DOSSIER no 20600144
Affaire :
M. X... Lakhdar
MME X... Setti
c /
CAF-AUCH
Refus bénéfice prestations familiales
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
DU GERS
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A l'audience du MERCREDI VINGT JUIN DEUX MILLE SEPT,
Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Gers, sous la Présidence de Monsieur Dominique BENON, Vice Président au Tribunal de Grande Instance, a rendu le jugement suivant :
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ENTRE :
Monsieur Lakhdar X... et Madame Setti X... – Association REGARD – 14, Place Saluste du Bartas – 32000 AUCH –
DEMANDEURS – comparants, assistés par Maître OUDIN-
D'UNE PART,
et la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES (CAF) du GERS – 11, Rue de Châteaudun – 32013 AUCH-
DEFENDERESSE – comparante par Monsieur A...-
D'AUTRE PART,
Les débats ont eu lieu à l'audience du 6 juin 2007 où étaient présents : M. BENON, Président, M. SANTISTEVA, assesseur « Employeur », M. NAVARRE, assesseur « Salarié » et Mme PEZZOLI, secrétaire.
L'affaire a été mise en délibéré ce jour, les parties ayant été avisées de la date à laquelle le jugement serait rendu.
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EXPOSE DU LITIGE :
Attendu que les époux Lakhdar et Setti X..., de nationalité algérienne, vivent en France depuis mai 2002 en vertu de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et sont entrés en France accompagnés de leurs enfants mineurs Abdella né le 6 octobre 1998 à Telagh et Aïcha née le 25 décembre 2001 à Sidi Bel Abbes ;
Que le 4 mars 2006, M. X... a demandé à la caisse d'allocations familiales du Gers (CAF) de bénéficier des prestations familiales pour ses enfants ;
Que par lettre du 27 juin 2006, la CAF leur a demandé la production d'une attestation préfectorale indiquant que lui et son épouse sont titulaires d'une carte " vie privée familiale " délivrée au titre du 7o de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que les enfants sont entrés en même temps qu'eux sur le territoire français ;
Que le 28 juillet 2006, l'autorité préfectorale a attesté que les époux X... étaient titulaires d'une carte de séjour " vie privée et familiale " et que les enfants étaient entrés en même temps qu'eux en France ;
Que par lettre du 8 août 2006, la CAF a demandé aux époux X... de faire préciser à l'autorité préfectorale au titre de quel article leurs cartes de séjour ont été délivrées ;
Que le 21 août 2006, l'autorité préfectorale a attesté que les cartes avaient été délivrées au titre de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
Que par lettre du 31 août 2006, la CAF a refusé le bénéfice des prestations sollicitées au motif que les cartes de séjour ont été délivrées au titre de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien et non au titre de l'article 6-5° ;
Que par lettre du 10 octobre 2006, M. X... a régulièrement saisi la commission de recours amiable en contestant ce refus ;
Que faute de réponse dans le délai d'un mois, il a alors régulièrement saisi ce tribunal en application de l'article R 142-18 du code de la sécurité sociale ;
Que le 12 décembre 2006, la commission de recours amiable a confirmé le refus du 31 août 2006 ;
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Attendu que dans leurs conclusions et à l'audience, les époux X... invoquent un arrêt rendu le 1er juillet 2004 par l'assemblée plénière de la Cour de cassation en vertu duquel, selon eux, les seules conditions pour obtenir le versement des prestations familiales sont, d'une part, que les parents résident régulièrement sur le territoire français et, d'autre part, que les enfants mineurs résident avec eux ;
Attendu qu'ils déclarent également se prévaloir des articles L 512-1, L 512-2 et D 512-1 du code de la sécurité sociale en vertu desquels une carte de séjour temporaire, ou une simple carte de résidence de ressortissant algérien, ouvre droit au versement des prestations en question ;
Qu'enfin, ils précisent que la CAF a méconnu les articles 8 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme, l'article 1er du protocole additionnel et même la convention internationale des droits de l'enfant en mettant en oeuvre une discrimination fondée sur la nationalité qui porte préjudice à ceux-ci ;
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Attendu que les époux X... demandent au tribunal :
- d'annuler la décision de la CAF,
- de condamner la CAF, sous astreinte, à leur verser les prestations familiales à compter de la date de la demande avec intérêts au taux légal,
