AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu l'article L. 412-8 du Code rural et l'article R. 143-4 du même Code, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que lorsqu'un propriétaire se propose, notamment par vente, d'aliéner de gré à gré et à titre onéreux un fonds agricole ou un terrain à vocation agricole situé dans une zone où la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural est autorisée à exercer le droit de préemption, le notaire chargé d'instrumenter est tenu de faire connaître à ladite société le prix et les conditions demandés ainsi que les modalités de l'aliénation projetée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 décembre 2002), que par acte sous seing privé en date du 28 décembre 1998, Mme X..., assistée de son curateur, M. Y..., a signé, en sa qualité de propriétaire, une promesse de vente portant sur un d'immeuble au profit de l'agence "Les Demeures méditerranéennes", représentée par son gérant, M. Z..., le prix étant fixé à 1 800 000 francs ; que le notaire chargé d'instrumenter a notifié le 10 février 1999 à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Languedoc Roussillon (SAFER) cette promesse de vente ; que, le 18 février 1999, a été établie une nouvelle promesse de vente portant sur le même immeuble et entre les mêmes parties, mais pour un prix de 2 200 000 francs ; que, le 25 février 1999, le notaire chargé d'instrumenter lui a notifié ce second acte ; que, par acte d'huissier de justice en date du 23 avril 1999, la SAFER a fait part au notaire de sa décision d'exercer son droit de préemption aux prix et conditions portées à sa connaissance par la notification reçue le 25 février 1999 ; que Mme X... est décédée le 1er mai 1999 en laissant deux héritiers : Mme A..., légataire à titre universel de la totalité des biens immeubles de la succession et Mme B..., légataire à titre universel de la totalité des biens meubles ;
qu'afin de procéder à la réalisation de la vente, la SAFER a fait convoquer les deux légataires de Mme X... à l'étude du notaire ; que Mme A... ne s'étant pas rendue à cette convocation, elle a fait délivrer une sommation de comparaître, signifiée le 19 avril 2000, mais également restée sans succès ; que, le 22 août 2000, la SAFER a assigné Mme A... et Mme B... afin de faire juger qu'ensuite de son acceptation le 23 avril 1999 du prix et de conditions de vente à elle notifiés, la vente de la propriété rurale de Mme X... est parfaite ;
Attendu que pour rejeter sa demande, l'arrêt retient que l'acte sous seing privé intervenu le 18 février 1999, qui conditionne l'existence du droit de préemption de la SAFER est nul, comme ne comportant que la signature du curateur, que la notification à la SAFER qui, dans ces conditions, n'exprime pas la volonté de Mme X..., ne peut pas valoir offre de vente valable et que l'acceptation qui s'en est suivie est sans effet ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf à démontrer que la SAFER ne pouvait pas légitimement croire que le notaire, officier public et ministériel, chargé d'instrumenter et investi d'une mission légale d'information du prix, des charges, des conditions et modalités de la vente projetée, disposait des pouvoirs nécessaires pour engager le vendeur, l'acceptation par cette société des prix et conditions notifiés rendait la vente parfaite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne, ensemble, Mmes B... et A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme A... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille quatre.