, Mohamed Y..., a remplacé Mohand Z..., empêché, sans qu'il ait été précisé que Mohamed Y... avait d'ores et déjà prêté serment dans cette affaire ;
"alors que, s'il est acquis qu'un interprète nommé Mohamed Y... avait d'ores et déjà assisté l'accusé lors d'une précédente audience, faute de préciser qu'il s'agissait bien du même interprète et qu'il avait d'ores et déjà prêté serment, la cour d'assises n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la régularité de la procédure" ;
Attendu que, selon le procès-verbal des débats, à l'audience du 3 novembre 2003, le président a nommé un interprète "en la personne d'Y... Mohamed", lequel a prêté serment ; que celui-ci a été remplacé, lors de l'audience du 10 novembre 2003, par un autre interprète, Mohand Z... ; qu'à l'audience du 18 novembre 2003, l'accusé était assisté de Mohamed Y..., "interprète en remplacement de Mohand Z..." ;
Attendu qu'en cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que Mohamed Y... était bien l'interprète qui avait prêté serment le 3 novembre 2003 ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 366, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que faute d'avoir précisé à quel moment l'audience a été reprise postérieurement à la suspension durant laquelle les magistrats ont délibéré, la date à laquelle l'arrêt portant condamnation a été prononcé ne résulte d'aucune des mentions du procès-verbal des débats" ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué, selon lesquelles il a été rendu le 27 novembre 2003, suffisent à lui donner date certaine ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 378, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que sont contradictoires les mentions qui indiquent que suite à la suspension d'audience intervenue le 25 novembre le président et le greffier ont signé le procès-verbal lorsque leurs signatures sont absentes" ;
Attendu que le procès-verbal des débats, rédigé sur cinquante-quatre feuillets numérotés, porte les signatures du président et du greffier au bas de la dernière page ;
Attendu que ces signatures authentifient l'ensemble des énonciations dudit procès-verbal des débats rédigé sur plusieurs feuilles réunies et en un seul contexte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour ;
Par ces motifs,
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt civil :
DONNE ACTE du désistement ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt pénal :
Le REJETTE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mmes Ponroy, Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Lemoine, Mme Degorce conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;