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02/02/2016 | FRANCE | N°49/16

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, 20ème chambre, 02 février 2016, 49/16


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

20ème Ch.
ARRET DU DEUX FEVRIER DEUX MILLE SEIZE
dossier no 2929/ 2015

La Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE, siégeant en Chambre du Conseil le dix-neuf janvier deux mil seize pour les débats et le deux février deux mil seize pour le prononcé de l'arrêt,

composée lors des débats de :
Liliane VALKO, Président de la Chambre de l'Instruction Geneviève ROBIN, Conseiller Bruno NEDELEC, Conseiller

tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du code de procédure

pénale et qui ont, à l'issue des débats, délibéré seuls, conformément à l'article 200 dudit c...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

20ème Ch.
ARRET DU DEUX FEVRIER DEUX MILLE SEIZE
dossier no 2929/ 2015

La Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE, siégeant en Chambre du Conseil le dix-neuf janvier deux mil seize pour les débats et le deux février deux mil seize pour le prononcé de l'arrêt,

composée lors des débats de :
Liliane VALKO, Président de la Chambre de l'Instruction Geneviève ROBIN, Conseiller Bruno NEDELEC, Conseiller

tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du code de procédure pénale et qui ont, à l'issue des débats, délibéré seuls, conformément à l'article 200 dudit code.
Jean-Pierre DRENO, Avocat Général Maryline MARCOS, Greffier

lors du prononcé de l'arrêt : Il a été donné lecture de l'arrêt par Liliane VALKO, Président de la Chambre de l'Instruction, en présence du ministère public et de Maryline MARCOS, Greffier.

Vu l'information suivie au tribunal de grande instance de DIGNE contre : X... Hayet née le 25/ 06/ 1974 à TOULON de nationalité Française Demeurant......

DETENUE A LA MAISON D'ARRET DES BAUMETTES Mandat de dépôt en date du 18 juin 2015

DES CHEFS DE : transport, détention, offre ou cession, acquisition, importation non autorisés de stupéfiants, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement.
Ayant pour avocats : Me CHICHE Raphaël, 226 boulevard Saint Germain-75007 PARIS Me FARTHOUAT Jean René, 7 rue de la Tour des Dames-75009 PARIS

***
Vu l'ordonnance constatant l'irrégularité d'une constitution d'avocat rendue le 17 novembre 2015 par le juge d'instruction de TOULON et notifiée par télécopie aux conseils de X... Hayet et à la mise en examen le même jour ;
Vu l'appel interjeté le 26 novembre 2015 par l'avocat de Hayet X... suivant déclaration faite au greffe du Tribunal de Grande Instance de TOULON ;
Conformément aux dispositions des articles 194, 197 et 803-1 du code de procédure pénale, le procureur général a notifié le 1er décembre 2015 aux parties et aux avocats la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience, a déposé le dossier au greffe de la chambre de l'instruction et y a joint ses réquisitions écrites le 30 novembre 2015 pour être tenus à la disposition des avocats ;
Un mémoire a été transmis par télécopie au greffe de la chambre de l'instruction par Maître FARTHOUAT et visé par le Greffier le 18 janvier 2016 à 14h39 ;
***
DÉROULEMENT DES DÉBATS
A l'audience tenue en Chambre du Conseil le DIX-NEUF JANVIER DEUX MIL SEIZE ;

ont été entendus :
Liliane VALKO, Président de la Chambre de l'Instruction, en son rapport,
Maîtres FARTHOUAT et CHICHE, conseils de la mise en examen, présents à la barre, en leurs observations,
Jean-Pierre DRENO, Avocat Général a été entendu en ses réquisitions,
Maîtres FARTHOUAT et CHICHE, conseils de la mise en examen, ont eu la parole en dernier ;
***
Attendu que le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance déférée ;
***
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré ; le président a annoncé que l'arrêt serait rendu le DEUX FEVRIER DEUX MIL SEIZE ;
Et, ce jour DEUX FEVRIER DEUX MIL SEIZE, la chambre de l'instruction, a rendu en chambre du conseil, son arrêt comme suit :

