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20/10/2004 | FRANCE | N°03-86201

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 octobre 2004, 03-86201


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 24 septembre 2003, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis

, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur le...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 24 septembre 2003, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 314-1 du Code pénal, 2, 3, 7, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel X... coupable d'abus de confiance résultant de la rémunération et des indemnités perçues ;

"aux motifs que, "en matière d'abus de confiance, le point de départ de la prescription de l'action publique, qui est de trois années révolues, doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de cette action ; que, si le délai de prescription peut commencer à courir à compter de l'inscription en comptabilité de l'opération caractérisant cette infraction ou de la présentation des comptes annuels, c'est sous réserve que cette inscription ou cette présentation ne recèle aucune dissimulation et que la victime se soit bien trouvée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en conséquence, il importe d'examiner pour chaque fait poursuivi si les responsables de droit de l'association de La Roche ont pu disposer de toutes les informations nécessaires, ou s'il y a, au contraire, eu dissimulation" ;

"que "la qualité de mandataire de fait n'est pas contestée par Jean-Michel X... ; que, par ses déclarations, il reconnaît avoir pris seul les décisions le concernant, notamment quant aux rémunérations qu'il s'est octroyées, alors que ces décisions étaient du ressort des instances dirigeantes ; que, de toute évidence, ainsi que cela ressort de la procédure et des débats, son ancienneté dans l'association, son efficacité dans la conduite des activités prévues par l'objet social, son autorité, voire son charisme en ont fait très rapidement, après le décès de l'ecclésiastique fondateur, non seulement un directeur général, sans contrat de travail, mais également un président de fait, investi d'un mandat tacite de gestion et d'utilisation des fonds de l'association" ;

"que "l'élément matériel de l'abus de confiance est constitué par le détournement de fonds ou d'objets au préjudice d'autrui ; qu'en l'espèce, ce détournement est caractérisé par l'utilisation des fonds de l'association de La Roche à des fins étrangères à ses statuts puisqu'exclusivement personnelles, et alors que le mandat, même tacite, exige une gestion rigoureuse, dans le respect des statuts, et sous le contrôle réel du conseil d'administration et de son président" ;

"que "l'élément moral du délit suppose une intention frauduleuse, dont l'exercice sera recherché dans chacune des rubriques ci-après" ;

"que "Jean-Michel X... exerçait de fait, dès l'origine, et jusqu'à son licenciement, en septembre 1997, les fonctions de directeur général, aucun contrat de travail n'ayant jamais été établi" ;

"qu' "il s'est octroyé des rémunérations supplémentaires, sans en référer à quiconque, et alors que ce type de décision relève, aux termes de l'article 13 des statuts de l'association, du conseil d'administration, son président étant seul titulaire du pouvoir de direction reconnu à l'employeur" ;

"qu' "ainsi :

""- en 1980, après avoir bénéficié d'un logement de fonction, Jean-Michel X... s'est logé lui-même et a perçu une indemnité de 3 000 francs prise en compte par la DDASS, les factures courantes étant payées par l'association de La Roche ;

""- en 1989, il a doublé son indemnité de logement (6 000 francs.), supplément payé par l'association ;

""- en 1990, il s'est alloué une prime mensuelle spéciale de 10 000 francs pour "responsabilité atelier protégé" et divers rappels ;

"que "l'expert judiciaire a évalué ainsi le préjudice de l'association de 1991 à 1997 :

"- au titre de l'indemnité de logement : 228 000 francs ;

"- au titre du rappel d'indemnités mensuelles de responsabilité :

33 017 francs ;

"- au titre du "rappel salaire cadre" : 9 578 francs ;

"- au titre de la prime "responsabilité atelier protégé" : 589 000 francs ;

"- soit au total 940 367 francs, portant le préjudice social, charges patronales comprises, 1 481 012 francs" ;

"que "Jean-Michel X... reconnaissait s'être lui-même attribué les augmentations de rémunérations sans avoir sollicité d'autorisation ;

qu'il ajoutait que lui et son épouse "retiraient librement de l'association tout ce qui était nécessaire pour vivre" ; qu'il prétendait que tout était décidé en accord avec l'expert comptable, M. Y..., lequel a exactement rappelé qu'il n'entre ni dans son rôle ni dans ses prérogatives de s'interposer dans les décisions de l'association en matière salariale" ;

