AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi en tant que dirigé contre l'arrêt du 14 mars 2002 :
Vu l'article 978 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société TF1, M. X... et la société Glem production se sont pourvues en cassation contre l'arrêt du 14 mars 2002, mais que leur mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision ;
D'où il suit qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire et que cette présomption n'est détruite que lorsque les juges du fond s'appuient sur des faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le mensuel Entrevue, édité par la Société de conception de presse, a publié, dans son numéro de février 1999, page 51 et suivantes, un article mettant en cause une émission consacrée à un jeune chanteur qui avait remporté un grand succès au début des années 1990, intitulé : "Julien X... 100 % bidon", précédé d'un bandeau indiquant : "TF1 n'a rien vu. Pour assurer encore plus d'audimat pour la première de Succès en prime time, la chaîne laisse carte blanche à l'animateur. Résultat : encore plus de bidonnage. Entrevue a tout vu ", annoncé en page de couverture par le titre "Julien X... bidonne un reportage" et illustré d'une photographie de l'animateur et d'une série de photos extraites de l'émission ; que s'estimant diffamés publiquement, M. X..., la société Télévision française 1 et la société Glem, productrice de l'émission, ont assigné, par acte d'huissier de justice du 19 mars 1999, M. Y..., directeur de la publication du mensuel Entrevue, et la Société de conception de presse devant le tribunal de grande instance, pour obtenir réparation de leur préjudice ;
Attendu que pour les débouter de leurs demandes, l'arrêt retient que le magazine Entrevue s'est spécialisé dans la critique des émissions et des animateurs de télévision et se vante, sur un ton de provocation sarcastique et soutenu, de décrire "l'envers du décor du PAF" ; qu'ainsi chaque personnalité du monde de l'audiovisuel est tour à tour prise pour cible, que la légitimité du but poursuivi par Entrevue n'est pas sérieusement contestable, que la bonne foi s'apprécie en fonction du genre du journal, que le journal Entrevue a seulement pour vocation de publier des faits concernant le comportement des animateurs de télévision, que le terme "bidon", synonyme de bluff, mensonge ou simulation est une illustration de cette provocation permanente et systématique ; qu'ainsi, même un lecteur moyennement avisé ne saurait raisonnablement tenir pour justes et appropriés les termes "bidonner" et "bidon", même renforcés par l'expression "100 %" et que la prudence dans l'expression s'apprécie à l'aune de la dérision ou même de l'outrance qui est la caractéristique d'Entrevue ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère provocateur et sarcastique du magazine dans lequel avait été publié l'article litigieux ne dispensait pas des devoirs de prudence et d'objectivité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
Constate la déchéance partielle du pourvoi en tant que dirigé contre l'arrêt du 14 mars 2002 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Société conception de presse et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société conception de presse et de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février deux mille cinq.