DÉCISION

Dans le courant du mois de janvier 2015, un renseignement anonyme parvenait à la Brigade des Stupéfiants de l'Antenne de Police Judiciaire de TOULON, aux termes duquel, un certain Jérôme B... serait le dirigeant d'un important réseau de trafic de produits stupéfiants (résine de cannabis) procédant à des importations de cannabis depuis L'ESPAGNE et alimentant plusieurs cités sensibles de l'aire toulonnaise dont la Marquisanne, Rodheillac et la Beaucaire.
Le 19 février 2015, une information était ouverte contre X des chefs d'importation, acquisition, détention, transport, offre et cession de produits stupéfiants et association de malfaiteurs en vue de la préparation de délits punis de 10 ans d'emprisonnement
L'enquête se poursuivait sur commission rogatoireet établissait le rôle actif de C... Abdelkader ainsi que du clan X..., étant précisé que X... Abdelkader dit Y... était très défavorablement connu des services de police et de justice, déjà plusieurs fois condamné pour trafic de stupéfiants, et comptant parmi les voyous varois influents.
Au cours de ces transactions et de l'activité du « réseau X... », plusieurs trafiquants étaient identifiés ou protagonistes tel que Aling A... qui pouvait stocker du produit pour le compte de la famille X....
Les recherches en matière de téléphonie permettaient d'isoler plusieurs téléphones. L'un de ces téléphones utilisé par X... Hayet, sœur d'Abdelkader, servait exclusivement à contacter le fournisseur marocain habitant en Espagne, prénommé « Miloud ».
Les nombreuses conversations en arabe interceptées permettaient de déterminer que le réseau était animé par Abdelkader et Hayet X..., connus notoirement par les services de police pour se livrer depuis des années au trafic de stupéfiants sur Toulon et sa région.
X... Hayet était plus précisément chargée du contact avec le fournisseur de produit stupéfiants et d'organiser des voyages pour convoyer le produit.
X... Abdelkader était quant à lui chargé de l'écoulement du produit.
Le 25 avril, X... Hayet ramenait, en compagnie de D... Nicolas, au fournisseur, en Espagne, une partie ou la totalité du prix de ces stupéfiants, lesquels avaient été apparemment avancés grâce aux bonnes relations entretenues entre X... Hayet et ce fournisseur.
Les surveillances mises en place permettait d'interpeller le 15 juin 2015, au péage du Perthus sur l'autoroute A9 quatre femmes, dont Hayet X.... Les véhicules contenaient deux sacs contenant 50 kilogrammes de résine de résine de cannabis (avec deux qualités différentes).
Fadila E..., Yasmina E... et Virginie F... indiquaient avoir agi pour le compte et sur instructions de Hayet X... qui reconnaissait se livrer au trafic de stupéfiants depuis 2009 et en tirer de conséquents bénéfices financiers.
Hayet X... a constitué Raphaël CHICHE, avocat inscrit au barreau de PARIS et Karim Z..., inscrit au barreau d'ALGER, en qualité d'avocats.
Par ordonnance du 17 novembre 2015, le juge d'instruction a refusé la constitution de Karim Z... au motif que ce dernier a fait l'objet d'une radiation définitive par décision de la cour d'appel de PARIS et au visa de l'article 15 des accords franco-algériens du 28 août 1962.
SUR CE
En la forme,
Attendu que cet appel est régulier en la forme et a été interjeté dans le délai légal ;