"que "MM. Z...
A... (membres du conseil d'administration et du bureau), B... (président de 1984 à février 1992) ont évoqué leurs difficultés à obtenir des explications de la part de Jean-Michel X... ; que Mme C..., secrétaire ayant succédé à Amie D..., ex-épouse X..., déclarait qu'elle établissait les salaires sur la base de la convention collective en vigueur, à l'exception de Jean-Michel X..., lequel lui fournissait tous les éléments ;

"qu' "en conséquence, toutes ces sommes ci-dessus énumérées étaient indues, comme ayant été irrégulièrement octroyées" ;

"que "si le fait, pour l'assemblée générale, le conseil d'administration, le bureau, d'ignorer les détails des rémunérations de Jean-Michel X..., car ne disposant que des comptes annuels présentant les rémunérations de manière globale, ne suffit pas à établir une dissimulation, en revanche, caractérise cette dissimulation le fait de s'être, en violation de l'article 13 des statuts, accordé les suppléments de rémunérations sans que ces derniers n'aient été évoqués devant le conseil d'administration, et encore moins autorisés par cet organe, pourtant seul habilité à le faire ; qu'en conséquence, le délit est commis depuis temps non ouvert par la prescription, la décision du tribunal devant être infirmée sur ce point ;

"que "Jean-Michel X... fait valoir qu'à compter, au moins, de l'assemblée générale du 13 mai 1996, sa rémunération était non seulement connue, mais reconduite, la présidence affirmant même aux contestataires que cette rémunération était conforme à la convention collective en vigueur ;

"qu' "à la lecture du compte rendu de cette assemblée générale, il n'apparaît pas qu'ait été évoquée la reconduction de la rémunération de - Jean-Michel X..." ;

"que "c'est par erreur que le tribunal a relevé que le bureau a reconduit cette rémunération de Jean-Michel X... ; qu'au contraire, le bureau a proposé le maintien de la rémunération de base, mais la division par deux de la prime pour atelier protégé, et la limitation de l'indemnisation de logement" ;

"que "jusqu'au bout, Jean-Michel X... a préservé l'opacité de ses rémunérations ; qu'ainsi, sa mauvaise foi est entière" ;

"alors que, d'une part, en matière d'abus de confiance, la présentation des comptes annuels à une assemblée générale fait courir la prescription, sauf dissimulation qui résulte de toute présentation fausse d'une dépense dans les comptes annuels ne permettant pas de connaître l'affectation des fonds en cause ;

qu'après avoir constaté l'inscription de la rémunération du prévenu dans les comptes annuels, même de manière globale, la cour d'appel a considéré que la dissimulation provenait du non-respect de la procédure applicable en cas d'augmentation de cette rémunération, faisant, de manière erronée, du mode de commission de l'infraction, le moyen de la dissimulation ; que, dès lors qu'elle constatait que la rémunération avait été inscrite aux comptes annuels soumis à l'assemblée générale de l'association, sans que son montant en soit dissimulé, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que la rémunération avait été dissimulée, s'est prononcée par des motifs contradictoires ;

"alors que, d'autre part, il résultait des travaux préparatoires de l'assemblée générale de l'association du 13 mai 1996, expressément cités par le prévenu dans ses conclusions, que les membres connaissaient l'état de la rémunération du prévenu au moins à cette date et, partant, qu'à compter de ce jour, cette rémunération lui était versée avec l'aval de l'assemblée générale ; que, faute d'avoir recherché si la connaissance acquise de la rémunération du prévenu par les membres de l'assemblée générale, n'impliquait pas une acceptation tacite de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors qu'enfin, l'abus de confiance consiste à détourner un bien quelconque remis à charge d'en faire un usage déterminé ; que le seul fait d'avoir perçu une rémunération sans autorisation du conseil d'administration, violation d'une règle de procédure, ne peut être, à lui seul, constitutif de détournement de fonds remis ; qu'à défaut d'avoir recherché si la rémunération du prévenu était excessive compte tenu de ses activités diverses au sein de l'association, pour déterminer si cette rémunération constituait effectivement un détournement de fonds remis à charge d'en faire un usage déterminé, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Michel X..., mandataire de fait de l'association "De La Roche", s'est octroyé des augmentations de rémunération sans autorisation du conseil d'administration préservant ainsi l'opacité de ses prélèvements jusqu'à son licenciement intervenu en septembre 1997 ; qu'à la suite des révélations du commissaire aux comptes de l'association, une enquête a été ordonnée par le procureur de la République le 3 février 1999 ;

