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26/03/2003 | FRANCE | N°03-80144

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mars 2003, 03-80144


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Hubert,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 18 décembre 20

02, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viols aggravés, a rejeté sa de...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Hubert,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 18 décembre 2002, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viols aggravés, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 52, 85, 88, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception tirée de la prescription de l'action publique et a, en conséquence, rejeté la demande de mise en liberté de Hubert X... ;

"aux motifs que le conseil de Valérie Y... a, en effet, adressé, le 31 décembre 1996, un courrier à Madame le doyen des juges d'instruction d'Angers, indiquant que sa cliente "portait plainte entre ses mains contre personne non dénommée, pour viols et violences sexuelles, sur mineure, par personne ayant autorité" ;

après évocation, dans le détail, des faits dont l'intéressée pouvait se souvenir, il était fourni, pour permettre les premières investigations du juge, diverses pièces établissant le préjudice subi par elle et une fiche d'état civil la concernant ; il était encore précisé que celle-ci se tenait à la disposition du magistrat pour toute audition et précision nécessaires, notamment relative aux éventuels témoins susceptibles d'être entendus par le juge. Il était enfin demandé que soit communiqué le montant de la consignation à fixer "pour l'ouverture de cette information", les ressources de Valérie Y... était par ailleurs évoquées ; il résulte ainsi très clairement de cet acte saisissant le doyen des juges d'instruction d'Angers que la plaignante entendait se constituer partie civile entre les mains de magistrat instructeur ; il convient d'ailleurs de noter que le juge d'instruction ayant rendu son ordonnance de fixation de consignation le 20 juin 1997 en visant expressément "les dispositions des articles 85 et suivants du Code de procédure pénale" et "la plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 décembre 1996 par Valérie Y... ... ayant pour avocat Maître Claire Desgrees du Lou-Maillard (...) à l'encontre de X (...) du chef de viols par personne ayant autorité", la partie civile a versé la consignation par chèque du 2 juillet 1997, transmis à Monsieur le régisseur d'avances et de recettes du tribunal de grande instance d'Angers le 8 juillet suivant ; il est, dès lors, peu sérieux de soutenir, dans ces conditions, que la victime, en décembre 1996, n'avait pas manifesté le souhait de se constituer partie civile

entre les mains du doyen des juges d'instruction ; lors de ce dépôt de plainte, celle-ci dénonçait des agissements commis par l'auteur sur une assez longue période de temps et alors que la famille avait habité à plusieurs endroits, notamment à Angers, la compétence du doyen des juges d'instruction d'Angers ne paraissait guère discutable ; ce n'est qu'après une audition, le 1er octobre 1997, qu'elle est venue préciser ses accusations, les faits de viol ayant en réalité été commis à Sermaise ; c'est alors, et alors seulement, qu'il est apparu que le juge d'instruction d'Angers n'était pas compétent pour instruire sur les faits dénoncés et c'est dans ces conditions qu'est intervenue une ordonnance d'incompétence le 6 octobre suivant ; le conseil de l'accusé croit aujourd'hui pouvoir soutenir la prescription de l'action publique dès lors que la plainte avec constitution de partie civile évoquée ci-dessus aurait été régularisée entre les mains d'un juge incompétent et n'aurait, dès lors, pas eu pour effet d'interrompre la prescription de dix ans prévue à l'article 7 du Code de procédure pénale ; or, en l'espèce, il est manifeste qu'au terme même de la plainte, la victime avait un souvenir imprécis de la localisation des faits dont elle était victime ; ce n'est qu'à la suite de son audition par le juge d'instruction qu'il est apparu que les seuls faits susceptibles de répression avaient été commis à Sermaise, soit dans la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Saumur ; il y a lieu dès lors de considérer que ce dépôt de plainte n'a nullement constitué la saisine d'un juge manifestement incompétent mais d'un magistrat qui, ultérieurement, s'est révélé territorialement incompétent ;

"alors premièrement, que la plainte adressée au juge d'instruction qui comporte une simple offre de se constituer partie civile ne peut pas être considérée comme un acte régulier de constitution de partie civile de nature à interrompre la prescription ;

qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;

"alors deuxièmement, que la plainte avec constitution de partie civile portée devant un magistrat incompétent n'est pas susceptible d'interrompre le délai de prescription de l'action publique lorsque la partie civile dispose, lors de cet acte, d'informations de nature à déterminer avec certitude le lieu de commission de l'éventuelle infraction dénoncée ; que dans sa plainte déposée entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal d'Angers, Valérie Y... indiquait que sa mère et son beau-père "ont habité successivement Angers puis Sermaise (49140). C'est là, alors qu'elle était adolescente, que Valérie Y... a subi des attouchements sexuels et des viols de la part de cette personne", localisant ainsi précisément le lieu de l'infraction dénoncée dans le ressort du tribunal de grande instance de Saumur ; qu'en énonçant néanmoins qu'aux termes même de la plainte, la victime avait un souvenir imprécis de la localisation des faits dénoncés, la chambre de l'instruction s'est contredite privant ainsi sa décision de toute véritable motivation ;

"alors troisièmement, que la plainte avec constitution de partie civile portée devant un magistrat incompétent n'est pas susceptible d'interrompre le délai de prescription de l'action publique lorsque la partie civile dispose, lors de cet acte, d'informations de nature à déterminer avec certitude le domicile de la personne dont les agissements sont dénoncés et donc le magistrat territorialement compétent pour recevoir sa plainte ; qu'en ne recherchant pas si, au moment où elle avait déposé sa plainte, Valérie Y... connaissait le lieu où Hubert X..., son beau-père, résidait, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

