Vu I - le recours, enregistré le 8 septembre 2000 au greffe de la Cour sous le n° 00NC01167, présenté pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT par la SCP Parmentier-Didier, avocat aux Conseils ;
Le ministre demande à la cour :
1°) - d'annuler le jugement n° 9701416 du 27 juin 2000 du Tribunal administratif de Nancy en ce qu'il a, d'une part, déclaré l'Etat et le département des Vosges solidairement responsables à hauteur des trois quarts des conséquences dommageables de l'inondation dont a été victime la société Joly, d'autre part, condamné l'Etat à garantir le département des Vosges des deux tiers desdites condamnations ;
Code : C
Classement CNIJ : 18-04-02-05
54-01-08-01
54-06-04-02
60-04-02-01
60-04-03-02
60-05-03-02
67-02-04-01-02
67-02-04-02-02
67-02-05-02-01
67-03-03-01
67-03-03-02
2°) - de rejeter la demande de la SA Le Continent devant le Tribunal administratif de Nancy ;
3°) - subsidiairement, de déclarer que le préjudice mis à la charge de l'Etat doit être limité à celui dû à l'aggravation des effets de la crue causée par l'existence de la déviation de la RN 66, et de désigner un expert afin de déterminer la part des dommages qui se seraient produits en l'absence de l'ouvrage public ;
4°) - de condamner le département des Vosges à garantir l'Etat à concurrence de 50 % des responsabilités encourues ;
…………………………………………………………………………………..
Vu II - la requête, enregistrée le 12 septembre 2000 au greffe de la Cour sous le n° 00NC01189, présentée pour le DÉPARTEMENT DES VOSGES, représenté par le président du conseil général en exercice, à ce dûment habilité par délibération de la commission permanente en date du 18 septembre 2000 et domicilié en cette qualité au siège du conseil général, 8, rue de la Préfecture à Epinal (Vosges), par Me de Guillenchmidt, avocat au barreau de Paris ;
Le DÉPARTEMENT DES VOSGES demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement n° 9701416 du 27 juin 2000 du Tribunal administratif de Nancy, en ce qu'il l'a, d'une part, déclaré solidairement responsable avec l'Etat des conséquences dommageables de l'inondation dont a été victime la société Joly, d'autre part, condamné à garantir l'Etat du tiers desdites condamnations ;
2°) - de rejeter la demande de la SA Le Continent devant le Tribunal administratif de Nancy comme irrecevable et, subsidiairement, comme infondée en tant qu'elle est dirigée contre lui ;
3°) - d'écarter toute mise en jeu de sa responsabilité ;
4°) - de condamner la SA Le Continent à lui verser la somme de 20 000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
…………………………………………………………………………………..
Vu III - la requête, enregistrée le 4 avril 2002 au greffe de la Cour sous le n° 02NC00380, présentée pour la SA LE CONTINENT, dont le siège est 62, rue de Richelieu à Paris (2ème), par la SCP Tetaud-Lambard-Jami, avocats au barreau de Paris ;
La SA LE CONTINENT demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement n° 9701416 du 18 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant à condamner l'Etat et le département des Vosges à lui verser une somme de 2 581 107 francs en réparation du préjudice subi par son assurée, la société Joly, consécutivement à l'inondation dont elle a été victime ;
2°) - de condamner solidairement l'Etat et le département des Vosges à lui payer la somme de 336 536,40 euros, avec intérêts légaux à compter du 15 décembre 1997, lesdits intérêts étant capitalisés ;
3°) - de condamner l'Etat et le département des Vosges à supporter la charge des frais d'expertise et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………………..
