AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'à partir du 1er juillet 1996, la société Multiradio a diffusé, en son numérique par satellite, sous la dénomination "Multimusic", des phonogrammes du commerce, exclusivement accessibles aux téléspectateurs équipés d'un décodeur déterminé ; qu'il en a été de même de son programme "Tropical" à compter du 1er mai 1999 ;
Attendu que la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), qui a engagé une action en contrefaçon contre la société Multiradio, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 29 mai 2002) d'avoir jugé que ces diffusions étaient soumises au régime des licence et rémunération légales prévu à l'article L. 214-1 du Code de la propriété intellectuelle, alors, d'une part, que, sauf à violer ce texte d'exception, ainsi que l'article L. 213-1 du même Code, le régime dont s'agit ne serait applicable qu'à la stricte radiodiffusion du phonogramme mais non à sa reproduction par traduction de ses sons en langage codé numérique préalablement à une radiodiffusion satellitaire, et, d'autre part, supposerait une distribution rigoureusement simultanée et intégrale, condition défaillante lorsque des contraintes techniques entraînent un décalage, quelle qu'en soit la durée ; que la Société civile de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse (SPEDIDAM) et le Syndicat national des artistes et musiciens de France (SNAM) interviennent devant la Cour de Cassation dans les conditions des articles 327 et suivants du nouveau Code de procédure civile, aux fins d'accueil de la première branche et rejet de la seconde ;
Mais attendu, d'une part, que l'application stricte d'une disposition dérogatoire n'exclut pas qu'elle soit faite dans toute la mesure de sa raison d'être ; que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la radiodiffusion prévue à l'article L. 214-1 du Code de la propriété intellectuelle désigne aussi, outre la transmission sans fil de sons ou d'images et sons ou de représentation de ceux-ci aux fins de réception par le public, la transmission par satellite de signaux dont les moyens de décryptage lui sont fournis par l'organisme de radiodiffusion ou avec son consentement ; qu'ayant relevé ensuite que le service Multimusic était dépourvu d'interactivité en ce qu'il n'offre aucune possibilité à l'abonné de sélectionner au sein du programme choisi par lui tel phonogramme qu'il voudrait entendre, elle en a exactement déduit qu'il constituait une radiodiffusion au sens du texte précité ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la traduction litigieuse des phonogrammes en langage codé numérique était exempte d'altération ou incorporation dans une oeuvre nouvelle, et que le décalage de quelques minutes entre la diffusion satellitaire et la distribution par câble résultait d'une contrainte technique alors inéluctable, la cour d'appel a pu admettre l'absence d'acte de reproduction indépendant au sens de l'article L. 213-1, et tenir pour acquise la simultanéité de la distribution et de la radiodiffusion prévue par l'article L. 214-1 ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société civile des producteurs de phonogrames en France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille cinq.