AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., qui était entré au service de M. Y... en septembre 1995, a saisi en septembre 1996 le conseil de prud'hommes de demandes en paiement de salaires restés impayés et de dommages-intérêts ; que M. Y... ayant été placé en liquidation judiciaire le 7 novembre 1996, M. X... a fait réinscrire en juin 1997 la procédure au rôle de la juridiction prud'homale, après qu'elle ait été radiée, en demandant le paiement de salaires et la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du liquidateur judiciaire :
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 1er avril 1998 et d'avoir fixé des créances salariales et indemnitaires en fonction de cette date de résiliation, alors, selon le moyen :
1 / que l'ordonnance en date du 2 octobre 1996 par laquelle le bureau de conciliation faisant droit à la demande de M. X... avait ordonné, antérieurement à la mise en liquidation, à M. Y... de remettre sous astreinte une lettre de licenciement et un certificat de travail, prenait acte de la reconnaissance faite par le salarié de ce que son contrat était rompu ; qu'un tel aveu faisait foi contre M. X... ; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de cet aveu dont il résultait que le contrat était rompu, la résiliation ne pouvait être prononcée et que les salaires, jusqu'à ce prononcé, n'étaient pas dus, a violé l'article 1356 du Code civil ;
2 / qu'à tout le moins, en s'abstenant de répondre aux conclusions de M. Z... de A..., qui soutenait qu'en formulant sa demande, M. X... reconnaissait que son contrat était rompu, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la seule circonstance que le salarié ait demandé au bureau de conciliation d'ordonner la délivrance d'une lettre de licenciement et d'un certificat de travail ne pouvait constituer l'aveu non équivoque d'une rupture antérieure du contrat ;
Et attendu que la cour d'appel, devant laquelle il était seulement prétendu que le salarié reconnaissait à la date du 6 septembre 1996 qu'il ne travaillait plus pour le compte de son employeur, a répondu à ce moyen en relevant que le fait que M. X... ait cessé de travailler pour le compte de l'entreprise à partir du mois de septembre ne pouvait à lui seul consacrer la rupture du contrat ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu l'article L. 143-11-1, alinéa 2, 3 du Code du travail ;
Attendu que, pour mettre hors de cause l'AGS, la cour d'appel a retenu que, pour que sa garantie soit acquise, il est indispensable que le licenciement intervienne dans les 15 jours du jugement ordonnant la liquidation ; qu'en l'espèce, le liquidateur n'a pas procédé au licenciement de M. X... dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ; qu'il y a donc lieu de mettre hors de cause le CGEA qui n'a pas à garantir les créances de M. X..., la rupture n'étant pas intervenue dans les délais légaux ;
Attendu cependant que la garantie de l'AGS s'applique, notamment, en cas de liquidation judiciaire de l'employeur et dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, aux sommes dues au cours des quinze jours suivant le jugement de liquidation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle reconnaissait M. X... créancier de salaires au titre du mois de novembre 1996, au cours duquel l'employeur avait été placé en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a exclu la garantie de l'AGS au titre des salaires dus au cours des quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, l'arrêt rendu le 15 mars 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
DIT que la garantie de l'AGS s'applique à la créance salariale de M. X... à concurrence du montant des salaires dus au cours des quinze jours suivant le jugement d'ouverture ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... de A..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille trois.