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2003 :
; le rapport de M. VINCENT, Président,
- les observations de Me BOST pour Me DE GUILLENCHMIDT, avocat du DÉPARTEMENT DES VOSGES, et de Me GRENIER pour Me TETAUD, avocat de la SOCIÉTÉ LE CONTINENT,
; et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société Joly, implantée dans la zone industrielle de Remiremont, a été victime le 15 février 1990 d'une inondation provoquée par une crue de la Moselle, ayant causé d'importants dégâts à ses installations ; que, déclarant agir pour le compte de ladite société en tant que subrogée dans ses droits, la SA LE CONTINENT a saisi le Tribunal administratif de Nancy d'une requête tendant à condamner solidairement l'Etat et le département des Vosges à lui payer le montant de l'indemnisation versée à son assurée ; que, par jugement n° 9701416 du 27 juin 2000 dont relèvent appel le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le DÉPARTEMENT DES VOSGES, le Tribunal administratif de Nancy a, après avoir estimé que la société Joly avait commis une faute conduisant à maintenir à sa charge un quart du préjudice subi, d'une part, déclaré l'Etat et le DÉPARTEMENT DES VOSGES solidairement responsables à hauteur des trois quarts des conséquences dommageables de l'inondation, d'autre part, fixé la charge définitive de la réparation en condamnant l'Etat à garantir le département à concurrence des deux tiers des condamnations et ce dernier à garantir l'Etat à concurrence d'un tiers et ordonné une expertise avant dire-droit sur le montant du préjudice ; que, par un second jugement du 18 décembre 2001, dont la SA LE CONTINENT relève appel, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires au motif que le préjudice qu'elle invoquait n'était pas établi ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, du DÉPARTEMENT DES VOSGES et de la SA LE CONTINENT sont relatives aux conséquences dommageables d'un même sinistre ayant affecté un même établissement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité de la demande de la SA LE CONTINENT devant le tribunal administratif de Nancy :
Considérant que, par requête introductive d'instance enregistrée le 15 décembre 1997 au greffe du tribunal administratif, la SA LE CONTINENT, précisant intervenir en qualité d'assureur dommages pour l'indemnisation du préjudice subi, a indiqué rechercher la responsabilité de l'Etat et du DÉPARTEMENT DES VOSGES en qualité de tiers par rapport aux ouvrages publics que constituent, d'une part, la déviation de la RN 66, d'autre part, la « pénétrante » de Remiremont réalisée par le ledit département en invoquant le fait que ces ouvrages auraient emporté une modification de l'environnement sans laquelle l'inondation n'aurait pas été possible ; que cette requête est ainsi suffisamment motivée ; que si la SA LE CONTINENT a ajouté qu'il résultait d'une requête précédemment introduite devant le Tribunal administratif de Nancy concernant un autre établissement victime de la même inondation que la responsabilité de l'Etat et du DÉPARTEMENT DES VOSGES devait être engagée, cette argumentation, par laquelle la société demanderesse vise à établir le bien-fondé de sa requête est en tout état de cause sans incidence sur la recevabilité de celle-ci ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le DÉPARTEMENT DES VOSGES et le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, tirée de l'irrecevabilité de la requête en tant qu'elle serait uniquement motivée par référence à une autre requête, doit être écartée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si le préfet des Vosges a soutenu devant le Tribunal administratif de Nancy que la SA LE CONTINENT ne pouvait se prévaloir du rapport de l'expert commis par le tribunal dans le cadre de l'instance antérieure ci-dessus rappelée relative aux inondations subies par un autre établissement, en tant que les éléments de ce rapport ne seraient pas transposables à la situation de la société Joly, l'administration, qui était au demeurant défenderesse, a soulevé ce faisant un simple argument de fait auquel le tribunal n'était pas tenu de répondre expressément ;
Sur l'exception de prescription quadriennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes … toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; que l'article 2 de la même loi dispose que : la prescription est interrompue par … tout recours formé devant une juridiction administrative, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours … Si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ;
