AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 février 2001), que M. X..., sous l'emprise d'un état alcoolique, a fait irruption au domicile des époux Y..., ses soeur et beau-frère, où son épouse et son fils s'étaient réfugiés, dans le dessein d'exercer des violences ; que, devant ses menaces et sa dangerosité, M. Y... est allé chercher une arme à feu de collection et a tiré plusieurs coups de feu, dont l'un a blessé un voisin, M. Z..., qui était entré et tentait de maîtriser M. X... ; que M. Z... a demandé à M. Y... l'indemnisation de son préjudice ; qu'il a été fait droit à cette demande ; que M. Y... a alors appelé M. X... en garantie ;
Attendu que celui-ci fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli partiellement ce recours, alors, selon le moyen :
1 / que, s'il appartient aux juges du fond de constater souverainement les faits d'où ils déduisent l'existence d'une faute délictuelle ou quasi délictuelle, la qualification juridique de la faute relève du contrôle de la Cour de Cassation ; que la cour d'appel qui n'a nullement fait apparaître ce en quoi le comportement propre de M. X... aurait constitué une faute, au sens de l'article 1382 du Code civil, se contentant de relever que l'attitude de M. X... était particulièrement agressive voire dangereuse à l'égard des seuls époux Y..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 -seul invoqué par M. Y... à l'encontre de M. X...- et de l'article 1383 du Code civil ;
2 / que la cour d'appel qui a constaté que l'attitude de M. X... et ses menaces ont suscité chez M. Y... le désir de se défendre en utilisant cependant un moyen peu approprié aux faits de la cause, constatations desquelles il ne résultait aucunement la preuve d'une faute de M. X... à l'encontre de M. Z..., a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil par fausse qualification des faits ;
3 / que, en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve d'une faute de M. X... qui incombait à M. Y..., ne la rapportant pas, en violation de l'article 1315 du Code civil ;
4 / que la responsabilité prévue par les articles 1382 et 1383 du Code civil suppose un rapport de causalité certain, dès lors démontré, entre la faute du responsable et le dommage subi par la victime ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui n'a pas fait apparaître en quoi le comportement de M. X... à l'égard de M. Z... et de M. Y..., celui-ci ayant utilisé une arme, moyen peu approprié aux faits de la cause, pour blesser M. Z..., aurait été décisif dans l'enchaînement des circonstances ayant conduit à des tirs de revolver dont l'un fut préjudiciable à M. Z..., n'a pas caractérisé l'existence d'un lien de causalité direct entre la faute reprochée à M. X... et le dommage subi par M. Z..., et a donc privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... a manifesté une attitude agressive voire dangereuse envers les époux Y..., notamment en se servant d'un gourdin contre le mari, ce qui a déterminé celui-ci à aller chercher une arme de collection ; que cette attitude et les menaces de M. X... ont suscité une réaction de défense de M. Y..., même s'il s'est agi là d'un moyen peu approprié ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, justifiant légalement sa décision, sans inverser la charge de la preuve, a pu décider que la faute initiale de M. X..., qui lui a d'ailleurs valu une condamnation pénale pour blessures volontaires sur les époux Y..., entraînait la mise en jeu de sa responsabilité dans le dommage subi par M. Z... et accueillir le recours en garantie de M. Y... à son encontre dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société La Suisse ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille trois.