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10/12/2003 | FRANCE | N°01-43876

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2003, 01-43876


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., entré au service du Crédit lyonnais le 6 novembre 1969, conseiller prud'homme, avait atteint l'âge de soixante ans et totalisait plus de cent cinquante trimestres de cotisations, lorsqu'il a été mis à la retraite à partir du 28 février 1990 ;

que, soutenant que cette mise à la retraite s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et prononcé en violation du statut protecteur, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Gr

asse qui, par jugement du 9 juillet 1992, l'a débouté de ses demandes ; que la c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., entré au service du Crédit lyonnais le 6 novembre 1969, conseiller prud'homme, avait atteint l'âge de soixante ans et totalisait plus de cent cinquante trimestres de cotisations, lorsqu'il a été mis à la retraite à partir du 28 février 1990 ;

que, soutenant que cette mise à la retraite s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et prononcé en violation du statut protecteur, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse qui, par jugement du 9 juillet 1992, l'a débouté de ses demandes ; que la cour d'appel de Nîmes, statuant sur renvoi après cassation prononcée par arrêt du 2 décembre 1998 (Bull. 1998, V, n° 534, p. 401) d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 mars 1996, premièrement, a, par arrêt du 15 mai 2000, infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, débouté M. X... de sa demande au titre du préjudice moral, condamné la société à verser au salarié une somme en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sursis à statuer sur les autres demandes, ordonnant la production de tous documents justifiant les sommes qui ont été réglées au salarié au titre de la retraite et celles qu'il aurait dû percevoir au titre des salaires et accessoires de salaires du 1er mars 1990 jusqu'à expiration de la période légale de protection ; deuxièmement, a, par arrêt du 2 novembre 2000, ordonné la réouverture des débats et production de décomptes et pièces justificatives ; et, troisièmement, par arrêt du 3 mai 2001, a condamné la société à verser à M. X... diverses sommes au titre du préavis, des congés payés, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice pour perte de salaire, outre une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonné la déduction des sommes versées par la société au titre de la pension de retraite ; que la société Crédit lyonnais s'est pourvue contre ces décisions par déclaration du 26 juin 2001 et que M. X... a formé pourvoi incident ;

Sur le pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre les arrêts du 15 mai 2000 et du 2 novembre 2000 :

Vu les articles 606, 612 et 621 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 15 mai 2000, à l'encontre duquel la société Crédit lyonnais ne formule aucun grief, ni sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 2 novembre 2000 dès lors que la société Crédit lyonnais a été déchue par ordonnance du 19 juin 2001 du pourvoi enregistré sous le numéro D 01-40.096 formé contre cette décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société Crédit lyonnais fait grief à l'arrêt du 3 mai 2001 de l'avoir condamnée à verser au salarié une indemnité forfaitaire pour perte de salaire équivalente à la rémunération brute de l'intéressée sur les trente mois suivant le 1er mars 1990 ainsi que des indemnités de préavis, de congés payés sur préavis, de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte de l'article L. 514-2 du Code du travail que si la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée au profit des conseillers prud'hommes interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la rupture du contrat de travail et si le salarié prud'homme mis à la retraite en méconnaissance du statut protecteur a droit à une indemnité correspondant aux salaires perdus de la période de protection en cours, la durée de cette protection, égale à celle dont bénéficient les représentants du personnel auxquels le conseiller prud'homme est assimilé est de deux ans plus six mois soit trente mois ;

qu'il ressort des constatations de l'arrêt du 2 novembre 2000 qu'au moment de sa mise à la retraite le 28 février 1990, M. X... avait déjà exercé son mandat pendant vingt-six mois ; qu'il avait donc droit à la rémunération qu'il aurait dû percevoir dans la limite du plafond de trente mois moins les vingt-six mois déjà effectués, soit à quatre mois de salaire supplémentaires ; qu'en décidant néanmoins que l'intéressé avait droit à une indemnité évaluée à trente mois à compter du 1er mars 1990, la cour d'appel a violé l'article L. 514-2 du Code du travail ;

2 / que, méconnaissant les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel qui s'est abstenue de répondre aux deux moyens déterminants soulevés par le Crédit lyonnais dans ses conclusions d'appels, pris en premier lieu de ce qu'au titre de la perte de son statut protecteur, M. X... a le droit d'obtenir le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir dans la limite du plafond de trente mois moins les vingt-six mois déjà effectués, soit à quatre mois et pris en second lieu de ce que la cour d'appel devra déduire de l'indemnité de licenciement réclamée, l'indemnité de départ perçue le 1er mars 1990 ;

