AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE et les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE COLMAR,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 12 septembre 2003, qui a relaxé Jean-Jacques X..., Marie Y..., épouse Z..., et Charles A..., du chef d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, et Marc B..., du chef de recel de ce délit ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 432-14 du Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs, manque de base légale ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement que, de 1991 à 1995, la réalisation de la revue mensuelle du conseil général du Haut-Rhin "Réussir le Haut-Rhin" a été confiée à l'association pour la promotion et la communication du Haut-Rhin (APPROCH), présidée par Jean-Jacques X..., alors président du conseil général, et dont les directeurs successifs ont été Marie Y..., épouse Z..., et Charles A..., par ailleurs directeurs de la communication au conseil général ; que cette association, qui, selon les observations définitives formulées par la chambre régionale des comptes d'Alsace, n'était qu'un démembrement des services du département du Haut-Rhin, ne disposant d'aucune autonomie réelle à l'égard de la collectivité territoriale qui assurait son fonctionnement, a attribué le marché d'impression de la revue précitée à l'imprimerie Art Réal, dirigée par Marc B..., sans aucune mise en concurrence préalable, alors que les sommes réglées à cette dernière chaque année, soit 4 400 000 francs en moyenne, ont dépassé le seuil prévu par l'article 378 du Code des marchés publics, alors applicable, au-delà duquel devait être mise en oeuvre la procédure d'appel d'offres, soit 300.000 francs jusqu'en décembre 1992 puis 700.000 francs après cette date et jusqu'en avril 1998 ;
Attendu que, pour relaxer Jean-Jacques X..., Marie Y..., épouse Z..., Charles A... et Marc B..., poursuivis des chefs de favoritisme et recel, l'arrêt énonce, notamment, que l'article 9 de la loi du 3 janvier 1991, qui a soumis à des mesures de publicité ainsi qu'à des procédures de mise en concurrence la passation de certains contrats par un organisme de droit privé créé en vue de satisfaire spécifiquement un besoin d'intérêt général et répondant à l'une des conditions prévues par ledit article, ne s'appliquait pas, pendant la période visée à la prévention, aux marchés de fournitures et de services, tels ceux objet de la présente procédure, qui n'ont été inclus dans le droit positif que par la loi du 22 janvier 1997 ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, tout en relevant par ailleurs que l'association APPROCH constituait une association transparente au sens des décisions des juridictions administratives et financières, la cour d'appel, qui ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, écarter l'application des articles 250 et suivants du Code des marchés publics alors en vigueur, relatifs aux mesures de publicité et de mise en concurrence applicables aux marchés passés au nom des collectivités territoriales, a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 12 septembre 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;