Attendu qu'en cet état la cour d'appel , qui, après avoir écarté la prescription de l'action publique, l'a déclaré coupable d'abus de confiance, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 314-1 du Code pénal, 2,3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel X... coupable d'abus de confiance résultant de l'utilisation du personnel de l'association de La Roche à des fins personnelles ;

"aux motifs que de nombreux travaux d'entretien, notamment d'espaces verts, étaient effectués par le personnel et par des pensionnaires de l'association, dans la propriété des époux X... ; que le préjudice social est évalué par l'expert -qui prend en compte la période 1991/1996- à 214 500 francs ;

"qu' "un salarié à l'époque des faits, Hubert E..., a déclaré qu'un ou deux moniteurs, accompagnés de cinq ou six ouvriers handicapés, s'occupaient du terrain -et auraient même creusé la piscine- des époux X... à raison d'une journée par semaine à la belle saison, et ce, de 1987 à 1993, soit pendant 7 ans ; que Gérard F..., toujours employé par l'association de La Roche, a confirmé cette mise à disposition, l'évaluant à 7 jours par an durant deux ans, jusqu'à la séparation des époux X..., sachant que cette pratique existait avant qu'il prenne la responsabilité des espaces verts, en 1991 ; qu'il précisait que Jean-Michel X... assurait avoir l'autorisation du conseil d'administration" ;

"qu' "à cet égard, la présidente, Mme G..., a déclaré avoir été sollicitée à titre exceptionnel en 1992, et avoir donné son accord, également à titre exceptionnel, n'ayant jamais été tenue informée pour le reste" ;

"que "la Cour relève que les époux X... ont acheté leur propriété (un manoir et un hectare de terrain) pour 500 000 francs en 1978, cette propriété étant en vente, lors de l'instruction, 3 000 000 francs ;

"que "Jean-Michel X... a reconnu les faits, mais s'est abrité derrière l'autorisation donnée, en 1988, par "frère H...", décédé cette année- là ; qu'à supposer vraie cette affirmation à présent invérifiable, et eu égard à l'autorisation exceptionnelle donnée par Mme G... en 1992, les faits ont été commis sans autorisation de 1989 à 1993 ;

à l'exception de l'année 1992" ;

"alors que le détournement constitutif de l'abus de confiance ne porte, aux termes de l'article 314-1 du Code pénal, que sur des fonds, valeurs ou biens quelconques et en aucun cas sur des services ; que la cour d'appel, qui a retenu que l'utilisation sans autorisation, du personnel de l'association par le prévenu était constitutive du délit d'abus de confiance, a nécessairement méconnu le champ d'application de la loi pénale et, partant, le principe de la légalité" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Michel X... est prévenu d'avoir détourné au préjudice de l'association "De La Roche" des fonds qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés, à charge de les rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé, notamment, par l'utilisation de personnel à l'entretien de sa propriété pour un montant de 214 500 francs ;

Attendu que, pour le déclarer coupable d'abus de confiance, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dés lors que le fait, pour un directeur d'association, d'employer les salariés de celle-ci pendant leur temps de travail à des fins personnelles, s'analyse comme un détournement de fonds de l'association destinés à rémunérer des prestations ne devant être effectuées que dans son seul intérêt, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 314-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel X... coupable d'abus de confiance résultant du paiement de frais de déplacement par l'association de La Roche ;

"aux motifs que, "à compter de 1993, Jean- Michel X... a utilisé ses véhicules personnels ;

"que "les conditions de remboursement des frais comme les salaires et annexes, n'ont pas été évoqués devant les dirigeants élus avant les bureaux des 12 février et 1er avril 1997 ; que Mme C... a indiqué que la secrétaire de Jean-Michel X... avait toujours des difficultés à rassembler les justificatifs ; que le commissaire aux comptes n'avait jamais réussi à obtenir un quelconque justificatif avant 1996, et, en 1996 et 1997, avait constaté l'absence de justificatifs fiables ;

