Attendu qu'en juin 1993, la société Entremont a acquis 85 % du capital de la société anonyme SCPE (société de conditionnement des produits européens), spécialisée dans la production et la commercialisation de produits laitiers et fromagers ; qu'à la même époque, la société SCPE a cédé à la société Ideval, devenue depuis la société Sodiaal international, la clientèle et des marques attachées à une partie des produits fromagers qu'elle commercialisait, à l'exclusion des fromages à pâte pressée cuite (PPC), la société SCPE conservant toutefois, pour ces produits, les activités d'approvisionnement " qualitatif ", de conditionnement et de logistique commerciale exécutées pour le compte de la société Ideval ; qu'ultérieurement, des licenciements collectifs pour motif économique ont été prononcés par la société SCPE, à la fin de l'année 1993 puis en juin 1995 ; qu'une partie des salariés licenciés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à faire juger que ces licenciements étaient nuls, pour être intervenus en violation de l'article L. 122-12 du Code du travail, ou, subsidiairement, qu'ils ne reposaient pas sur une cause réelle et sérieuse ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense :
Vu les articles 528 et 612 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de la décision ;
Attendu que MM. Claude Y..., Michel Y..., Brosse, Penhouet, Faudemer, Lelu, Guinebretière et Montéiro et Mmes X..., A... et B... se sont pourvus en cassation le 8 février 2000 contre une décision notifiée le 7 décembre 1999 ;
Qu'il s'ensuit que le pourvoi formé en leurs noms est irrecevable ;
Sur l'exception de déchéance soulevée par la défense :
Attendu que les sociétés SCPE, Entremont et Sodiaal International opposent que les autres demandeurs doivent être déchus de leur pourvoi, dès lors qu'ayant formé le 8 février 2000 une déclaration de pourvoi qui ne contenait l'énoncé d'aucun moyen de cassation, ils n'ont fait parvenir leur mémoire en demande que le 11 mai 2000, soit plus de trois mois après ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article 668 du nouveau Code de procédure civile, la date de notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition ;
Et attendu que le mémoire des demandeurs a été expédié par voie postale le 9 mai 2000, dans le délai de trois mois à compter de la remise du récépissé de la déclaration de pourvoi ;
Qu'ainsi, la déchéance n'est pas encourue ;
Sur le moyen unique, en sa première branche :
Attendu que MM. Richard, Yves Z..., Jacky Z..., Peyron, Salado, Gautheron, Delauvier, Hartmann, Gobert et Delflandre et Mme C... font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 1999) d'avoir confirmé le jugement qui les avait déboutés de leurs demandes en annulation des licenciements ou, subsidiairement en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon la première branche du moyen, qu'il résulte clairement des termes du jugement de départage du conseil de prud'hommes de Créteil et de l'arrêt attaqué que, par les différents protocoles d'accord et actes de cession partielle du fonds de commerce de la société SCPE, les sociétés Entremont et Sodiaal ont procédé au démantèlement économique de cette dernière, en s'octroyant des actifs constitués de marques, de la commercialisation des produits et de sa clientèle, tant en ce qui concerne la branche " PPC " que " non PPC " ; que la reprise d'une marque et de la clientèle y afférente entraîne le transfert d'une entité économique et l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail ; que l'activité de la société SCPE n'a été maintenue artificiellement que pour procéder au licenciement massif de son personnel et après que les différents transferts d'activité soient intervenus en fraude des droits des salariés, la société SCPE ne subsistant que pour les besoins de la cause et les demandeurs au pourvoi étant licenciés en fraude de l'article L. 122-12 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement décidé, à l'égard de la société Entremont, qu'une prise de participation ne constituait pas une modification dans la situation juridique de l'entreprise pouvant entraîner l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu, ensuite, que constitue une entité économique pour l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que la reprise par un autre employeur d'une partie des activités de l'entreprise n'entraîne le maintien avec lui des contrats de travail que si cette activité est exercée par une entité économique autonome ;
Et attendu que les juges du fond ont constaté, d'une part, que la cession de clientèle et de marques intervenue en juin 1993 n'avait entraîné que la transmission à la société Ideval d'activités liées à l'achat et à la commercialisation d'une partie des produits de la société SCPE, cette dernière continuant à assurer sur le site de Thiais, en vertu des accords passés avec le cessionnaire, toutes les opérations d'approvisionnement, de conditionnement et de distribution qu'elle effectuait auparavant, pour tous ses produits, y compris ceux qui étaient concernés par la cession, d'autre part, que le personnel employé pour ces opérations intervenait sur tous les produits de la société SCPE, sans être spécialement affecté à telle ou telle catégorie de marchandises ; que la cour d'appel a ainsi fait ressortir, qu'aucune entité économique disposant de moyens spécifiquement affectés à la poursuite d'une finalité économique propre n'avait, nonobstant cette cession, été transférée à la société Ideval ;
Que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Sur le moyen unique, en sa seconde branche :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les salariés de leurs demandes en annulation des licenciements ou en paiement de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon la seconde branche du moyen, que le transfert de la branche PPC de la société SCPE est intervenu par protocole d'accord du 3 mars 1997 (1993) au profit de la société Entremont, qui ne prévoit aucun transfert de personnel affecté à cette branche ; qu'il en est de même concernant la cession de la branche " non PPC " du 24 juin 1997 (1993) à la société Sodiaal ; que cette cession est intervenue en fraude des droits collectifs des salariés, puisque la procédure de consultation préalable du comité d'entreprise n'a pas été respectée, en application de l'article L. 432-1 du Code du travail, qui est d'ordre public en raison des sanctions pénales applicables en cas de violation de celui-ci ;
Mais attendu qu'à le supposer établi, le seul défaut d'information du comité d'entreprise, à l'occasion des opérations intervenues en 1993, serait en toute hypothèse sans effet sur les licenciements économiques prononcés ultérieurement ;
Que le moyen n'est pas fondé, en sa seconde branche ;
Par ces motifs :
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE, en tant qu'il est formé au nom de MM. Claude Y..., Michel Y..., Brosse, Penhouet, Faudemer, Lelu, Guinebretière et Monteiro et de Mmes X..., A... et B... ;
REJETTE le pourvoi des autres demandeurs.