AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles L. 122-1-1, 3 et L. 122-3-10, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu que Mme X... est entrée au service de la société Joux Plane gérant un hôtel dans la région de Morzine-Avoriaz, le 25 juin 1986, en qualité de serveuse, selon contrat à durée déterminée jusqu'au 22 septembre ; que dix-sept contrats de travail à durée déterminée à caractère saisonnier se sont succédés de 1986 à 1996, le dernier pour la période du 7 juin au 15 septembre 1996 en qualité de serveuse ou de femme de chambre ; que la salariée, qui ne s'est plus présentée au travail à compter du 1er septembre, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification des contrats en un contrat à durée indéterminée et de diverses demandes au titre de la rupture ;
Attendu que pour requalifier les différents contrats saisonniers en un contrat à durée indéterminée et condamner l'employeur à payer une indemnité de requalification, la cour d'appel a relevé que si l'article L. 122-1-1 du Code du travail autorise le recours aux contrats à durée déterminée pour l'emploi de salariés dans le cadre d'une activité à caractère saisonnier, la reconduction systématique sur une longue période de tels contrats, conclus chaque fois pour la durée de la saison, entraîne, de jurisprudence bien établie, la requalification des contrats à durée déterminée successifs en une relation contractuelle unique d'une durée globale indéterminée, que sur les dix années considérées, la salariée a personnellement assuré huit saisons d'été et neuf saisons d'hiver, qu'elle a ainsi occupé un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société ;
Attendu, cependant, qu'il ressort des dispositions des articles L. 122-1-1, 3 et L. 122-3-10, alinéa 2, du Code du travail que la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que la salariée n'avait pas été engagée pour toutes les saisons ni pendant la durée totale de chaque saison, et alors que les contrats saisonniers n'étaient pas assortis d'une clause de reconduction pour la saison suivante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt relatif à la requalification des contrats de travail atteint, par voie de dépendance nécessaire, le chef de l'arrêt condamnant l'employeur à diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Et attendu que la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DEBOUTE Mme X... de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ;
Condamne Mme X... aux dépens afférents aux instances devant les juges du fond et devant la Cour de Cassation ;
Vu les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille quatre.