Sur la mémoire,

Par mémoire régulièrement enregistré au greffe de la chambre de l'instruction, le conseil de Hayet X... sollicite, à titre principal, la nullité de l'ordonnance du 17 novembre 2015 et son infirmation afin de recevoir la constitution de Karim Z....
Il soutient que par délibération du 10 décembre 2014, le conseil de l'ordre du barreau d'ALGER a admis Karim Z... qui a prêté serment devant la cour d'appel d'ALGER le 14 février 2015, en parfaite connaissance de ses antécédents en qualité d'avocat en FRANCE, que son intervention devant les juridictions françaises est fondée sur l'article 16 du décret du 28 août 1962, que la seule inscription à un barreau algérien est suffisante.
Il fait valoir que l'ordonnance est nulle car rendue par le magistrat instructeur au mépris du contradictoire puisqu'aucun avis n'a été sollicité préalablement et mal fondée car l'article 15 régit l'intervention des avocats algériens ou français inscrits dans un barreau étranger qui doivent en respecter les règles alors qu'en l'espèce, Karim Z... n'est pas inscrit à un barreau français.
Il ajoute que l'article 16 autorise tout avocat algérien à représenter ses clients devant les juridictions françaises sans qu'aucune autre condition ne puisse lui être imposée et alors que l'alinéa 1* de l'article 16, qui précise " dans les mêmes conditions que les avocats inscrits à un barreau français " n'évoque que les conditions procédurales.
Au fond,
Aucune disposition procédurale n'impose au juge d'instruction une consultation quelconque des parties avant de refuser, le cas échéant, de délivrer un permis de communiquer à un avocat, s'agissant d'une mesure d'administration ;
L'ordonnance d'irrégularité de constitution rendue par le magistrat instructeur s'inscrit dans ce cadre et préserve, tout au contraire, les droits de la défense puisqu'elle ouvre un droit d'appel qu'un simple refus de permis de communiquer ne lui aurait pas donné. Il ne peut donc être soutenu qu'une telle ordonnance rendue sans avis des parties puisse faire grief ;
Elle est donc régulière sur la forme ;
Aux termes de l'article 16 du protocole judiciaire entre le gouvernement de la République française et l'Exécutif provisoire algérien publié par le décret n° 62-1020 du 29 août 1962, " les avocats inscrits à un barreau d'Algérie pourront assister ou représenter les parties devant toutes les juridictions françaises tant au cours des mesures d'instruction qu'à l'audience, dans les mêmes conditions que les avocats inscrits à un barreau français " ;
Karim Z... a été radié du tableau de l'Ordre des avocats du barreau de Paris par arrêt rendu le 13 janvier 2011 par la cour d'appel de Paris. Cet arrêt est désormais définitif ;
Me FARTHOUAT justifie cependant, entre autre, de l'intervention de Karim Z... à trois reprises devant les juridictions françaises pour soutenir que cette constitution n'a jamais été contestée ;
Or, Karim Z... n'apparaît pas comme représentant une ou des parties dans la décision du tribunal administratif versée au dossier ;
Devant le tribunal correctionnel de Lyon, Karim Z... s'est présenté ou a été présenté comme " avocat inscrit au barreau de PARIS " ;
Devant la cour d'assises du département de l'Oise, il s'est bien présenté comme avocat " inscrit au barreau d'Alger " mais il n'est absolument pas démontré, ni même soutenu d'ailleurs, que la dite juridiction ait eu connaissance de sa radiation du barreau de PARIS puisque d'ailleurs dans la présente affaire, le juge d'instruction n'a été alerté de la situation de Karim Z... que par le système informatique de la maison d'arrêt.
Enfin, en tout état de cause, la décision d'accepter la représentation de Karim Z... à supposer qu'elle ait été prise en connaissance de cause, ne lie aucunement les autres juridictions.
Il reste donc qu'un avocat inscrit à un barreau français ne peut plus représenter les parties devant les juridictions françaises après sa radiation et que l'alinéa 1 de l'article 16 du décret du 29 août 1962 dispose que les avocats inscrits à un barreau algérien sont soumis aux " mêmes conditions que les avocats inscrits à un barreau français. "
La thèse de Karim Z... selon laquelle le terme de " conditions " vise exclusivement les conditions procédurales, revient à ajouter au texte une précision sémantique qu'il ne contient pas.
D'ailleurs, le décret impose à l'avocat inscrit à un barreau algérien de faire élection domicile dans la ville siège de la juridiction, obligation qui constitue une particularité procédurale et qui démontre bien que, d'une part, les conditions " procédurales " ne sont pas " les mêmes " et que, d'autre part, les dites conditions " procédurales " ont bien été précisées quand il était nécessaire.
Il s'en déduit donc que les termes, " aux mêmes conditions ", s'entendent des conditions générales qui réglementent la profession d'avocat.
En outre, en vertu de l'article 15 du protocole judiciaire franco-algérien, l'accès des citoyens algériens à la profession d'avocat en France se trouve soumis, exception faite de la condition relative à la nationalité, à la réglementation française laquelle comporte l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires édictées en la matière, qui forme un tout indivisible, comprenant, notamment, les conditions d'accès à la profession d'avocat.
Il doit donc être considéré que l'article 16 ne peut pas être moins exigeant en termes de conditions que l'article 15 qui s'adresse spécifiquement aux avocats étrangers.
En conséquence, Karim Z..., qui ne peut représenter les parties devant les juridictions françaises que " dans les mêmes conditions que les avocats inscrits à un barreau français " ne saurait prétendre assister Hayet X... même en ayant obtenu, après sa radiation, le certificat permettant d ‘ exercer la profession d ‘ avocat en Algérie, dès lors qu'il ne remplit pas les " mêmes conditions " qu'un avocat inscrit à un barreau français, sauf à impliquer accessoirement, une inégalité de traitement avec les avocats inscrits en France.
Dès lors, l'ordonnance du magistrat instructeur constatant l ‘ irrecevabilité de sa constitution doit être confirmée.

