AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 31 juillet 2001, qui, dans la procédure suivie contre Gabriel X... du chef d'homicide involontaire, blessures involontaires et défaut de maîtrise, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, ensemble de l'arrêté ministériel du 27 avril 1993, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a fixé à la somme de 214 890,82 francs la créance de l'agent judiciaire ensuite de l'accident dont Franck Y..., agent de l'Etat, a été victime ;
"aux motifs que l'Etat a versé à Franck Y... une rente temporaire à compter du 6 mars 1995 jusqu'au 5 mars 1998 pour un montant total de 22 478,67 francs, puis lui a alloué une rente définitive dont le capital représentatif est de 180 239,28 francs calculé sur un franc de rente à l'âge de 28 ans de 23,820 francs ;
que Franck Y... conteste ce franc de rente estimant que le seul applicable est celui fixé par le décret du 8 août 1986 pris en application de la loi du 5 juillet 1985 ; que l'agent judiciaire du Trésor maintient que seule la table de mortalité TD 88-90 homologuée par arrêté ministériel du 27 avril 1993 doit recevoir application et que toute mise en cause de la créance de l'Etat procède d'une contestation de l'application par la puissance publique d'une décision administrative qui ne peut être tranchée que par la juridiction administrative ;
que tel n'est pas le sens qu'il convient de donner à la contestation soulevée qui ne tend pas à remettre en cause le montant de la créance de l'agent judiciaire du Trésor, mais à délimiter le champ de l'opposabilité de son recours devant les juridictions judiciaires pour le cantonner au montant de la rente qui serait versée en application du décret du 8 août 1986 ;
que la juridiction correctionnelle est parfaitement compétente pour statuer sur ce litige sachant que le décret du 8 août 1986 fixant les modalités de conversion en capital d'une rente consécutive à un accident s'impose dans toutes les instances judiciaires ; qu'en conséquence, le capital représentatif de la rente servie à Franck Y... doit être recalculé sur la base d'un franc de rente de 13,736 francs, soit pour une rente annuelle de 7 566,72 francs, la somme de 103 936,46 francs ;
qu'ainsi, le préjudice soumis à recours subi par Franck Y... s'élève à la somme de 180 153,69 francs, tandis que la créance de l'agent judiciaire du Trésor s'élève à ce titre à la somme de 214 890,82 francs ;
"alors que, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat, lorsque l'infirmité ou la maladie d'un de ses agents est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à celle-ci ; que cette action concerne notamment la rente d'invalidité servie à la victime ; que la cour d'appel qui constate qu'une rente d'invalidité est servie à Franck Y..., agent de l'Etat, ensuite de l'accident dont il a été victime dont le capital représentatif, calculé en application du barème réglementaire, est de 180 239,28 francs et admet cette rente dans le calcul du préjudice dont l'agent judiciaire poursuit la réparation pour 103 936,46 francs, a violé les textes susvisés" ;
Attendu que Franck Y..., militaire, a été blessé dans un accident de la circulation dont Gabriel X... a été déclaré responsable ;
qu'à la suite de cet accident, il lui est versé par l'Etat une rente d'invalidité ;
Attendu que, pour fixer le montant de la créance de l'Etat, l'arrêt attaqué énoncé que le capital représentatif de la rente à échoir doit être calculé conformément aux dispositions du décret du 8 août 1986, pris en application de l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985 et non à celles de l'arrêté du 27 avril 1993 pris en application de l'article A 335-1 du Code des assurances ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a fait usage de son pouvoir souverain d'appréciation en se référant aux tableaux annexés au décret du 8 août 1986, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;