Considérant que la créance dont se prévaut la SA LE CONTINENT à l'encontre de l'Etat et du DÉPARTEMENT DES VOSGES trouve son origine dans le lien de causalité entre le préjudice subi par la société Joly et l'existence des ouvrages publics que constituent la déviation de la RN 66 et la « pénétrante » de Remiremont réalisée par le DÉPARTEMENT DES VOSGES ; que le fait générateur de ladite créance se rattache ainsi à l'action de ces mêmes ouvrages sur les inondations survenues le 15 février 1990 et ayant affecté l'ensemble de la zone industrielle de Remiremont ; que, par suite, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société Joly n'aurait pas été frappée de la même manière, ce qui n'est susceptible d'influer le cas échéant que sur le degré de responsabilité des maîtres d'ouvrage et sur l'ampleur du préjudice indemnisable, la prescription a en l'espèce été interrompue par les actions en responsabilité dirigées contre l'Etat et le DEPARTEMENT DES VOSGES introduites respectivement en 1993 et en 1991 devant le Tribunal administratif de Nancy par la société des Filatures de la Madelaine et son assureur, la société Allianz, sur le fondement du lien de causalité entre la présence de la déviation de la RN 66 et la pénétrante de Remiremont et le préjudice subi par cette entreprise du fait des inondations dont elle a été victime ; que le nouveau délai de prescription des créances reposant sur ce fondement n'a commencé à courir qu'à compter du 1er janvier 1997, dès lors que l'instance relative aux dommages subis par les Filatures de la Madelaine n'a donné lieu à une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée que le 6 août 1996, date à laquelle la Cour administrative d'appel de Nancy s'est prononcée sur les requêtes formées contre le jugement rendu par le Tribunal administratif de Nancy sur les actions en responsabilité précitées ; que c'est ainsi à juste titre que, par le jugement attaqué du 27 juin 2000, les premiers juges ont écarté l'exception de prescription quadriennale opposée à l'action introduite le 15 septembre 1997 par la SA LE CONTINENT devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Sur les responsabilités :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, malgré leur soudaineté et leur importance considérables, les précipitations qui se sont abattues sur le département des Vosges les 14 et 15 février 1990 n'ont pas, compte tenu des précédents connus dans la région à cette période de l'année et eu égard notamment à la hauteur d'eau sensiblement supérieure atteinte par la Moselle lors de la crue de 1947, présenté un caractère de violence imprévisible constitutif d'un cas de force majeure ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que les eaux de la Moselle en crue se sont engouffrées le 15 février 1990 dans l'espace où se situe la société Joly, délimité par la déviation de la RN 66, la pénétrante de Remiremont et le remblai supportant la voie ferrée ; qu'il ressort du rapport de l'expert commis par le tribunal dans l'instance précitée relative au sinistre ayant affecté les Filatures de la Madelaine, et en particulier du plan coté annexé à ce rapport, que l'eau s'est introduite dans cette zone par le tunnel dit du Maliji percé sous la déviation de la RN 66, dont le radier était situé à la cote 385,85 et au niveau duquel l'inondation a atteint la cote 387,25 avant franchissement de l'ouvrage, a ensuite envahi les installations de la société Joly, situées approximativement à la cote 386,30, puis s'est dirigée vers le point bas constitué par le lit du ruisseau Le Petit Fouchot, dont le radier était à la cote 384, et n'a pas pu s'écouler vers l'aval en raison des remblais de la portion appartenant au département de la pénétrante de Remiremont, dont l'exutoire était situé à la cote 386,73, soit à une altitude à peine inférieure au niveau de la crue atteint à cet endroit ; qu'en l'état de ce seul document, dont les données relatives au trajet suivi par les eaux et aux cotes altimétriques ne sont pas contestées, les premiers juges ont pu sans erreur de fait estimer que l'inondation dont a été victime la société Joly trouvait son origine à la fois dans l'existence du tunnel de Maliji et de la pénétrante de Remiremont et était ainsi de nature à engager la responsabilité solidaire de l'Etat et du DÉPARTEMENT DES VOSGES en leur qualité de maîtres des ouvrages en cause envers les tiers victimes des dommages en résultant, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'ils n'auraient commis aucune faute ;
Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard aux circonstances ci-dessus relatées dans lesquelles est survenue l'inondation, et en l'absence non contestée de toute autre voie de passage permettant aux eaux de crue de se frayer un chemin dans la zone d'implantation de la société Joly, il doit être regardé comme établi que celle-ci n'aurait pas été inondée en cas de crue de même ampleur si le tunnel du Maliji n'avait pas été percé sous la déviation de la RN 66 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, qui ne saurait par ailleurs sérieusement faire valoir que les remblais de la déviation de la RN 66 n'auraient pu constituer une protection suffisante contre une crue de même ampleur et de même durée, n'est pas fondé à soutenir que les dommages subis par ladite société ne seraient que partiellement imputables aux ouvrages publics en tant que ceux-ci n'auraient exercé qu'un effet aggravant sur l'inondation ;
