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15/02/2005 | FRANCE | N°03/07564

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, 1e chambre a, 15 février 2005, 03/07564


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1 Chambre A
ARRÊT AU FOND DU 15 FEVRIER 2005
A... No 2005/ Rôle No 03/ 07564
Roméo B... Francine D... épouse B... C/ L'ETAT FRANCAIS
réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 06 Mars 2003 enregistré au répertoire général sous le no 01/ 6688.
APPELANTS Monsieur Roméo B... né le 16 Octobre 1922 à ARCOLA/ ITALIE (99), demeurant... Madame Francine D... épouse B... née le 02 Août 1925 à CABANNES (13440), demeurant... représentés par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour,

plaidant par Me Xavier BLANC, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME L'ETAT FRANCAIS pris ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1 Chambre A
ARRÊT AU FOND DU 15 FEVRIER 2005
A... No 2005/ Rôle No 03/ 07564
Roméo B... Francine D... épouse B... C/ L'ETAT FRANCAIS
réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 06 Mars 2003 enregistré au répertoire général sous le no 01/ 6688.
APPELANTS Monsieur Roméo B... né le 16 Octobre 1922 à ARCOLA/ ITALIE (99), demeurant... Madame Francine D... épouse B... née le 02 Août 1925 à CABANNES (13440), demeurant... représentés par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour, plaidant par Me Xavier BLANC, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME L'ETAT FRANCAIS pris en la personne de Monsieur l'Agent Judiciaire du TRESOR, en ses bureaux au Ministère de l'Economie des Finances et d'Industrie Direction des Affaires Juridiques, domicilié Bâtiment Condorcet-Télédoc 353-... représenté par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour, plaidant par Me Martine TRAMPOGLIERI-LOMBARD, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2005 en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Gérard LAMBREY, Président Monsieur Jean VEYRE, Conseiller Monsieur Jean Noùl GAGNAUX, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Radegonde DAMOUR.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 Février 2005.
ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Février 2005,
Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Madame Radegonde DAMOUR, greffier présent lors de la mise à disposition au greffe de la décision.
Vu le jugement rendu le 6 mars 2003 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE rejetant l'exception d'incompétence soulevé par l'Agent Judiciaire du Trésor, disant que le service public de la justice avait commis une faute lourde engageant la responsabilité de l'Etat suite à la plainte pénale des époux B..., condamnant L'ETAT FRANCAIS à payer avec exécution provisoire à ces derniers la somme de 10. 000 ç, outre 1. 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Vu les conclusions en date du 2 juillet 2003 de M. Roméo B... et Mme Francine B..., appelants selon déclaration d'appel du 24 mars 2003, leurs " conclusions en réponse " du 21 octobre 2004, leurs " conclusions en réponse " du 25 novembre 2004,
Vu les conclusions en date du 6 juillet 2004 de L'ETAT FRANCAIS, intimé,
Vu l'ordonnance de clôture du 20 décembre 2004,
SUR CE :
Attendu que par appel incident l'Agent judiciaire au nom de L'ETAT FRANCAIS conteste que les conditions de sa responsabilité soient réunies ;
Attendu que l'article L 781-1 du Code de l'Organisation Judiciaire dispose en son alinéa 1 : " L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que pour une faute lourde ou par un déni de justice " ;
Attendu que l'intimé rappelle en ses écritures que : " Constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service de la justice à remplir la mission dont il est investi (Assemblée Plénière 23 février 2001) Cour de Cassation " ;
Attendu qu'il est constant que sur plainte des époux B... victimes d'escroquerie pour 2, 6 MF (396. 367, 44 ç) une information a été ouverte le 23 décembre 1991, un premier magistrat instructeur étant désigné le 14 janvier 1992, la première audition des plaignants intervenant le 8 avril 1992 avant commission rogatoire au S. R. P. J. de MARSEILLE le 11 mai 1992 et commission rogatoire internationale aux autorités judiciaires monégasques le 30 avril 1993 ; que parallèlement la personne visée par la plainte-M. Z...- était placé sous mandat de dépôt le 4 février 1993 puis en liberté sous contrôle judiciaire mais sans caution financière 6 mois plus tard (3 août 1993) à l'extrémité du délai légal ;
Attendu que si certes une partie civile peut demander à un juge d'instruction l'accomplissement de certains actes interruptifs il n'en demeure pas moins qu'il est de l'essence même de la fonction de ce dernier de mener avec diligence ses opérations et de veiller à tout le moins aux délais de prescription de l'action publique, indépendamment encore des intérêts liés des parties civiles ;
Attendu que l'on ne peut sérieusement reprocher à faute ou négligence à celles-ci de ne pas s'inquiéter d'une normale exécution de l'instruction, de plus soumise à la surveillance du ministère public ;
Attendu que M. Z... du fait de cette carence lourdement fautive de l'institution judiciaire a pu ainsi se soustraire pendant plusieurs années à l'obligation de rendre compte à ses victimes qui avaient choisi la voie pénale et en définitive échappé à toute condamnation pénale ; qu'il s'agit là de plus d'une sorte de déni de justice, dès lors que le mis en examen reconnaissait les faits ;
Attendu que les époux B... avaient encore écrit au juge d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception afin que soit étendue la procédure d'information à la mère et l'épouse de M. Z... ; que certes ils auraient dû au regard du Code de Procédure Pénale formaliser cette demande par une déclaration au greffier du juge d'instruction ;
Attendu que cette erreur de procédure pour une extension de l'information est sans incidence sur la faute préalable et première du juge d'instruction qui de plus pouvait (voire devait) rechercher-dans l'intérêt des parties civiles qui l'avaient saisies-le sort des fonds détournés, l'indemnisation de celles-ci étant une des préoccupations nécessaires de sa mission ;
Attendu qu'il en était de même de la recherche d'éventuels complices ou receleurs des fonds détournés ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer en son principe la condamnation de l'ETAT ;
Attendu sur le préjudice indemnisable, les appelants font à bon droit valoir la confiance qu'ils accordaient à la juridiction pénale qui disposait de moyens d'investigation et de contrainte d'autant plus nécessaires que ce dossier avait un élément d'extranéité monégasque ; qu'elle constituait un moyen de pression tant pour l'obtention d'informations que le cas échéant d'ailleurs d'exécution de toute condamnation civile à venir par le biais de l'application des peines ; qu'une procédure pénale correctement menée permettait d'espérer une indemnisation devenue désormais totalement aléatoire ;
Attendu à cet égard que peu sérieusement il est soutenu contre les appelants qu'à défaut de pouvoir localiser M. Z... il peut toujours être assigné à son dernier domicile connu ; que sur leur préjudice on ne peut pas plus leur opposer leur faute intentionnelle en invoquant la règle " nemo auditur ", inapplicable à l'espèce où au plus une imprudence pourrait leur être reprochée ;
Attendu que sans être aucunement contredites alors qu'ils produisent des documents circonstanciés précis sur la fortune de la mère de R Z... les appelants démontrent l'intérêt des investigations demandées à son encontre, d'autant qu'ils rapportent la preuve de la vente en 1994 (peu après la mise en examen de son fils de deux immeubles de valeur ;
Attendu que si on ne peut affirmer que cela leur aurait permis de récupérer l'intégralité de leur créance, il n'en demeure pas moins certain comme l'a conclu le premier juge qu'ils ont perdu raisonnablement une chance de la recouvrer suite à une faute lourde du service public de la justice ;
Attendu qu'en l'état des explications et pièces des parties, leur indemnisation doit être fixée à 40. 000 ç ;
Attendu que les appelants sont enfin recevables et bien fondés en leur demande d'indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
En la forme, dit l'appel recevable,
AU FOND,
Confirme le jugement entrepris sauf sur le quantum de l'indemnisation des époux B...,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne L'ETAT FRANCAIS à payer aux époux B... la somme de 40. 000 euros et une indemnité complémentaire de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne L'ETAT FRANCAIS aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés à son encontre par les avoués à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : 1e chambre a
Numéro d'arrêt : 03/07564
Date de la décision : 15/02/2005