"que "l'expert judiciaire relevait un kilométrage mensuel très exagéré, puisqu'entre 2 800 et 5 000 kilomètres par mois, pour une norme, dans ce type de fonction, de 1 000 kilomètres par mois ; que la partie civile, dans ses conclusions, indique toutefois que l'actuel directeur général parcourt environ 2 500 kilomètres par mois" ;

"que, "par ailleurs, des frais concernaient manifestement la vie privée de Jean-Michel X... (péages, parking, déplacements en fin de semaine à caractère privé)" ;

"que "Jean-Michel X... a reconnu les faits, s'abritant derrière l'accord de l'expert comptable, lequel a pourtant déclaré à l'audience du tribunal qu'il n'avait jamais pu faire comprendre à l'intéressé qu'il lui fallait fournir des documents concernant ses déplacements ;

"et que "c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les faits commis avant le 3 février 1996, soit plus de trois ans avant le premier acte interruptif de prescription que constitue le soit- transmis du 3 février 1999, étaient prescrits ;

"qu'en revanche, "Jean-Michel X... doit être déclaré coupable pour les remboursements postérieurs, dès lors qu'il a sciemment utilisé les fonds de cette association à des fins étrangères à son objet ;

"alors que, d'une part, s'agissant des faits postérieurs au 3 février 1996, la cour d'appel qui n'a pas précisé quel avait été le kilométrage de l'année 1996 et celui de l'année 1997, tout en constatant que ce kilométrage variait entre 2 800 km et 5 000 km et que le dirigeant actuel parcourait environ 2 500 km, n'a pas justifié la décision par laquelle elle a estimé que le kilométrage parcouru pendant ces deux années était excessif ;

"alors que, d'autre part, l'abus de confiance résultant du détournement de fonds afin d'en faire un usage déterminé, ce délit ne peut être caractérisé lorsque la personne poursuivie a reçu les fonds au titre d'une créance reconnue et à titre de propriétaire ; que le paiement volontaire des frais de déplacement du prévenu par l'association impliquait une transmission en connaissance de cause du montant des remboursements, non pas à charge d'en faire un usage déterminé, mais à titre de propriété ; qu'en retenant l'abus de confiance au titre du remboursement de frais de déplacement excessifs, sans répondre aux conclusions déposées pour le prévenu qui soutenaient qu'il n'avait pas la maîtrise des fonds de l'association s'agissant de ces frais à compter de 1996, les remboursements étant soumis à l'autorisation de la présidente de l'association, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 314-1 du Code pénal, 2,3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel X... coupable d'abus de confiance résultant du paiement par l'association de l'aménagement d'un bureau à domicile par l'association de La Roche ;

"aux motifs que "Anne D..., qui a été licenciée début 1992, expliquait qu' "il avait été décidé (sic) de lui installer un bureau au domicile familial pour qu'elle puisse continuer à gérer les comptes de tutelles pendant l'année 1992, avant que cette gestion ne soit transférée à une association Grim ; qu'il faut relever à cet égard qu'elle était effectivement gérante de tutelle, activité totalement indépendante des attributions exercées dans le cadre de son emploi par l'association de La Roche" ;

"que "des employés de l'association avaient effectué des travaux au domicile familial, sans qu'il soit question de facturation (ainsi, entre autres, M. I...) ; que l'entreprise Triboulet avait exécuté des travaux de maçonnerie facturés à l'association le 4 septembre 1992 avec pour entête "travaux effectués pour l'aménagement d'un bureau" sans plus de précision ;

"que "les instances dirigeantes ont découvert ce fait à l'occasion des investigations effectuées en 1997" ;

"(...)