Considérant, en dernier lieu, que les terrains occupés par la société Joly ont été rangés parmi les surfaces submersibles de la vallée de la Moselle par décret du 29 mai 1961 ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que ladite société, implantée de longue date à cet emplacement, avait subi des inondations à plusieurs reprises avant la construction des ouvrages publics litigieux ; qu'elle a ainsi fait preuve d'imprudence en ne prenant aucune mesure de précaution telle que le rehaussement d'une partie des surfaces occupées auquel elle a procédé après le sinistre ; que c'est ainsi à juste titre que le tribunal a estimé que la société Joly avait commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat et du DÉPARTEMENT DES VOSGES, dont il a par ailleurs fait une juste appréciation en fixant à un quart la fraction des conséquences dommageables des inondations qu'il a laissée à la charge de ladite société ;
Sur le préjudice :
Considérant que la SA LE CONTINENT, agissant en qualité de subrogée dans les droits et actions de la société Joly contre les tiers responsables, est en droit d'obtenir réparation de l'intégralité du préjudice subi par celle-ci, à concurrence de l'indemnité qu'elle a versée et sous réserve du partage de responsabilité prononcé ci-dessus ;
Considérant que si l'expert commis par le tribunal administratif et les sapiteurs dont il s'est fait assister ont effectué leur mission onze ans après les faits alors que la société Joly était placée en liquidation et n'ont ainsi pu déterminer les divers éléments du préjudice subi à partir des investigations menées sur place, les intéressés ont en revanche pu sans entacher leur appréciation d'inexactitude ou d'insuffisance tenir pour acquis le descriptif et les quantités des matériels et marchandises endommagés établis de manière contradictoire immédiatement après le sinistre par les deux experts privés désignés respectivement par la SA LE CONTINENT et la société Joly ; que, contrairement à ce que soutient le préfet des Vosges, la méthode d'évaluation des prix y afférents a tenu compte le cas échéant de l'âge et de l'état du matériel ; que, s'agissant des bâtiments, l'expert a pu de même, tout en substituant si besoin est sa propre appréciation à celle des experts privés concernant les quantités, surfaces et prix retenus, s'appuyer en partie sur les éléments contenus dans chacun des documents relatifs aux divers postes de travaux nécessités par les dégâts dont la réalité même ne saurait être contestée ; que si, concernant la perte d'exploitation invoquée par la société Joly le sapiteur n'a pas été en mesure, eu égard aux circonstances susrappelées, d'accéder à un quelconque document comptable, il a pu de façon crédible estimer la perte nette d'exploitation en se fondant sur la perte de marge brute constatée par les experts privés à partir des éléments comptables qui leur ont été auparavant fournis par la société Joly et son syndic et arrêter une appréciation réaliste des frais supplémentaires engagés par la société pour pouvoir poursuivre immédiatement son activité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA LE CONTINENT est fondée à demander l'annulation du jugement du 18 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat et le DÉPARTEMENT DES VOSGES au motif qu'elle n'aurait pas établi la réalité de son préjudice ;
Considérant, toutefois, qu'agissant en qualité de subrogée dans les droits et actions de la société Joly, la SA LE CONTINENT ne saurait évaluer son préjudice réparable au montant de l'évaluation globale arrêtée par l'expert et les sapiteurs, supérieure au montant de l'indemnité qu'elle a versée à son assurée et ne tenant pas compte de la franchise contractuelle appliquée en vertu du contrat ; que l'indemnité versée s'élevant à 2 581 170 francs (393 484,22 euros), la SA LE CONTINENT est en conséquence, après partage de responsabilité, seulement fondée à demander la condamnation solidaire de l'Etat et du DÉPARTEMENT DES VOSGES à lui verser une somme de 295 115,42 euros ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la SA LE CONTINENT est fondée à demander que la somme précitée porte intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 1997, date d' enregistrement de la requête introductive d'instance devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 4 avril 2002 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par suite, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions réciproques en garantie de l'Etat et du DÉPARTEMENT DES VOSGES :