"qu'il en est d'autant plus ainsi que, dans sa plainte du 31 décembre 1996, Valérie Y... précisait que "Chantal Z... (sa mère) s'est mise en ménage avec Hubert X..., qui demeure toujours avec elle à Tours" ;

Attendu que le demandeur, qui a interjeté appel d'une décision de condamnation rendue par une cour d'assises de première instance, est irrecevable à invoquer la prescription de l'action publique devant la chambre de l'instruction à l'occasion d'une demande de mise en liberté ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble des articles 137, 144, 148-1, 148-2, 367, 380-4, 591 et 593 dudit Code, et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de Hubert X... ;

"aux motifs qu'il n'est pas discutable qu'Hubert X... bénéficie toujours de la présomption d'innocence, aucune décision de condamnation pénale définitive n'étant intervenue à son encontre ; une première juridiction l'a cependant déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné à une peine de huit années d'emprisonnement ; il se trouve ipso facto, placé dans une situation différente de celle qui était la sienne avant le procès, son recours étant dépourvu d'effet suspensif ; en conclure que cette situation le priverait d'un procès équitable devant la cour d'assises d'appel est manifestement excessif, sa situation actuelle étant celle que connaissent la plupart des accusés traduits pour la première fois devant les juges du fond ; en réalité, son maintien en détention s'impose pour éviter toute pression sur les témoins et la victime et assurer, de manière efficace, sa représentation en justice, alors même qu'il connaît désormais les véritables enjeux du procès ;

"alors, premièrement, que le principe selon lequel la liberté demeure la règle et la détention l'exception ne cesse pas de trouver application en matière criminelle, de sorte que tout accusé détenu en vertu d'une ordonnance de prise de corps, y compris en cause d'appel, peut demander sa mise en liberté ; qu'en énonçant, pour débouter Hubert X... de sa demande de mise en liberté, qu'il se trouvait placé dans une situation différente de celle qui était la sienne avant l'arrêt de la cour d'assises de première instance et que l'appel formé contre un tel arrêt n'est pas suspensif, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;

"alors, deuxièmement, que le maintien en détention provisoire doit demeurer une mesure exceptionnelle, ce qui impose à la chambre de l'instruction saisie d'une demande en liberté de justifier, au regard des faits de la cause, des circonstances qui établissent le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ; qu'en l'espèce, faute d'avoir précisé en quoi les obligations du contrôle judiciaire seraient insuffisantes pour éviter toute pression sur les témoins et la victime et pour assurer, de manière efficace, la représentation en justice de Hubert X..., la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté d'Hubert X..., qui a été condamné par arrêt du 28 mai 2002 de la cour d'assises de Maine-et-Loire, pour viols aggravés, à huit ans d'emprisonnement, et qui a interjeté appel de cette décision, la chambre de l'instruction prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, les griefs allégués ne sont pas encourus, dès lors que, d'une part, l'arrêt attaqué énonce à bon droit que l'appel n'était pas suspensif en ce qui concerne les effets de l'ordonnance de prise de corps, constate, sans préjuger de la culpabilité de l'accusé, l'existence de la condamnation de la cour d'assises de première instance, et que, d'autre part, l'exigence d'une motivation spéciale sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire prévue par l'article 137-3 du Code de procédure pénale cesse d'être applicable lorsque le juge d'instruction a renvoyé la personne poursuivie devant la juridiction de jugement ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Farge, Pelletier, Mmes Ponroy, Koering-Joulin conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Lemoine conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-80144
Date de la décision : 26/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Détention provisoire - Demande de mise en liberté - Appel d'une décision de condamnation rendue par une cour d'assises de première instance - Conclusions invoquant la prescription de l'action publique - Recevabilité (non).

1° Une personne détenue qui a fait l'objet d'une décision de condamnation, dont elle a interjeté appel, rendue par une cour d'assises de première instance est irrecevable à invoquer la prescription de l'action publique devant la chambre de l'instruction à l'occasion d'une demande de mise en liberté (1).

2° COUR D'ASSISES - Détention provisoire - Ordonnance de prise de corps - Exécution - Atteinte à la présomption d'innocence (non).

2° CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Détention provisoire - Demande de mise en liberté - Rejet - Motifs - Constatation de l'insuffisance des obligations du contrôle judiciaire - Nécessité (non).

2° N'encourt pas la censure l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, pour rejeter une demande de mise en liberté, énonce que l'appel n'était pas suspensif en ce qui concerne les effets de l'ordonnance de prise de corps et constate, sans préjuger de la culpabilité de l'accusé, l'existence de la condamnation de la cour d'assises de première instance. Par ailleurs, dans cette hypothèse, la décision de la chambre de l'instruction n'est pas soumise à l'exigence d'une motivation spéciale sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire prévue par l'article 137-3 du Code de procédure pénale, laquelle cesse d'être applicable lorsque le juge d'instruction a renvoyé la personne poursuivie devant la juridiction de jugement (2).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 137-3
Code de procédure pénale 7, 52, 85, 88

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (chambre de l'instruction), 18 décembre 2002

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1984-01-29, Bulletin criminel 1984, n° 34 (1°), p. 90 (rejet). CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 2001-09-19, Bulletin criminel 2001, n° 185, p. 600 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 2002-05-06, Bulletin criminel 2002, n° 98 (2°), p. 339 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 mar. 2003, pourvoi n°03-80144, Bull. crim. criminel 2003 N° 76 p. 296
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 76 p. 296

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay
Rapporteur ?: M. Arnould
Avocat(s) : la SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:03.80144
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