COUR D'APPEL DE CAEN
RECOURS VISITES DOMICILIAIRES
Minute N° 2/2022
ORDONNANCE DU 27 AVRIL 2022
Appel de l'ordonnance rendue le 22 Octobre 2021 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Juge des libertés et de la détention de COUTANCES
N° RG 21/02942 - N° Portalis DBVC-V-B7F-G3SL
APPELANT
Monsieur [S] [R] [V] [A]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
non comparant représenté par Me Gervais MARIE-DOUTRESSOULLE, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE
[Adresse 10]
prise en la personne de son maire en exercice
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non comparante représentée par Me Christophe AGOSTINI substitué par Me BRILLIER LAVERDURE avocats au barreau de CAEN
PRESIDENT : F. EMILY, présidente de chambre désignée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de CAEN pour statuer sur les appels et recours en matière de visites domiciliaires.
GREFFIER : Estelle FLEURY, lors des débats et Mélanie COLLET lors du prononcé
DEBATS : En audience publique le 09 Mars 2022
ORDONNANCE : Prononcée publiquement le 27 AVRIL 2022 par mise à disposition au greffe et signée par Frédérique EMILY et Mélanie COLLET, à laquelle la minute a été remise.
Par ordonnance en date du 22 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Coutances a autorisé le maire de [Localité 12], [D] [X], le maire adjoint délégué de [Localité 12], [M] [U], et le responsable technique de la commune, [I] [H], à procéder à la visite des parcelles cadastrées [Cadastre 11], [Cadastre 7],[Cadastre 6],[Cadastre 5],[Cadastre 4], [Cadastre 3], [Cadastre 9] et [Cadastre 8] propriété de [S] [A], domicilié au [Adresse 2] , aux fins de vérifier le respect des exigences posées par le code de l'environnement et l'existence de dépôt de déchets.
[S] [A] a fait appel de cette ordonnance par lettre recommandée adressée le 29 octobre 2021 et enregistrée le 2 novembre 2021.
A l'audience du 9 mars 2022, [S] [A] a repris oralement ses écritures en date du 7 mars 2022.
Il demande l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en toutes ses dispositions, sa mise à néant, et qu'il soit statué ce que de droit quant aux dépens.
A titre subsidiaire, il sollicite un sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'État sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 5 mars 2021.
Il demande en outre la condamnation de la commune de [Localité 12] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[S] [A] soutient que l'ordonnance contestée ne fait pas apparaître le délai d'appel et qu'il n'a pas refusé l'accès à sa propriété le 28 juin 2021 comme cela a été retenu par le juge des libertés et de la détention. Il fait valoir qu'il était alors en arrêt de travail, qu'il dormait et qu'il n'a pas entendu les personnes envoyées par le maire pour visiter sa propriété.
M. [A] indique par ailleurs que les objets déposés sur sa propriété ne sont pas des déchets , ni des objets abandonnés, qu'ils ne sont pas visibles de l'extérieur de sorte que la décision du juge des libertés et de la détention porte atteinte à son droit à la propriété privée.
Il précise qu'un recours a été fait contre la décision de la cour administrative d'appel de Nantes qui a notamment commis une erreur en considérant que les objets stockés sur sa propriété étaient des déchets.
La commune de [Localité 12] a également repris oralement ses conclusions en date du 8 mars 2022 tendant à voir confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 22 octobre 2021 et à voir condamner [S] [A] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La commune de [Localité 12] fait valoir que si elle s'est adressée au juge des libertés et de la détention c'est parce que M. [A] s'oppose à la visite de sa propriété et que M. [A] ne démontre aucunement le caractère mensonger des attestations produites pour justifier de cette situation.
Elle souligne que M. [A] avait connaissance des délais d'appel, a d'ailleurs fait appel dans les délais impartis et qu'il ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.
Elle précise que la discussion sur la notion de déchets et la saisine du Conseil d'État est inopérante dès lors que ce qui fonde la décision du juge des libertés et de la détention c'est le refus d'accès à la propriété et que la visite prévue par le code de l'environnement doit justement permettre de vérifier si les objets déposés sur la propriété de M. [A] sont ou non des déchets.
SUR CE,
Il résulte des éléments du dossier qu'un litige existe depuis 2014 entre la commune de [Localité 12] et M. [A] au sujet du stockage de déchets sur la propriété de ce dernier.
M. [A] ne conteste pas les éléments suivants :
- l'envoi d'un courrier par la commune le 17 février 2017 sollicitant l'évacuation des déchets entreposés sur les parcelles de M. [A] ;
- l'établissement d'un procès-verbal de constat le 5 avril 2017 faisant état de la présence de déchets, gravats, ferrailles et autres ;
- la prise d'un arrêté municipal le 7 avril 2017 avec mise en demeure d'évacuer les déchets délaissés ;
- la prise d'un arrêté le 6 décembre 2017 ordonnant le versement d'une astreinte journalière jusqu'à satisfaction de la mise en demeure du 7 avril 2017 enjoignant à M. [A] d'éliminer le dépôt sauvage de déchets sur sa propriété;
- la saisine du tribunal administratif par M. [A] pour faire annuler ledit arrêté, cette requête ayant été rejetée par jugement du 7 février 2020;
- l'arrêt de cour administrative d'appel de Nantes du 5 mars 2021 rejetant le recours de M. [A];
- la saisine du Conseil d'État par M. [A].
