LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé par la société Innotech international en 1983, exerçait, en dernier lieu, les fonctions de directeur zone Afrique ; qu'il était investi des mandats de délégué syndical et de délégué du personnel et était membre du comité d'entreprise dont il était secrétaire ; que le 31 mars 1995, il a conclu avec son employeur une transaction prévoyant les conditions de la rupture du contrat de travail et les conséquences qui en résultent et comportant, en contrepartie, l'engagement du salarié de démissionner de ses fonctions représentatives ; qu'à la suite de son licenciement prononcé le 16 avril 1996, il a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ; que l'employeur a formé une demande reconventionnelle en "résolution" de la transaction du 31 mars 1995 pour absence de cause et en restitution des sommes versées en excution de cette dernière ;
qu'après avoir décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et alloué à ce titre des indemnités au salarié, la cour d'appel a accueilli la demande précitée de l'employeur ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 1999) d'avoir prononcé la résolution de la transaction et de l'avoir condamné à rembourser la somme de 1 000 000 francs qu'il avait reçue en exécution de cette dernière, alors, selon le moyen :
1 / qu'ayant constaté que M. X... avait fait I'objet d'un "licenciement immédiat" par lettre du 24 avril 1996, ce qui impliquait qu'à partir de cette date, M. X... n'avait plus perçu de rémunération de :la société Innotech international, ne justifie pas légalement sa solution, au regard des articles 1131 et 2044 et suivants du Code civil, I'arrêt attaqué qui, constatant que le protocole transactionnel du 31 mars 1995 prévoyait le versement de la somme de 200 000 francs à M. X... "afin de réparer le préjudice lié à la perte de rémunération par suite de la rupture du contrat de travail", retient que cette indemnité de 200 000 francs n'avait pas de cause au motif inopérant que M. X... avait continué à percevoir ses salaires de la société Innotech international pendant la période s'étant écoulée entre la signature du protocole transactionnel et le licenciement du salarié, en vertu des stipulations expresses dudit protocole transactionnel ;
2 / que le protocole transactionnel ayant prévu le versement à M. X... d'une indemnité de 800 000 francs "afin de tenir compte de l'âge du salarié, de son ancienneté et ses fonctions dans l'entreprise, du caractère irrégulier du licenciement, de l'atteinte à sa notoriété et à sa position sociale, enfin, des troubles apportés aux conditions d'existence et des difficultés prévisibles de recherche d'un nouvel emploi et des répercussions du licenciement sur la vie familiale", renverse indûment la charge de la preuve, en violation de I'article 1315 du Code civil, I'arrêt attaqué qui, sur la demande de l'employeur tendant à voir constater la nullité de cette disposition du protocole transactionnel pour absence de cause, retient qu'il n'est pas établi par le salarié l'existence de troubles apportés aux conditions d'existence, ni de difficultés de recherche d'emploi, ni de répercussions du licenciement sur la vie familiale ;
3 / que ne justifie pas légalement sa solution, au regard des articles 1131 et 2044 et suivants du Code civil, I'arrêt attaqué qui, en l'état de la clause sus-rappelée du protocole transactionnel, omet de tenir compte du fait que le versement d'une indemnité de 800 000 francs avait également pour objet "de tenir compte de l'âge du salarié, de son ancienneté et ses fonctions dans l'entreprise, du caractère irrégulier du licenciement, de l'atteinte à sa notoriété et à sa position sociale", tous éléments dont l'existence était incontestable ;
4 / que le protocole transactionnel ayant stipulé le versement de l'indemnité de 800 000 francs le jour de la signature de cette convention ("ce jour") et prévu la notification ultérieure du licenciement (la rémunération du salarié -immédiatement exclu de l'entreprise- lui étant expressément maintenue pendant la période située entre la date de la signature du protocole transactionnel et celle de la notification du licenciement,) et la cour d'appel ayant constaté que M. X... avait été licencié à effet immédiat par lettre du 24 avril 1996, ne justifie pas légalement sa solution, au regard des articles 1131, 1134 et 2044 du Code civil, l'arrêt attaqué qui considère que l'engagement de l'employeur au paiement de ladite indemnité de 800 000 francs était dépourvu de cause, au motif inopérant que le salarié n'était pas licencié à la date du protocole transactionnel ;
5 / que les engagements de I'employeur en vertu du protocole transactionnel ayant eu pour contrepartie le départ physique immédiat du salarié de l'entreprise à compter de la signature du protocole, la démission du salarié de son mandat de délégué du personnel, de son mandat de délégué syndical et de son mandat au sein du comité d'entreprise, I'acceptation par le salarié de son licenciement expressément reconnu comme sans cause réelle et sérieuse et la renonciation par le salarié à I'engagement detoute action tirée de I'exécution du contrat de travail et de ses suites, ne justifie pas légalement sa solution, au regard des articles 1131, 2044 et suivants du Code civil, I'arrêt attaqué qui prononce la résolution pour défaut de cause dudit protocole transactionnel sans tenir compte de la circonstance que le salarié avait exécuté toutes les obligations mises à sa charge par ce protocole transactionnel ;
Mais attendu que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée, non dans le seul intérêt de ces derniers, mais dans celui de l'ensemble des salariés ; qu'il en résulte qu'est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public toute transaction conclue entre l'employeur et le salarié protégé avant la notification de son licenciement prononcé après autorisation de l'autorité administrative ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté qu'il résultait des dispositions de la transaction du 31 mars 1995 qu'en contrepartie du versement d'indemnités transactionnelles, M. X... avait donné son accord pour la rupture de son contrat de travail et s'était engagé à démissionner de ses fonctions représentatives, en sorte que la transaction était entachée d'une nullité absolue d'ordre public, qui entraînait l'obligation pour le salarié de restituer à l'employeur la somme qu'il avait perçue en exécution d'un acte nul ; que par ces motifs substitués dans les conditions de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille deux.