AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 23 mai 2001), la mise en place d'un système informatique commun aux caisses régionales Centre Loire, Quercy , Rouergue et Sud Alliance, dénommé Exacam, a fait l'objet, en 1996, d'une information et d'une consultation du comité d'entreprise de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Alliance qui, après recours à une expertise technologique et comptable, a donné un avis favorable à ce projet ; qu'à la suite de la décision des conseils d'administration des entreprises concernées de créer un groupement d'intérêt économique (GIE) Exacam et de plusieurs reports, le comité d'entreprise a décidé, lors de sa réunion du 25 septembre 1998, d'engager une procédure d'alerte avec recours à une expertise ; que le 19 novembre 1998, postérieurement aux réunions du comité d'entreprise des 8 et 15 octobre 1998 au cours desquelles l'employeur a été questionné et a répondu, l'expert a été saisi ; que la CRCAM a saisi la juridiction pour voir annuler la décision du comité d'entreprise de saisir l'expert-comptable ;
Sur les premier et deuxième moyens, réunis :
Attendu que la CRCAM fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir déclarée nulle la décision du comité d'entreprise du 19 novembre 1998 et d'avoir dit en conséquence qu'elle devait prendre en charge les frais de l'expertise réalisée par le cabinet Secafi Alpha, alors, selon le premier moyen que viole l'article L. 432-5 du Code du travail qui prévoit: que "s'il n'a pu obtenir de réponse suffisante ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, le Comité d'entreprise établit un rapport" avec l'assistance éventuelle d'un expert-comptable, l'arrêt qui déclare non fondée la contestation de l'employeur tirée de ce que le comité d'entreprise ne s'est prononcé par aucun vote sur le caractère satisfactoire (ou non) des réponses fournies et sur la nécessité de poursuivre la procédure d'alerte et a missionné de façon informelle le Cabinet : Secafi Alpha, expert-comptable ; et alors, selon le deuxième moyen, que n'étant pas contesté que la CRCAM avait fourni au comité d'entreprise une réponse aux explications demandées, viole les articles L. 432-5 II, L. 432-2 et L. 433-6 du Code du travail, l'arrêt qui, après avoir relevé que la décision de mise en oeuvre du droit d'alerte était motivée par des problèmes techniques, fonctionnels et de coût du projet Exacam ; qu'il s'agissait du plus grand projet informatique du secteur financier qui avait donné lieu au rapport d'un expert technologique, décide que le comité d'entreprise est en droit d'avoir ses propres critères des faits préoccupants et refuse d'exercer tout contrôle sur la poursuite de la procédure d'alerte ;
Mais attendu d'abord que la décision de recourir à une expertise n'a pas été prise de manière informelle mais lors de la réunion du 25 septembre 1998 et que le caractère insatisfaisant des réponses apportées par l'employeur aux questions du comité d'entreprise se déduit nécessairement de la poursuite de la procédure ;
Et attendu ensuite que l'appréciation du caractère préoccupant de la situation dont se saisit le comité d'entreprise qui exerce le droit d'alerte relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la cour de cassation ;
Que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la CRCAM reproche encore à la cour d'appel de l'avoir déboutée de sa demande, tendant subsidiairement à voir réduire les honoraires de l'expert à la seule partie du rapport afférente à l'analyse économique et financière, alors, selon le moyen :
1 ) que la mission de l'expert désigné dans le cadre d'une procédure d'alerte se limite aux faits, de nature à confirmer la situation économique préoccupante de l'entreprise et que viole l'article L. 432-5 du Code du travail, l'arrêt qui, après avoir constaté que les six questions formulées par le comité d'entreprise concernaient l'impact économique du projet déboute la CRCAM de sa demande ;
2 ) qu'en énonçant que l'évolution de l'outil informatique avait eu effet, non seulement sur la situation économique mais sur la gestion sociale et sur les ressources humaines et que l'expert avait noté que la bascule avait été longue et éprouvante pour l'ensemble du personnel, la cour d'appel a par elle-même caractérisé un dépassement de la mission ordonnée dans le cadre de la procédure d'alerte, et a par là-même, privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 432-5 du Code du travail ; et qu'il en est d'autant plus ainsi que l'arrêt attaqué, ne s'explique pas, comme il y était invité par conclusions, sur la circonstance que le cabinet Secafi Alpha avait sous-traité une partie de la mission au cabinet d'expertise technique SCPMA Conseil, ce qui avait aggravé la facturation ;
Mais attendu, que la mission de l'expert-comptable s'étend aux faits de nature à confirmer la situation économique préoccupante de l'entreprise qui sont la suite nécessaire de ceux qui ont motivé l'exercice du droit d'alerte ; que la cour d'appel qui a fait ressortir que tel était le cas en l'espèce, a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la CRCAM Sud Alliance aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Comité d'entreprise de la CRCAM Sud Alliance ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille trois.