AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été engagé par la société Les Editions du Seuil le 1er février 1983 en qualité d'attaché commercial ; que le 9 janvier 1999 il a été en arrêt maladie puis déclaré le 19 mai 2000 par le médecin du travail inapte à tout poste avec la mention "danger immédiat à reprendre le travail" ; que l'intéressé, qui bénéficiait du statut de salarié protégé en tant que délégué du personnel, a été licencié le 21 novembre 2000 après avis favorable du comité d'établissement et de l'inspection du travail, pour inaptitude définitive constatée par le médecin du travail empêchant tout reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de plusieurs demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'employeur à payer l'indemnité conventionnelle de licenciement alors, selon le moyen :
1 / que le principe de faveur n'exige pas des conventions et accords collectifs qu'ils soient plus favorables que la loi ; qu'il leur est seulement interdit de déroger dans un sens moins favorable à ses dispositions d'ordre public ; qu'une convention collective peut en conséquence exclure les salariés licenciés en raison de leur inaptitude physique, du bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement, dès lors qu'elle ne les prive pas de l'indemnité légale de licenciement à laquelle ils ont droit en vertu de l'article L. 122-9 du Code du travail ; qu'en affirmant le contraire, pour décider que l'article 13 de la convention collective nationale de l'édition ne pouvait exclure les salariés licenciés pour cause d'inaptitude du bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4 du Code du travail et 13 de la convention collective nationale de l'édition ;
2 / qu'en son article 13 avant-dernier alinéa, la convention collective nationale de l'édition prévoit que "lorsque la cause de licenciement entraîne la suppression du délai-congé, l'indemnité de licenciement n'est pas due" sans établir aucune distinction parmi les causes de licenciement entraînant la suppression du délai-congé ; qu'en affirmant dès lors que l'article 13 faisait uniquement référence aux licenciements fondés sur une faute grave ou sur une faute lourde, qui entraînent de manière automatique la suppression du délai-congé, pour accorder à M. X... le bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement en dépit de l'impossibilité pour le salarié déclaré inapte à son emploi d'effectuer son préavis, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 13 de la convention collective en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que les articles 10 et 13 de la Convention collective nationale de l'édition n'excluent pas du bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement qu'elle institue les salariés licenciés pour inaptitude ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, tel qu'il figure au mémoire annexé au présent arrêt :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté le salarié de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis alors que l'employeur ne démontrait pas qu'il était dans l'impossibilité de le reclasser ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen du pourvoi incident, tel qu'il figure au mémoire annexé au présent arrêt :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir débouté le salarié de sa demande de prime de secteur, de remboursement de vignette auto et de dommages-intérêts pour service de presse interrompu ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi incident, tel qu'il figure au mémoire annexé au présent arrêt :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif et pour non-respect de la procédure relative à la consultation régulière du comité d'entreprise ;
Mais attendu qu'en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier ni le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ni la régularité de la consultation du comité d'entreprise ;
Que par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident, tel qu'il figure au mémoire annexé au présent arrêt :
Vu l'article 1153 du Code civil ;
Attendu que la cour d'appel a fait courir les intérêts de retard sur l'indemnité de licenciement à compter du 18 avril 2001 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur avait été convoqué devant le bureau de conciliation pour s'expliquer sur la demande d'indemnité de licenciement le 22 décembre 2000 et que les intérêts de retard courent donc à compter de cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la Société des éditions du Seuil à payer les intérêts sur l'indemnité conventionnelle de licenciement au taux légal à compter du 18 avril 2001, l'arrêt rendu le 8 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les intérêts sur l'indemnité conventionnelle de licenciement courent à compter du 22 décembre 2000 ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Les Editions du Seuil ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille quatre.