AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 janvier 2003), que la société à responsabilité limitée Comptoir d'Aquitaine des matériaux (la société) a été constituée à parts égales entre M. X... et M. Y..., ce dernier étant désigné comme gérant ; qu'après avoir, le 4 janvier 2002, exprimé sa décision de démissionner de ses fonctions de gérant par courriers recommandés adressés à la société et à M. X..., M. Y... a, par un nouveau courrier recommandé du 20 mars 2002, informé ce dernier de sa volonté de revenir sur cette décision ; que M. X..., faisant état de la démission du gérant et de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de convoquer lui-même une assemblée générale aux fins de procéder au remplacement du gérant démissionnaire, a obtenu sur requête la désignation d'un administrateur provisoire chargé notamment de convoquer l'assemblée des associés et d'en fixer l'ordre du jour ; que M. Y... a demandé la rétractation de cette ordonnance ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à rétractation alors, selon le moyen :
1 / que le gérant statutaire est libre de reprendre sa démission, sans avoir à justifier de circonstances particulières, tant que l'assemblée générale extraordinaire ne l'a pas acceptée ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que la démission du gérant de SARL produisait ses effets, sans avoir besoin de recevoir une acceptation des associés, dès qu'elle était notifiée à ses destinataires, et qu'elle ne pouvait en tout cas faire l'objet d'une rétractation de la part du gérant démissionnaire que si ce dernier justifiait de circonstances particulières, et notamment de pressions, permettant de considérer qu'il n'avait pas librement démissionné, sans rechercher si, en sa qualité de gérant statutaire associé, M. Y... n'était pas libre de reprendre sa démission à tout moment jusqu'à ce que celle-ci soit acceptée par une assemblée générale extraordinaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 496 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le défaut de réponse à conclusions constitue le défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour justifier qu'il avait été poussé à la démission par son associé, avant de finalement se rétracter, M. Y... exposait, dans ses conclusions d'appel récapitulatives notifiées le 6 novembre 2002, que M. X... s'était conduit en gérant de fait, cherchant à imposer ses choix, notamment en faisant entrer dans la société sa fille et son gendre sans son accord ; qu'en s'abstenant de répondre purement et simplement aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sauf stipulation contraire des statuts, la démission d'un dirigeant de société, qui constitue un acte juridique unilatéral, produit tous ses effets dès lors qu'elle a été portée à la connaissance de la société ; qu'elle ne nécessite aucune acceptation de la part de celle-ci et ne peut faire l'objet d'aucune rétractation, son auteur pouvant seulement en contester la validité en démontrant que sa volonté n'a pas été libre et éclairée ;
Attendu qu'en l'espèce, l'arrêt constate que M. Y... a, par courriers, clairement indiqué à la société et à son unique associé qu'il entendait démissionner de ses fonctions de gérant et retient qu'il ne pouvait donc plus, à compter de la réception de ces courriers, revenir sur sa décision et qu'en conséquence le courrier ultérieurement adressé à M. X... ne saurait avoir un quelconque effet et ne saurait en tout cas priver ce dernier de la faculté de se prévaloir de cette démission ; que l'arrêt relève encore que M. Y... ne fournit aucun élément apportant la preuve de circonstances ayant pu le contraindre à démissionner ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions évoquées par la seconde branche du moyen et n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par la première branche, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens .
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille cinq.