AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Nice, 12 décembre 2000), à l'occasion des élections des délégués du personnel de l'hôtel Mercure de Nice, un protocole préélectoral a été signé le 4 octobre 2000 par le syndicat CFE-CGC ; qu'à l'issue des élections qui se sont déroulées le 2 novembre 2000, au sein du collège unique, Mme X... et M. Y..., présentés par le syndicat CFE-CGE, ont été proclamés élus titulaire et suppléant ; que le syndicat ASNIF a saisi le tribunal d'instance d'une contestation portant sur la régularité du protocole électoral et des élections ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le syndicat ASNIF fait grief au jugement attaqué de l'avoir déclaré non représentatif au sein de l'hôtel Mercure de Nice alors, selon le moyen :
1 / que la société Hôtel Mercure n'a jamais officiellement contesté avant la signature du protocole électoral la représentativité de l'ASNIF, se contentant de demander par le canal d'un avocat dont il n'était pas précisé s'il agissait au nom des seuls époux Z... ou mandaté par le Groupe Accor, de justifier de sa représentativité en tout état de cause "présumée" s'agissant d'une union de syndicats régulièrement déclarés et reconnus comme tels par divers arrêts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; que cette représentativité n'a été contestée qu'à l'audience du tribunal d'instance qui n'a jamais demandé à l'ASNIF de rapporter le moindre élément relatif aux critères de représentativité définis par le Code du travail ;
2 / que l'action syndicale dans l'entreprise ne peut être menée que dans la mesure où les salariés ont le courage de s'adresser à une organisation professionnelle et pour autant que l'employeur n'y fasse pas obstacle ; qu'en l'espèce, bien que des institutions représentatives existent au plan national au sein du Groupe Accor et dans de nombreux établissements de la chaîne, la direction de l'Hôtel Mercure a toujours fait bande à part, maintenant le personnel dans un état de soumission quasi totale et dès que l'ASNIF s'est intéressée aux méthodes de la direction, celle-ci a réuni à plusieurs reprises le personnel pour dénigrer systématiquement l'organisation couverte d'insultes, allant même jusqu'à contester les résultats obtenus chez Geodis Logistic à Carros à la suite d'une occupation des locaux (indemnisation de tous les intérimaires licenciés, embauches en Contrat à durée indéterminée, renvoi en correctionnel des dirigeants, etc...) ; que l'intervention de l'ASNIF dans l'établissement s'est néanmoins indiscutablement soldée par un contrôle de l'inspection du Travail, l'affichage obligatoire, l'application de la convention collective ignorée jusqu'à lors, une amélioration sensible de la situation du personnel, l'arrêt immédiat de l'exploitation d'un salarié étranger qui vivait depuis 7 ans dans une cave à disposition H 24 de la direction, le payement des heures supplémentaires, etc ; que le tribunal d'instance a constaté que l'ASNIF "s'est montrée active" en demandant la mise en place des élections qui, jusque là, n'avait jamais été spontanément organisées par l'employeur en violation des dispositions de l'article L. 423-18 du Code du travail, attitude constitutive d'un délit d'entrave caractérisé, aucun des salariés n'appartenant par ailleurs à un syndicat, mais a estimé que cela ne suffit pas ;
3 / que le fait que Mme A... ait été, préalablement à la demande d'élections, "le seul adhérent connu de l'ASNIF dans l'entreprise", non seulement ne contrarie pas la représentativité de l'organisation professionnelle mais la conforte tout au contraire dans la mesure où aucun autre salarié n'appartenait d'ailleurs à une organisation syndicale où n'avait manifesté la moindre velléité de voir mettre en place une institution représentative de leurs intérêts pourtant largement spoliés ;
4 / Mme A... demanderesse aux élections et candidate ayant été littéralement mise en quarantaine avec interdiction de communiquer avec le personnel, et l'ASNIF ayant été empêchée de présenter des candidats aux élections du 2 novembre 2000, cette dernière aurait été bien en peine de récolter un quelconque résultat prouvant son audience au sein de l'entreprise ;
5 / que selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, une union syndicale est présumée représentative sauf à celui qui la conteste d'en rapporter la preuve contraire ; qu'il appartenait donc en tout état de cause à la société Hôtel Mercure de contester officiellement et préalablement à la signature du protocole d'accord la représentativité de l'ASNIF ou de laisser ce soin aux organisations syndicales dites "représentatives au plan national" présentes à la réunion de préparation ;
6 / que la CGC, par la voie de son conseil, reconnaissait à l'ASNIF au cours des débats "une audience nationale" et, tout comme l'employeur, "une certaine activité récente dans l'entreprise ; que dès lors, en se prononçant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a violé les principes mêmes de la représentativité dont l'appréciation a d'ailleurs largement évolué avec les dernières décisions de la Cour de Cassation et le droit européen ;
Mais attendu que le tribunal d'instance qui a fait ressortir que l'ASNIF ne se prévalait d'aucune affiliation à une des cinq organisations syndicales représentatives sur le plan national et qui a constaté que cette union syndicale ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de sa représentativité au sein de l'entreprise, a décidé à bon droit qu'elle ne pouvait ni participer à la négociation du protocole préélectoral ni présenter des candidats au premier tour des élections ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le syndicat reproche au tribunal d'instance d'avoir retenu que la CFE-CGC pouvait présenter des candidats dans le premier collège sur le fondement de sa représentativité, alors, selon le moyen :
1 / que préalablement à l'intervention de l'ASNIF, aucune élection des délégués du personnel n'a jamais été mise en place par l'employeur et aucun panneau d'affichage syndical n'existait dans l'entreprise ;
2 / qu'en dehors du directeur, M. Sylvain Z..., le seul supposé cadre est son épouse, Mme Gabriel Z..., comptabilisée dans l'effectif du corps électoral sans pouvoir être éligible ou voter, laquelle n'apparaissait pas jusqu'à présent sur l'organigramme affiché à l'intention des clients de l'établissement et qu'il n'y aurait donc aucun cadre dans l'entreprise ;
3 / que la CGC était totalement inconnue dans l'établissement avant la mise en place des premières élections à la demande de l'ASNIF et de Mme Patricia A... et n'y avait donc aucun adhérent connu, au contraire de l'ASNIF ;
4 / que Mme B... entrée chez Accor le 12 janvier 1991 et M. Y... entrée chez Accor le 9 avril 1997, tous deux employés, ne peuvent en aucun cas être adhérents de la CGC ou se présenter sous sa bannière, ceux-ci n'ayant pas le statut de cadre ; que dès lors, en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a violé le principe et la notion de représentativité et cautionné une fraude manifeste constitutive d'une entrave caractérisée ;
Mais attendu que, dès lors que les élections se déroulent au sein d'un collège unique réunissant toutes les catégories professionnelles, le syndicat CFE-CGC, représentatif au plan national auprès des salariés cadres, n'a pas à faire la preuve de sa représentativité au sein du collège unique et peut valablement présenter des candidats au premier tour des élections ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, tel qu'il figure au mémoire annexé au présent arrêt :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille deux.