L'article 541-3 du code de l'environnement édicte que
'Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, à l'exception des prescriptions prévues au I de l'article L. 541-21-2-3, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut lui ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 € et le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.'
Les articles L170-1 et suivants du code de l'environnement définissant les conditions dans lesquelles s'exercent les contrôles.
L'article L171-1 du code de l'environnement édicte que :
I. Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l'article L170-1 ont accès :
1° Aux espaces clos et aux locaux accueillant des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du présent code, à l'exclusion des domiciles ou de la partie des locaux à usage d'habitation. Ils peuvent pénétrer dans ces lieux entre 8 heures et 20 heures et, en dehors de ces heures, lorsqu'ils sont ouverts au public ou lorsque sont en cours des opérations de production, de fabrication, de transformation, d'utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation mentionnées par le présent code ;
2° Aux autres lieux, à tout moment, où s'exercent ou sont susceptibles de s'exercer des activités soumises aux dispositions du présent code ;
3° Aux véhicules, navires, bateaux, embarcations et aéronefs utilisés pour la détention, le transport, la conservation ou la commercialisation des animaux, des végétaux ou de tout autre produit susceptible de constituer un manquement aux prescriptions du présent code.
II. Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles ne peuvent avoir accès aux domiciles et à la partie des locaux à usage d'habitation qu'en présence de l'occupant et avec son assentiment.
L'article L171-2 du code de l'environnement précise que lorsque l'accès aux lieux mentionnés aux 1° et 3° de l'article L171-1 est refusé aux agents, que la personne ayant qualité pour autoriser l'accès ne peut être atteinte ou lorsque les conditions d'accès énoncées au II du même article ne sont pas remplies, les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter.
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Coutances du 22 octobre 2021 mentionne un délai d'appel de 24 heures dans le dispositif alors que le délai d'appel est de 15 jours.
Il sera toutefois constaté que les dispositions de l'article L171-2 du code de l'environnement sont intégralement reproduites dans les motifs de l'ordonnance et qu'elles comprennent le délai d'appel de 15 jours.
Aucun texte ne prévoit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention doit contenir le délai d'appel à peine de nullité.
En tout état de cause, M. [A] a fait appel dans les délais requis de telle sorte qu'il ne justifie d'aucun grief qui serait susceptible de conduire à l'annulation de l'ordonnance.
Il est constant que le juge des libertés et de la détention a constaté que M. [A] , qui faisait l'objet d'une procédure administrative pour dépôt de déchets sur sa propriété, s'était opposé à la visite des lieux destinée à vérifier l'exécution de ses obligations.
M. [U], maire adjoint délégué de la commune, et M. [H], responsable technique de la commune, ont attesté de ce que M. [A] s'était opposé à leur visite du 28 juin 2021, précisant que l'objet de la visite était de contrôler le respect des exigences posées par le code de l'environnement.
L'attestation est datée, signée et accompagnée des pièces d'identité des intéressés.
Son caractère mensonger n'est aucunement justifié.
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Elle présente des garanties suffisantes, au vu de la qualité des rédacteurs et du fait qu'ils attestent des mêmes faits, pour être retenue par la cour même si toutes les mentions prévues par l'article 201 du code de procédure civile ne sont pas reprises.
Les pièces remises par M. [A] à savoir le justificatif d'un arrêt de travail et un certificat médical faisant état d'une fatigue et d'un besoin au repos deux fois par jour, ne contredisent pas l'attestation fournie par la commune qui fait état non pas d'une absence du propriétaire des parcelles mais bien d'une opposition à la visite envisagée.
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est fondée dès lors que le propriétaire refuse de laisser l'accès à sa propriété aux agents contrôleurs du respect des dispositions du code de l'environnement.
Par ailleurs, il sera souligné que la visite a pour but de vérifier si M. [A] a respecté la mise en demeure du 7 avril 2017, que la cour administrative d'appel a retenu que le moyen tiré de ce que les objets présents sur le terrain n'étaient pas des déchets au sens de l'article L541-3 du code de l'environnement n'était pas fondé, que le recours devant le Conseil d'État n'est pas suspensif.
Le code de l'environnement ne soumet pas la réglementation relative à la gestion des déchets au caractère de leur visibilité ou non depuis la voie publique.
Par ailleurs, la visite envisagée par les agents contrôleurs ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la propriété privée de M. [A] dès lors que cette visite est prévue par les dispositions du code de l'environnement , qu'elle se déroule dans le cadre de la la gestion des déchets et de la lutte contre la pollution et que ses modalités doivent respecter un cadre rappelé dans le dispositif de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, les demandes de M. [A] seront rejetées et l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.
Il n'apparaît pas inéquitable que M. [A], qui succombe en ses prétentions supporte ses frais irrépétibles.
Il sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait au contraire inéquitable que la commune supporte ses frais irrépétibles.
M. [A] sera condamné à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [A] sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire ;
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
Y ajoutant ,
CONDAMNE [S] [A] à payer à la commune de [Localité 12] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [S] [A] aux dépens d'appel ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
LA GREFFIERE
[Z] [L]
LA PRESIDENTE
[J] [P]