3 / qu'il résulte de l'article L. 122-14-13 du Code du travail que la mise à la retraite d'un salarié qui remplit les conditions d'ouverture du droit à pension de vieillesse et qui peut bénéficier d'une pension à taux plein à la date de la rupture ne constitue pas un licenciement et que la mise à la retraite d'un salarié protégé sans observation de son statut protecteur ne constitue pas davantage un licenciement dès lors que les conditions de fond de sa mise à la retraite sont remplies ; que le salarié protégé mis à la retraite ne peut donc pas prétendre aux indemnités de licenciement ni de rupture sans cause réelle et sérieuse et ce, même si les formalités inhérentes à son statut protecteur n'ont pas été respectées, leur inobservation n'ouvrant droit qu'à une indemnité forfaitaire pour perte de salaire ; qu'en condamnant néanmoins le Crédit lyonnais à verser à M. X... des indemnités de licenciement, de préavis et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté que la durée du mandat de conseiller prud'homme qui restait à courir était supérieure à trente mois, a légalement justifié sa décision en accordant au salarié une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue au cours des trente mois de la protection des représentants du personnel ;

Attendu, ensuite, que la mise à la retraite d'un salarié protégé doit être autorisée par l'inspecteur du travail, et qu'à défaut, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul et qu'outre la sanction de la méconnaissance du statut protecteur, le salarié protégé, qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, a le droit d'obtenir, non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais, sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu les articles L. 425-1 et L. 514-2 du Code du travail ;

Attendu que la cour d'appel a déduit des sommes allouées à M. X... celles qu'il a perçues au titre de retraite du Crédit lyonnais dont le total est communiqué pour les trente mois concernés de la période de protection ;

Qu'en statuant ainsi, qu'il n'y avait pas lieu à déduction des arrérages de pension de retraite du montant de l'indemnisation de l'atteinte au statut protecteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu quen application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, en sa seule disposition relative à la déduction de la somme de 78 133, 43 francs correspondant à la pension de retraite versée par le Crédit lyonnais pendant les trente mois suivant le 1er mars 1990, la décision rendue entre les parties par la cour d'appel de Nîmes, le 3 mai 2001 ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute le Crédit lyonnais de sa demande de déduction des sommes allouées à M. X... de celle de 78 133,43 francs correspondant à la pension de retraite versée par le Crédit lyonnais pendant les trente mois suivant le 1er mars 1990 ;

Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ;

Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par la société Crédit lyonnais ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-43876
Date de la décision : 10/12/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° PRUD'HOMMES - Conseil de prud'hommes - Conseiller - Statut protecteur - Violation - Effets - Indemnisation - Montant - Détermination.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Salarié protégé - Mesures spéciales - Inobservation - Indemnisation - Evaluation 1° REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Statut protecteur - Violation par la mise à la retraite du salarié protégé - Effets - Indemnisation - Montant - Détermination 1° REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Inobservation - Indemnisation - Evaluation 1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Exclusion - Salarié protégé.

1° Justifie légalement sa décision, une cour d'appel qui, constatant que la durée du mandat de conseiller prud'homme qui restait à courir à compter de la rupture du contrat de travail, était supérieure à trente mois, alloue au salarié, mis à la retraite en méconnaissance de son statut protecteur, une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir pendant les trente mois de la protection des représentants du personnel.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Salarié protégé - Mesures spéciales - Inobservation - Indemnisation - Nature forfaitaire - Portée.

2° REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Statut protecteur - Violation - Effets - Indemnisation - Calcul - Eléments pris en compte - Détermination.

2° Il n'y a pas lieu de déduire les sommes, telles des arrérages de pension, reçues par le salarié, pendant la période qui sert de base de calcul à l'indemnité forfaitaire allouée pour atteinte au statut protecteur.


Références :

1° :
2° :
Code du travail L122-14-4
Code du travail L425-1, L514-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes 2000-05-15, 2000-11-02 et 2001-05-03

A RAPPROCHER : (1°). Chambre sociale, 1998-12-02, Bulletin 1998, V, n° 534, p. 401 (cassation) ; Chambre sociale, 2001-06-12, Bulletin 2001, V, n° 219, p. 175 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2003, pourvoi n°01-43876, Bull. civ. 2003 V N° 314 p. 315
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 V N° 314 p. 315

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos.
Avocat général : M. Duplat.
Rapporteur ?: Mme Andrich.
Avocat(s) : la SCP Vier et Barthélemy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.43876
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