AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la Société orléanaise d'électricité et de chauffage électrique-Sorelec (Société orléanaise), inscrite sous cette dénomination au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 février 1970, avec comme objet social l'entreprise d'électricité, de bâtiment et de chauffage électrique, la fabrication, achat et vente, importation, exportation de tout matériel électrique de bâtiment et de chauffage, est titulaire de la marque semi figurative "Sorelec" n° 1 221 271, déposée le 3 décembre 1982, pour désigner des appareils et instruments scientifiques, électriques, conseils et consultations pour la construction, l'installation de chauffage et de climatisation pour les installations électriques et de tous travaux, et de la marque semi figurative "Sorelec énergies nouvelles", n° 92-436 661, déposée le 8 octobre 1992, pour désigner notamment des appareils et instruments scientifiques, électriques, support d'enregistrement magnétique, équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs ; que la Société rennaise d'électronique et composants-Sorelec (Société rennaise), immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 3 juin 1975, avec pour objet social tous matériels et composants électroniques et électriques, a déposé le 19 novembre 1991, la marque semi figurative "Sorelec composants", enregistrée sous le n° 1 715 107 pour désigner en classes 6 et 9 des composants électroniques ;
qu'estimant qu'un risque de confusion était susceptible de naître dans l'esprit de sa clientèle, la Société orléanaise a assigné, le 8 septembre 1998, la Société rennaise en contrefaçon de ses marques, atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial, demandant qu'il soit fait interdiction à celle-ci d'utiliser la dénomination Sorelec et sollicitant l'annulation de la marque n° 1 715 107 qu'elle avait déposée puis sa déchéance partielle ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Société orléanaise fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant, sur le fondement des droits qu'elle détient sur sa dénomination sociale, à voir interdire à la Société rennaise l'usage de la dénomination Sorelec, alors, selon le moyen :
1 ) qu'en retenant que l'usage par la Société rennaise de la dénomination Sorelec ne créait pas de risque de confusion dans l'esprit du public et ne porterait donc pas atteinte aux droits antérieurs de la Société orléanaise sur sa dénomination sociale dès lors que le domaine d'activité de chacune de ces sociétés serait différent, la société orléanaise ayant pour activité l'électricité et les énergies nouvelles et la Société rennaise l'électronique, tout en constatant que cette dernière, suivant les mentions figurant au registre du commerce, avait pour activité déclarée : "tout matériels et composants électroniques et électriques (distribution et représentation)", ce dont il résultait qu'elle avait au moins pour partie la même activité que la Société orléanaise, dont elle relevait, par ailleurs, le rayonnement national et international, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du Code civil ;
2 ) qu'en retenant, pour écarter tout risque de confusion, que la nature des activités des deux sociétés, l'électricité pour la Société orléanaise et l'électronique pour la Société rennaise, serait "suffisamment différente" tout en constatant que "dans l'évolution des techniques, l'électronique et l'électricité (sont) désormais employées de manière combinée" et que "la Société rennaise, parmi les produits qu'elle propose aux professionnels, distribue des éléments de système électrique utilisés dans l'industrie de l'électricité", la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) qu'en retenant encore que l'activité des deux sociétés se situerait sur des plans différents dès lors que la Société rennaise interviendrait comme "intermédiaire entre fournisseur d'éléments à mettre en oeuvre et techniciens réalisant un ouvrage" tandis que la Société orléanaise s'adresserait pour "la conception, la réalisation, la fabrication et la fourniture d'ouvrage" à un public non professionnel, après avoir constaté que cette Société orléanaise s'adresserait non seulement aux particuliers mais également "aux collectivités, grandes entreprises.... qui veulent réaliser un équipement d'éclairage, de chauffage, de pompage ou de production d'énergie", la cour d'appel a derechef entaché sa décision de contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir décrit les objets sociaux et les activités respectives des deux sociétés, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a, par une appréciation souveraine, retenu que les activités des deux sociétés se situaient dans des domaines différents ce qui excluait tout risque de confusion ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée :
Attendu que pour rejeter la demande en déchéance partielle de la marque "Sorelec composants" déposée le 19 décembre 1991, par la Société rennaise, pour désigner en classes 6 et 9 des composants électroniques, l'arrêt retient que dès lors que cette société est une société de services qui propose des produits fabriqués par des tiers, oriente les choix des clients et assure une veille technologique, on ne peut considérer qu'il y a eu défaut d'usage de la marque au motif qu'elle n'apposerait pas sur les composants électroniques sélectionnés et vendus par ses soins sa propre marque, et que l'apposition sur ses documents publicitaires et commerciaux des termes "Sorelec composants" constitue un usage suffisant de cette marque ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'usage sérieux d'une marque suppose l'utilisation de celle-ci sur le marché pour désigner des produits ou des services protégés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant rejeté la demande en déchéance partielle de la marque n° 1 715 107 déposée le 19 novembre 1991 par la Société rennaise d'électronique et de composants-Sorelec, l'arrêt rendu le 18 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la Société rennaise d'électronique et de composants-Sorelec aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille quatre.