REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Paul,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 23 mai 2000, qui, pour tromperie en état de récidive, l'a condamné à 250 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 28, 29 et 30 du Traité CEE, 8 et 9 de la directive n° 83-189 CEE du 28 mars 1983 telle que modifiée par la directive n° 88-182 CEE du 22 mars 1988, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu, Jean-Paul X..., coupable du délit de tromperie sur la nature ou les qualités substantielles de jambons cuits supérieurs et l'a, en conséquence, condamné à une amende de 250 000 francs ;
" aux motifs que si la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes s'est fondée, pour les références de ses analyses chimiques, aux taux établis par le code des usages de la charcuterie dans sa version d'avril 1993, édité par le Centre technique de la salaison, de la charcuterie et des conserves de viandes, la Cour constate qu'il existe des usages dans la profession et qu'il en résulte que la composition des produits fabriqués par la société Chelloise de Salaisons et composés de jambon et d'épaule ne pouvait recevoir la dénomination de "jambon supérieur" indiquée sur l'étiquette ; qu'à cet égard, les considérations de la défense, sur l'applicabilité du code des usages de la charcuterie et sur l'éventuelle non-conformité de ce texte avec les directives communautaires, sont sans effet sur l'existence d'un usage professionnel effectif en France, et même d'un usage commun, admis par le consommateur, qui réserve l'appellation jambon supérieur à la cuisse du cochon (le jambon), sans adjonction d'autre viande, et qui interdit l'appellation de jambon supérieur à un mélange plus ou moins compact d'épaule et de jambon qui n'a pas les mêmes qualités énergétiques et qui peut se distinguer objectivement du jambon supérieur par des analyses scientifiques complexes ; qu'il appartenait aux prévenus, qui sont des professionnels avertis, de se conformer aux usages commerciaux et à la définition courante du jambon supérieur ; que le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, visé à l'ordonnance de renvoi, est donc bien caractérisé dans tous ses éléments, qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de retenir les mis en cause dans les liens de la prévention ;
" alors que, d'une part, la directive n° 83-189 CEE du 28 mars 1983, telle que modifiée par la directive n° 88-182 CEE du 22 mars 1988 ayant pour objectif de protéger la libre circulation des marchandises par un contrôle préventif, impose aux Etats membres, comme moyen essentiel pour la réalisation de ce contrôle communautaire, une procédure de notification de tout projet de règle technique concernant les caractéristiques requises pour un produit ; que les articles 8 et 9 de cette directive doivent être interprétés en ce sens que les particuliers peuvent s'en prévaloir devant le juge national auquel il incombe de refuser d'appliquer une règle technique nationale qui n'a pas été notifiée conformément à la directive ; qu'en l'espèce, en faisant application, sous couvert d'un usage professionnel effectif en France et commun, d'une règle technique prescrite par le Code des usages de la charcuterie et relative aux caractéristiques requises pour qu'un produit puisse bénéficier de l'appellation "jambon supérieur", et en refusant dès lors de rechercher comme elle y était invitée si cette règle technique était opposable à Jean-Paul X... bien qu'elle n'ait pas fait l'objet de la procédure de notification précitée, la Cour, qui n'a par ailleurs même pas constaté que l'usage imposant la règle technique dont elle a ainsi fait application existait antérieurement à l'entrée en vigueur des directives précitées, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" alors que, de deuxième part, à considérer subsidiairement cet usage comme indépendant du code des usages de la charcuterie, l'arrêt ne pouvait, sans méconnaître le principe du respect des droits de la défense et du droit au procès équitable, fonder sa décision sur un tel usage sans indiquer les éléments de preuve dont il résulterait et vérifier qu'ils auraient été soumis à un débat contradictoire ;
" alors que, d'autre part, toute norme d'origine privée qui a un caractère obligatoire est une mesure au sens des articles 28 et 29 CEE alors même qu'elle n'émane pas de l'Etat lui-même ; qu'en l'espèce, l'usage français qui réserverait, hors de toute exigence requise par le droit communautaire, la dénomination "jambon supérieur" à la cuisse de cochon sans adjonction d'autre viande et de certains additifs étant susceptible d'entraver les échanges intracommunautaires de jambon, constituerait une mesure d'effet équivalent qui ne serait applicable qu'à la condition d'être nécessaire et proportionnée aux exigences impératives tenant à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs qui ne pourraient être atteintes par d'autres moyens ; qu'en refusant explicitement de rechercher, comme elle y était invitée, si l'usage dont elle a ainsi sanctionné la méconnaissance n'était pas une mesure d'effet équivalent au sens des articles 28 et 29 CEE du traité et si la preuve avait été apportée de sa nécessité et de sa proportionnalité aux exigences impératives qu'il poursuit, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de contrôles effectués, courant 1996 et 1997, par les agents de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes au sein de l'établissement de la société Chelloise de Salaisons, Jean-Paul X..., président du conseil d'administration de cette société, est poursuivi pour avoir trompé le consommateur en ayant commercialisé, sous la dénomination " jambon supérieur ", un produit ne pouvant, au regard des usages, bénéficier de cette appellation étant composé d'une forte proportion d'épaule de porc et d'additifs favorisant la rétention d'eau ;
Attendu que le prévenu a fait valoir pour sa défense que les prescriptions du code des usages de la charcuterie et de la salaison constituaient une règle technique qui devait, en application de la directive 83-189-CEE du 28 mars 1983 modifiée, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, être communiquée à la Commission européenne, et qu'à défaut de respect de cette procédure, les dispositions à caractère normatif de ce Code lui étaient inopposables ; qu'il a aussi soutenu que ces usages s'analysaient en une mesure d'effet équivalent constituant une entrave aux échanges intracommunautaires interdite par l'article 30, devenu 28, du Traité instituant les Communautés européennes ; que, le juge répressif ayant l'obligation d'écarter l'application des dispositions internes non conformes au droit communautaire, il a conclu à sa relaxe ;
Attendu que, pour écarter ces moyens de défense et déclarer le prévenu coupable du délit, la juridiction du second degré, après avoir relevé que les analyses des échantillons prélevés établissaient, au regard du code des usages de la charcuterie et de la salaison, que les produits ne pouvaient bénéficier de l'appellation " jambon supérieur ", retient que les considérations du prévenu sur un éventuel défaut de conformité dudit code avec le droit communautaire " sont sans effet sur l'existence d'un usage professionnel effectif en France, et même d'un usage commun, admis par le consommateur, qui réserve l'appellation de jambon supérieur à la cuisse de cochon, sans adjonction de viande " ; que les juges ajoutent qu'il appartenait au prévenu, professionnel averti, de se conformer aux usages commerciaux ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'en matière de fraude commerciale portant sur la dénomination d'une denrée alimentaire non réglementée, il appartient aux juges du fond de se référer aux usages commerciaux en vigueur dont ils apprécient souverainement l'existence, et dont la sanction par la loi pénale est nécessaire à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application de l'article 8 du décret du 7 décembre 1984 devenu l'article R. 112-14 du Code de la consommation, transposant la directive 19-112-CEE du 18 décembre 1978 relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires, a caractérisé, en tous ses éléments, la tromperie dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ce que, s'agissant d'usages commerciaux recueillis par un organisme professionnel, il invoque la directive européenne relative à la procédure d'information dans le domaine des normes et réglementation techniques, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.