- de condamner la CAF à leur verser 1 500 Euros à titre de dommages et intérêts outre 1 000 Euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, précisant qu'ils renonceront alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
- d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;
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Attendu que la CAF conclut au rejet du recours en expliquant qu'en vertu des articles L 512-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, et D 512-1 et D 512-2 du même code dans sa rédaction du décret no 2006-234 du 27 février 2006, la demande de prestations familiales doit être justifiée par l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un des parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ce qui n'est pas le cas des cartes de séjour des époux X... qui ont été délivrées en vertu du 7o de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
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DISCUSSION :
Vu les articles L 512-1 et L 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Attendu, selon les deux premiers de ces textes, que bénéficient de plein droit des prestations familiales, pour les enfants à leur charge résidant en France, les étrangers titulaires d'un titre exigé d'eux pour résider régulièrement en France ;
Qu'il résulte des deux derniers que la jouissance du droit à la vie privée et familiale doit être assurés sans distinction fondée notamment sur l'origine nationale ;
Et attendu en l'espèce en premier lieu qu'il est constant que les époux X... résident régulièrement en France en vertu de cartes de résidence de ressortissants algériens, avec mention " vie privée et familiale ", telle que visée à l'article D 512-1-3° du code de la sécurité sociale ;
Attendu en second lieu qu'il est également constant que leurs deux enfants mineurs sont entrés régulièrement en France même temps qu'eux, situation visée à l'article D 512 – 2-5° du même code, par référence à l'article L 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Que la préfecture a établi un " document de circulation pour étranger mineur " au bénéfice de chacun des enfants ;
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Et attendu que le fait de subordonner le bénéfice des prestations familiales, en sus de la justification des situations ci-dessus, à la production d'une attestation délivrée par l'autorité préfectorale précisant que les enfants sont entrés en France, soit en vertu du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien
du 27 décembre 1968, alors que cet article a été abrogé par l'avenant du 28 septembre 1994 publié par décret n° 94-1103 du 19 décembre 1994 (J. O. du 20 décembre 1994 p. 18064), soit en vertu du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porte une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination et au droit de la protection de la vie familiale ;
Que par suite, cette condition ne peut être opposée aux époux X... ;
Attendu par conséquent qu'il y a lieu de faire droit à la demande présentée par les époux X..., sans qu'il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte à l'encontre de la CAF ;
Que de même, dès lors que c'est la présente décision qui reconnaît le droit des époux X... et que la CAF s'est limitée à appliquer l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale, ce qui ne constitue pas en soi une faute, il n'y a pas lieu d'allouer des intérêts de retard à compter de la demande ;
Qu'ensuite, en l'absence d'explications sur le préjudice prétendument subi, et dès lors que l'allocataire sera rétabli dans son droit à compter de sa demande, il ne peut y avoir lieu à dommages et intérêts ;
Et attendu enfin, d'une part, que l'équité ne nécessite pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et, d'autre part, que les circonstances de l'espèce permettent de prononcer l'exécution provisoire de la présente décision ;
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en PREMIER RESSORT,
- FAIT DROIT au recours de Lakhdar X... ;
- DIT que les enfants Abdella et Aicha X... remplissent la condition réglementaire de séjour régulier en France permettant l'ouverture du droit aux prestations familiales, et ce à compter de la demande formée par Lakhdar X... ;
- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;
- REJETTE les autres demandes présentées par M. X....
Ainsi fait et jugé par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Gers et prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2007, conformément au second alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
La SecrétaireLe Président
Y. PEZZOLI D. BENON