PAR CES MOTIFS

La chambre de l'instruction, statuant en chambre du conseil ;
Vu les articles 115, 186, 187, 194 et suivants du code de procédure pénale ;
Vu le décret n° 62-1020 du 29 août 1962 portant publication des protocoles entre le gouvernement de la République française et l'Exécutif provisoire algérien ;
Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
EN LA FORME
DÉCLARE RECEVABLE L'APPEL INTERJETÉ,
AU FOND
DÉCLARE L'ORDONNANCE DU 17 NOVEMBRE 2015 VALABLE,
CONFIRME L'ORDONNANCE DÉFÉRÉE.
Laisse à la diligence du procureur général l'exécution du présent arrêt.
Liliane VALKO, Président de la Chambre de l'Instruction et Maryline MARCOS, Greffier, ont signé la minute du présent arrêt.
Le greffier certifie que le présent arrêt a été porté à la connaissance des parties et de leurs avocats conformément aux dispositions de l'article 217 et 803-1 du code de procédure pénale (récépissés joints au dossier)


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : 20ème chambre
Numéro d'arrêt : 49/16
Date de la décision : 02/02/2016

Analyses

Avocat - Représentation - Radiation - Accords d'Evian

Après sa radiation du barreau de Paris en 2011, un avocat franco-algérien s'est inscrit au barreau d'Alger (Algérie) en février 2015. Dans une ordonnance du 17 novembre 2015, un juge d'instruction a refusé la constitution d'avocat de l'intéressé, au regard de sa radiation définitive par la cour d'appel de Paris et au visa de l'article 15 des accords franco-algériens du 28 août 1962. Le requérant considère qu'aux termes de l'article 16 dudit décret, la seule inscription à un barreau algérien est suffisante. Dans son arrêt, la cour d'appel d'Aix-en-Provence confirme l'ordonnance attaquée. Selon les juges, les "mêmes conditions" évoquées aux articles 15 et 16 du décret de 1962 renvoient aux conditions générales réglementant la profession d'avocat. Dès lors, l'avocat en cause ne respectant pas les "mêmes conditions" que ses confrères français ne saurait être autorisé à représenter les parties devant une juridiction française, sauf à impliquer une inégalité de traitement avec ceux inscrits en France. L'article 16 du décret ne saurait être moins exigeant que l'article 15 qui s'adresse spécifiquement aux avocats étrangers.


Références :

Décision attaquée : Juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Toulon, 17 novembre 2015


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2016-02-02;49.16 ?
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