Analyses

ETAT

Saisie dans le cadre d'une affaire d'escroquerie portée par les victimes au pénal ayant abouti à l'absence de condamnation pénale de la personne visée par la plainte et à une indemnisation devenue désormais totalement aléatoire, du fait notamment de la mise en liberté sous contrôle judiciaire mais sans caution financière du mis en examen, et de la non extension de la procédure d'information à l'encontre de sa mère et de son épouse, la Cour a dû déterminer si la responsabilité de l'Etat pouvait être engagée pour faute lourde commise par le service public de la justice. La Cour a ainsi jugé que si une partie civile peut certes demander à un juge d'instruction l'accomplissement de certains actes interruptifs, il n'en demeure pas moins qu'il est de l'essence même de la fonction de ce dernier de mener avec diligence ses opérations et de veiller à tout le moins aux délais de prescription de l'action publique, indépendamment encore des intérêts liés des parties civiles. La Cour relève que le mis en examen du fait de cette carence lourdement fautive de l'institution judiciaire a pu ainsi se soustraire pendant plusieurs années à l'obligation de rendre compte à ses victimes qui avaient choisi la voie pénale et en définitive échappé à toute condamnation pénale ; qu'il s'agit là de plus d'une sorte de déni de justice, dès lors que le mis en examen reconnaissait les faits. La Cour relève enfin que le juge d'instruction pouvait (voire devait) rechercher- dans l'intérêt des parties civiles qui l'avaient saisies- le sort des fonds détournés, l'indemnisation de celles-ci étant une des préoccupations nécessaires de sa mission. Qu'il en était de même de la recherche d'éventuels complices ou receleurs des fonds détournés et qu'ainsi l'erreur de procédure pour une extension de l'information à la mère et à l'épouse du mis en examen commise par les victimes (lettre recommandée avec accusé de réception au juge d'instruction sans déclaration au greffier) était sans incidence sur la faute préalable


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2005-02-15;03.07564 ?
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