""qu'en outre, la destination réelle de ces travaux a été dissimulée, la facture acquittée par l'association de La Roche à l'entreprise Triboulet ne mentionnant pas qu'il s'agissait de travaux au domicile familial des X... ; que l'action publique n'est pas prescrite ;

"alors qu'en matière d'abus de confiance, la prescription ne court que du jour où l'infraction a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que, dès lors qu'elle constatait que la dépense avait été portée en comptabilité et que la facture ne faisait pas état de faits faux, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire considérer que la prescription était acquise" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 314-1 du Code pénal, 2,3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel X... coupable d'abus de confiance résultant du paiement d'un contrat d'assurance vie par l'association de La Roche ;

"aux motifs que, "le 12 mars 1993, Jean- Michel X... a souscrit à titre personnel, au nom de l'association de La Roche, lui-même étant le bénéficiaire, sans autorisation du conseil d'administration, un contrat d'assurance vie avec La France Assurances ; que l'association a payé les cotisations, soit 3 000 francs par trimestre ;

qu'ainsi, 39 000 francs ont été déboursés jusqu'en 1996 ;

"que "Jean-Michel X... s'est fait rembourser la somme de 27 000 francs en 1996 ; qu'aux termes du compte rendu du bureau en date du 28 octobre 1997, cette souscription était inconnue du bureau, le remboursement n'ayant été découvert qu'en raison de la demande de versement du reliquat qu'il avait formulée auprès de la compagnie d'assurances, laquelle avait demandé l'autorisation de l'association pour le verser" ;

"que, "dans ses conclusions, Jean-Michel X... soutient que le conseil d'administration était au courant, et que lui-même a pris l'initiative de suspendre les versements, la demande de remboursement ayant été effectuée au vu et au su de tous au cours de la procédure de licenciement ;

"que "le tribunal a retenu la prescription de l'action publique en ce qui concerne la souscription, tout en déclarant l'intéressé coupable en raison du remboursement du capital, intervenu postérieurement au 3 février 1996" ;*

"que "la prescription ne saurait être retenue, Jean- Michel X... ayant lui-même signé à la fois au nom de l'association de La Roche et à son nom en qualité de bénéficiaire ;

qu'en aucun cas, le conseil d'administration n'était informé, contrairement à ce qu'il prétend et à ce qu'admet le tribunal ; qu'il y a donc dissimulation" ;

"qu' "à cet égard, la lecture du compte rendu du conseil d'administration du 9 décembre 1997 est édifiante ; qu'en effet, ce n'est en aucune façon Jean-Michel X... qui a demandé la suspension des paiements ; que le remboursement du capital a été demandé peu avant le dépôt de bilan, soit en avril 1996, à une époque où il est loin d'être question de licenciement ; que c'est 18 mois plus tard que la présidente découvrira les faits, précisément au moment du licenciement, que le "conseil d'administration s'indignera de cette méthode" ;

"que "la dissimulation de ces faits, dès leur origine, les conditions occultes de remboursement d'un capital de 27 000 francs, la seconde demande de remboursement tout aussi occulte, caractérisent la mauvaise foi de Jean-Michel X..." ;

"alors qu'en matière d'abus de confiance, la prescription ne court que du jour où l'infraction a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que, dans ses conclusions, le prévenu soutenait que les cotisations du contrat litigieux avaient été régulièrement inscrites en comptabilité et que la vice-présidente de l'association précisait que cette comptabilité avait été validée, ce qui établissait que l'infraction était connue dès l'origine de l'association dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que la cour d'appel, qui a considéré que la prescription de l'action publique n'était pas acquise dès lors que l'opération avait été dissimulée sans répondre au chef péremptoire des conclusions déposées pour le prévenu, a privé sa décision de base légale" ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 314-1 du Code pénal, 2,3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel X... coupable d'abus de confiance résultant de prêts faits sans autorisation à l'IETA, les fonds appartenant à l'association de La Roche ;

"aux motifs que "Jean-Michel X... a, sans aucune autorisation, accordé des avances de trésorerie pour un montant cumulé, début 1996, de 500 000 francs, à une association IETA (Institut Européen du Travail Adapté) dont il était le président ; qu'aux termes du rapport d'expertise judiciaire, au passif du bilan de cette dernière association, au 10 avril 1996, est relevé le fait que l'IETA doit encore 191 536 francs ; que c'est sur l'insistance particulière du commissaire aux comptes de l'association de La Roche que l'IETA a remboursé sa dette courant 1996 ; que Jean-Michel X... a prétendu que Mme G... était informée de ces faits, ce que celle-ci a formellement contesté ;

