Vu la requête, enregistrée le 27 août 2005, présentée par M. D... P... , demeurant ... ; M. P... demande au Tribunal :
- d'annuler l'arrêté en date du 27 juin 2005, par lequel le maire d'Alfortville a ordonné son expulsion du conseil municipal avec le concours de la force publique ; - de condamner la commune d'Alfortville à lui verser une somme de 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que sa requête est recevable ; que l'arrêté attaqué vise un article du code général des collectivités territoriales qui n'existe pas ; que l'arrêté n'est pas motivé dès lors que le maire n'y précise pas en quoi la prise de parole d'un élu de l'opposition aurait justifié son expulsion avec le concours de la force publique ; que la décision est entachée de détournement de pouvoir dès lors que le maire a utilisé les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2121-16 du code précité pour juguler des propos politiques qu'il ne voulait pas entendre mais qui ne dépassaient pas les limites du droit de libre expression, qui n'étaient pas diffamatoires et ne comportaient aucun expression injurieuse ; que le maire a également commis une erreur dans la matérialité des faits et dans leur qualification juridique ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2005, présenté par la commune d'Alfortville, représentée par son maire en exercice ; la commune d'Alfortville conclut au rejet de la requête ;
Elle soutient que si l'arrêté attaqué vise une disposition qui n'existe pas, il vise toutefois d'autres articles du code général des collectivités territoriales qui constituent son fondement juridique ; que l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ; que, au cours de la séance du conseil municipal du 27 juin 2005, M. P... a interrompu systématiquement le maire, lui ôtant ainsi l'initiative de l'organisation des débats ; que celui-ci pouvait attendre que l'ordre du jour soit épuisé pour intervenir et s'exprimer ; que ces faits sont établis dès lors que le compte-rendu de la séance en cause a été adopté à l'unanimité des suffrages exprimés, avec une seule abstention, lors de la séance suivante ; que, après les multiples rappels à l'ordre et le retrait de la parole, le maire n'avait d'autre choix que de procéder à l'expulsion de M. P... ;
Vu la lettre en date du 6 mars 2009, par laquelle les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code justice administrative, que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2009, présenté pour la commune d'Alfortville, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;
Elle soutient, que dans les circonstances particulières de l'espèce, le maire était compétent pour expulser M. P... du conseil municipal sur le fondement des dispositions de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales ;
Vu l'arrêté attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2009 :
- le rapport de M. Gallaud, conseiller,- les observations de M. Ponelle, représentant de la commune d'Alfortville,- et les conclusions de M. Philipbert, rapporteur public,
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales : Le maire a seul la police de l'assemblée. / Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre.[...] ; que, en application des dispositions précitées, le maire d'Alfortville a pris, au cours de la séance du conseil municipal du 27 juin 2005, un arrêté requérant la force publique pour faire évacuer M. D... Pétri, conseiller municipal ; que celui-ci demande au Tribunal d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté :
Considérant, d'une part, que la circonstance que l'arrêté litigieux vise une disposition inexistante du code général des collectivités territoriales est sans incidence sur sa légalité ;
Considérant, d'autre part, que l'arrêté attaqué fait mention des dispositions du code général des collectivités territoriales sur lesquelles il se fonde, et expose le comportement de M. P... au cours de la séance du conseil municipal, qui l'a amené a ordonner son expulsion avec le concours de la force publique ; que ledit arrêté est ainsi suffisamment motivé au sens des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, susvisée ;
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier du compte-rendu de séance du 27 juin 2005 du conseil municipal d'Alfortville, dont les mentions ne sont pas utilement contestées par le requérant, que, en début de séance, celui-ci a fait obstacle à ce que le maire appelle les questions inscrites à l'ordre du jour, en interrompant systématiquement ce dernier, déclarant qu'il souhaitait faire une intervention non inscrite audit ordre du jour, soutenu par des individus présents dans la salle réservée au public, qui scandaient des propos en faveur de l'intéressé ; que, après avoir invité en vain M. P... à attendre l'épuisement de l'ordre du jour pour poser sa question, le maire a suspendu la séance et requis la force publique pour faire évacuer les individus susmentionnés avant de réunir à nouveau les élus qui ont décidé de poursuivre la séance à huis clos ; que, lors de la reprise des débats, M. P... a de nouveau interrompu systématiquement le maire, refusant d'obtempérer aux rappels à l'ordre de celui-ci ;
Considérant, en premier lieu, que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. P... ne conteste pas utilement les mentions du compte-rendu de la séance litigieuse du conseil municipal de la commune d'Alfortville ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué par lequel le maire a ordonné son expulsion de la salle avec le concours de la force publique serait entaché d'une erreur dans la matérialité des faits ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales, qu'il appartient au maire, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de prendre les mesures destinées à empêcher que soit troublé le déroulement des séances du conseil municipal ; que, compte tenu du comportement susévoqué de M. P... au cours de la séance du 27 juin 2005, qui, excédant manifestement son droit d'expression de conseiller municipal, a fait systématiquement obstacle à ce que le conseil municipal d'Alfortville puisse aborder les questions inscrites à l'ordre du jour, en dépit de plusieurs rappels à l'ordre et explications du maire l'invitant à attendre l'épuisement de l'ordre du jour pour poser sa question, ce dernier n'a pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, fait irrégulièrement usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué n'aurait pas été pris dans le but d'assurer le bon déroulement de la séance du conseil municipal mais pour faire obstacle à l'expression politique de M. P... , alors au demeurant que le maire n'a nullement interdit à l'intéressé de poser sa question orale ne se rapportant pas à une question inscrite à l'ordre du jour, mais l'a seulement invité à poser ladite question en fin de séance ; qu'il suit de là que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. P... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 27 juin 2005, susvisé, par lequel le maire d'Alforville a ordonné son expulsion du conseil municipal avec le concours de la force publique ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que la commune d'Alfortville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. P... la somme que celui-ci demande au titre de frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. P... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D... P... et à la commune d'Alfortville.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2009, à laquelle siégeaient :
M. Lercher, président,M. Donnart, conseiller, M. Gallaud, conseiller,
Lu en audience publique le 23 avril 2009.
Le rapporteur,Signé : T. GALLAUD
Le président,Signé : A. LERCHER Le greffier,Signé : M. LANNEREELa République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,Le greffier,M. LANNEREE''''''''2N° 0505024