AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société française Dargaud (société Dargaud), titulaire des droits d'exploitation sur 25 albums d'Astérix qui lui avaient été consentis par les co-auteurs X... et Y... en 1982, a cédé, en 1984, à la société anglaise Hodder-Dargaud le droit exclusif de publier ces oeuvres en langue anglaise ; que selon un arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 septembre 1998, ces contrats d'éditions ont été résiliés aux torts exclusifs de la société Dargaud ; que les auteurs ont alors cédé à la société danoise Egmont International Holding (la société Egmont),à titre exclusif, le droit d'exploitation graphique de ces oeuvres, notamment en langue anglaise; que s'estimant dans l'impossibilité de les exploiter particulièrement au Royaume-Uni, du fait des agissements de
concurrence déloyale et de contrefaçon de la société Hodder-Dargaud, la société Egmont a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Dargaud les sociétés Hodder-Dargaud et Hodder Headline, (les sociétés Hodder), ainsi que les consorts X... et Y... ; que les sociétés Hodder, dont le siège est situé à Londres, ayant opposé l'incompétence de ce tribunal, l'arrêt attaqué ( Paris, 11 octobre 2000) a confirmé la compétence des juridictions françaises pour statuer sur leur litige ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que les sociétés Hodder font grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la compétence du tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l'article 6 1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, alors, selon le moyen, que la cour d'appel aurait méconnu les termes du litige, violé le principe de la contradiction, statué par des motifs impropres à caractériser la connexité retenue, et enfin, violé ce texte dès lors que les deux actions avaient des fondements juridiques différents, sans présenter un lien de connexité permettant de soustraire les sociétés Hodder à leur juge naturel ;
Mais attendu, de première part, qu'ayant relevé que la société Egmont reprochait aux sociétés Dargaud et Hodder des actes de concurrence déloyale et de contrefaçon pour avoir refusé les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat d'édition en 1998, c'est sans méconnaître les termes du litige ni violer le principe de la contradiction que la cour d'appel en a déduit que les demandes de cette société étaient nécessairement de nature délictuelle, faute de rapports contractuels entre ces sociétés ; que, de seconde part, l'arrêt énonce que les demandes formées contre les sociétés française et anglaises se rapportaient aux mêmes faits et tendaient à des fins identiques, notamment, à faire juger qu'elles ne détenaient plus aucun droit sur les oeuvres depuis 1998, que ces deux actions avaient le même fondement juridique, et enfin, que les sociétés Hodder ne prouvaient pas une volonté de la société Egmont de les soustraire à leur juge naturel ; que la cour d'appel en a déduit l'existence d'un lien de connexité entre les deux instances, justifiant la compétence de la juridiction française par application de l'article 6 1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;
Sur le second moyen, qui n'est pas nouveau :
Attendu que les sociétés Hodder font grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la compétence générale des juridictions françaises pour des faits réalisés hors de France, en violation des dispositions de l'article 6 1 de la convention susvisée ;
Mais attendu que la société Dargaud, codéfenderesse ayant son siège en France, le tribunal de grande instance de Paris était compétent, par application combinée des articles 2 et 6 1 de la Convention de Bruxelles, pour statuer sur l'intégralité du préjudice allégué par la société Egmont ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Hodder-Dargaud Limited et Hodder-Headline Limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille trois.