AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS , le quinze octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le PROCUREUR GENERAL près la COUR D'APPEL DE PARIS,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 12 ème chambre, en date du 31 mars 2003, qui, dans la procédure suivie contre Aracélis X...
Y... pour abus de faiblesse, vol, escroqueries, falsification de chèques et usage de chèques falsifiés, a annulé le procès-verbal de garde à vue et la procédure subséquente et a constaté que la disposition du jugement du tribunal correctionnel sur la nullité de la citation était sans objet ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 385, 174, alinéa 2, 591 du Code de procédure pénale ;
Vu les articles 174, alinéa 2, 385 et 802 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la nullité d'actes accomplis pendant la garde à vue est sans effet sur les actes ultérieurement accomplis dont cette mesure n'est pas le support nécessaire ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la plainte déposée en septembre 1998 par Pierre Z..., mettant en cause Aracélis X..., les investigations menées en enquête préliminaire auprès des organismes bancaires, sociétés de crédit et de vente par correspondance ont conduit les policiers à soupçonner cette dernière d'avoir volé des formules de chèques à Pierre Z... et d'en avoir fait usage après les avoir falsifiées, d'avoir frauduleusement utilisé des cartes de crédit appartenant au plaignant, d'avoir à son insu contracté des prêts et effectué des achats par correspondance à son nom ; que l'intéressée, placée en garde à vue le 17 novembre suivant à 10h05, a fait le même jour l'objet d'une fouille à corps et de deux auditions ; que le procureur de la République a accordé le lendemain, à 9h30, une prolongation de garde à vue puis, à 12 h 10, a donné pour instruction de laisser Aracélis X... libre, à charge pour elle de déférer à toute nouvelle convocation ; que l'enquête préliminaire a été poursuivie tant auprès des établissements bancaires, des sociétés de crédit ou de ventes par correspondance que des proches d'Aracélis X... afin de déterminer la nature et le détail des agissements frauduleux imputables à l'intéressée qui a, à nouveau, été entendue par les enquêteurs sur le résultat de ces investigations et a reconnu les faits ; qu'à l'issue de l'enquête, Aracélis X... a été invitée, le 13 janvier 2000, sur instruction du procureur de la République donnée à un officier de police judiciaire, à comparaître devant le
tribunal correctionnel ;
Attendu qu'après avoir constaté que le procureur de la République n'avait pas été avisé, le 17 novembre 1998, du placement en garde à vue d'Aracélis X..., la cour d'appel a annulé les actes accomplis pendant la garde à vue ainsi que l'ensemble de la procédure subséquente, y compris la citation, en énonçant qu'il n'y avait "pas lieu d'examiner si les diligences qui ont suivi cette mesure étaient ou non fondées exclusivement sur les dépositions de la personne gardée à vue, dès lors qu'il n'était pas discutable qu'il s'agissait de diligences effectuées à la suite du placement en garde à vue et sur lesquelles le ministère public n'a pu exercer son contrôle " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors , que, d'une part, les actes accomplis antérieurement au placement en garde à vue, le 17 novembre à 10h05, ne se trouvaient pas affectés par la nullité, et que, d'autre part, les juges étaient tenus de rechercher si les actes postérieursà la prolongation de la garde à vue accordée le 18 novembre, à 9h30, par le procureur de la République, ainsi que la citation devant le tribunal correctionnel, ne trouvaient pas leur support dans des actes régulièrement accomplis, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef;
"et sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article 520 du Code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu que les dispositions de ce texte, qui obligent les juges d'appel à évoquer le fond lorsque le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée des formes prescrites par la loi à peine de nullité, ne sont pas limitatives et s'étendent aux cas où l'irrégularité s'attache à l'enquête et affecte l'acte par lequel le tribunal est saisi ;
Attendu que, sur appel du ministère public du jugement du tribunal correctionnel ayant annulé des pièces de l'enquête préliminaire, les juges du second degré se sont bornés à annuler le procès-verbal de garde à vue et la procédure subséquente ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors qu'il lui appartenait d'user du pouvoir d'évoquer qu'elle tient de l'article 520 du Code de procédure pénale et de statuer au fond, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris , en date du 31 mars 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris , sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Lemoine conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;