Considérant que les dommages subis par la société Joly ont eu pour cause déterminante l'envahissement par les eaux de crue de la zone dite du Champ Maillot où elle est implantée et dont les conséquences ont seulement été aggravées par l'effet de retenue exercé par la partie départementale de la pénétrante de Remiremont ; que la responsabilité du sinistre incombe ainsi principalement à l'Etat, lequel, alors que ses services étaient dûment informés de la fréquence des inondations dans cette zone, a néanmoins aménagé le tunnel du Maliji à une cote inférieure à l'altitude moyenne des locaux de cette entreprise, et dans une moindre mesure au DÉPARTEMENT DES VOSGES ; que la circonstance que les services techniques départementaux, dont il n'est pas contesté qu'ils étaient compétents pour assurer la maîtrise d'oeuvre de l'ouvrage à compter du 1er juin 1986, soit avant la déclaration d'utilité publique de celui-ci, n'ont pas été mis à même d'intégrer dans sa conception un dispositif approprié à l'évacuation des eaux de crue, eu égard au caractère tardif de la décision de l'Etat de percer le tunnel du Maliji, initialement non prévu dans le projet de la déviation de la RN 66, alors que la partie nationale de l'ouvrage était elle-même munie d'un exutoire non conçu à cet effet, ne saurait entraîner l'exonération de toute responsabilité du DÉPARTEMENT DES VOSGES ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise ni de prendre en considération l'étude théorique produite par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT concernant l'effet respectif des deux ouvrages sur le niveau de crue, qui omet l'existence du tunnel du Maliji, qu'il sera fait une juste appréciation des responsabilités réciproques en portant des deux tiers aux quatre cinquièmes la fraction du préjudice dont l'Etat devra garantir le DÉPARTEMENT DES VOSGES et, corrélativement, en réduisant du tiers au cinquième la fraction du préjudice dont le DÉPARTEMENT DES VOSGES devra garantir l'Etat ; qu'il y a ainsi lieu, d'une part, de faire droit dans cette mesure aux conclusions du DÉPARTEMENT DES VOSGES, d'autre part, de rejeter les conclusions du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT tendant à ce que l'Etat soit intégralement garanti par le DÉPARTEMENT DES VOSGES ;
Sur les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les dépens de l'instance, taxés et liquidés à la somme de 32 448,51 F ( 4 946,74 €) à la charge de l'Etat et du DÉPARTEMENT DES VOSGES ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement l'Etat et le DÉPARTEMENT DES VOSGES à verser une somme de 1 000 euros à la SA LE CONTINENT au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a également lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de condamner l'Etat à verser au DÉPARTEMENT DES VOSGES une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SA LE CONTINENT, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à l'Etat et au DÉPARTEMENT DES VOSGES la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que le DÉPARTEMENT DES VOSGES, qui n'est pas partie perdante vis à vis de l'Etat, soit condamné à verser à ce dernier la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
ARTICLE 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 18 décembre 2001 est annulé.
ARTICLE 2 : L'Etat et le DÉPARTEMENT DES VOSGES sont condamnés solidairement à verser à la SA LE CONTINENT une somme de 295 115,42 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 1997. Les intérêts échus le 4 avril 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
ARTICLE 3 : L'Etat et le DÉPARTEMENT DES VOSGES sont solidairement condamnés à supporter la charge des frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 946,74 €.
ARTICLE 4 : L'Etat et le DÉPARTEMENT DES VOSGES sont condamnés solidairement à verser à la SA LE CONTINENT une somme de 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
ARTICLE 5 : La garantie due par l'Etat au DÉPARTEMENT DES VOSGES est portée aux quatre cinquièmes des condamnations prononcées ci-dessus.
ARTICLE 6 : La garantie due par le DÉPARTEMENT DES VOSGES à l'Etat est réduite au cinquième des condamnations prononcées ci-dessus.
ARTICLE 7 : Le jugement n° 9701416du Tribunal administratif de Nancy du 27 juin 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 5 et 6 ci-dessus.
ARTICLE 8 : L'Etat versera au DÉPARTEMENT DES VOSGES une somme de 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
ARTICLE 9 : Le recours et les conclusions incidentes du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT sont rejetés, ainsi que le surplus des conclusions des requêtes du DÉPARTEMENT DES VOSGES et de la SA LE CONTINENT.
ARTICLE 10 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, au DEPARTEMENT DES VOSGES et à la S.A. LE CONTINENT.
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