"que "le remboursement, suite à la découverte des faits par le commissaire aux comptes, n'ôte rien au caractère répréhensible des avances qu'il n'est pas contestable que Jean-Michel X... s'est comporté en véritable banquier en engageant, sans en avoir le pouvoir, ni une quelconque autorisation, des fonds de l'association de La Roche à une époque où celle-ci connaissait de sérieuses difficultés financières, c'est-à-dire quelques mois avant le dépôt de bilan, aux seules fins de favoriser une autre association, dont il était le président ;

"alors que l'abus de confiance consiste à détourner au préjudice d'autrui un bien quelconque ;

que, s'agissant des avances faites à l'IETA, la cour d'appel constate que ces fonds ont été remboursés dans le courant de l'année 1996, sur l'insistance du commissaire aux comptes ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas constaté le préjudice résultant du détournement allégué des fonds" ;

Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382, 2044 et 2046 du Code civil, 591, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné civilement Jean-Michel X... à réparer le préjudice subi par l'association de La Roche ;

"aux motifs que, pour les infractions non prescrites donnant lieu à condamnation, la Cour trouve les éléments suffisants résultant de la procédure et des débats pour fixer son préjudice matériel à la somme de 145 000 euros ;

"que "l'association de La Roche a subi un préjudice moral, les délits commis par son directeur général ayant entraîné des troubles durant de longs mois au sein des organes de gestion et de contrôle et des répercussions importantes sur la marché des affaires courantes jusqu'au licenciement de Jean-Michel X... ; que le jugement sera donc infirmé, et qu'il sera alloué à la partie civile une indemnité d'un euro en réparation de ce préjudice" ;

"alors que, selon l'article 2046 du Code civil, on peut transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit ; que, dans ses conclusions, le prévenu soutenait qu'il avait passé un protocole d'accord avec l'association de La Roche à un moment où elle connaissait toutes les infractions qui lui ont été reprochées, ce qui retirait tout droit de l'association de La Roche d'obtenir des dommages et intérêts en application de l'article précité ; que, faute d'avoir répondu à ce moyen de défense du prévenu qui invoquait la transaction intervenue avec l'association, la cour d'appel n'a pu justifié la décision par laquelle elle a attribué des dommages et intérêts à la partie civile" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1, 800-1 et 591 du Code de procédure civile ;

"en ce que l'arrêt a condamné Jean-Michel X... au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et l'a condamné aux frais de l'action civile ;

"alors que les frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police visés par l'article 800-1 du Code de procédure pénale sont à la charge de l'Etat, que la cour d'appel ne pouvait condamner le prévenu à payer, outre la somme prévue au titre de l'article 475- 1 du Code de procédure pénale, les frais de l'action civile" ;

Vu l'article 800-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés ;

Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré coupable Jean-Michel X... de plusieurs abus de confiance, l'a condamné aux dépens de l'action civile ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte précité et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions concernant la condamnation aux frais de l'action civile l'arrêt susmentionné rendu le 24 septembre 2003 par la cour d'appel de Lyon, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Soulard, Mmes Salmeron, Guihal conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-86201
Date de la décision : 20/10/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ABUS DE CONFIANCE - Détournement - Chose détournée - Emploi par le directeur d'une association de salariés pendant leur temps de travail à des fins personnelles.

1° Le fait, pour un directeur d'association, d'employer les salariés de celle-ci, pendant leur temps de travail à des fins personnelles s'analyse comme un détournement de fonds de l'association destinés à rémunérer des prestations ne devant être effectuées que dans son seul intérêt.

2° FRAIS ET DEPENS - Frais à la charge de l'Etat - Frais de l'action civile.

2° Encourt la cassation l'arrêt qui met à la charge du condamné les dépens de l'action civile, alors que, selon l'article 800-1 du Code de procédure pénale, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat, sans recours envers les condamnés.


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 800-1
Code pénal 314-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 24 septembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 oct. 2004, pourvoi n°03-86201, Bull. crim. criminel 2004 N° 248 p. 931
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 248 p. 931

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: M. Roger.
Avocat(s) : Me Spinosi.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.86201
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