Sur le premier moyen du pourvoi principal pris en ses deux branches : .
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Union pour le crédit à l'industrie nationale (UCINA) a consenti à M. Jacques X..., à la demande du cabinet d'affaires Doléac-Gendraud, une ouverture de crédit pour l'achat de deux fonds de commerce ; que ce prêt était garanti, notamment, par une hypothèque de premier rang sur un terrain appartenant à M. X..., évalué comme terrain constructible à une somme comprise entre 380 000 francs et 420 000 francs par M. Y..., expert immobilier et membre de la chambre des experts immobiliers de France ; qu'à la suite d'une procédure de saisie immobilière engagée par UCINA qui n'avait pas été remboursée du prêt, ce terrain, qui s'est révélé être inconstructible, fût adjugé pour 10 000 francs seulement ; qu'UCINA a assigné M. Y... et la société Mutuelle générale française accidents (MGFA) auprès de laquelle la chambre des experts immobiliers avait souscrit une assurance responsabilité civile professionnelle en faveur de ses membres, pour qu'ils soient condamnés à lui payer, en réparation du préjudice qu'elle a subi, une somme égale à la valeur du terrain telle qu'elle résultait de l'estimation ;
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à UCINA une somme de 380 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors que, selon le moyen, d'une part, chacun est tenu de veiller à la défense de ses propres intérêts ; qu'ainsi, la cour d'appel qui a estimé que l'évaluation du terrain présentait, pour le prêteur, une " importance déterminante " n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qu'elles comportaient en considérant que ce prêteur pouvait s'abstenir de toute vérification, et alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions dans lequelles M. Y... faisait valoir que le prêteur était un " organisme financier spécialisé ", qu'en sa qualité de " professionnel en la matière ", il ne " pouvait ignorer les risques inhérents au type d'opération réalisée " et qu'en acceptant de prêter une somme de 1 100 000 francs, ce prêteur avait agi à la légère ;
Mais attendu que l'arrêt relève la faute évidente commise par M. Y... qui, sans avoir pris la précaution de se procurer un certificat d'urbanisme qui l'aurait immédiatement informé que le terrain n'était pas constructible et ne pouvait donc être évalué à la somme qu'il indiquait, a procédé à une estimation dont il garantissait le sérieux en faisant état de sa qualité d'expert immobilier, alors surtout que, directeur général du cabinet Doléac Gendraud, intervenant comme mandataire dans la vente du fonds de commerce, il ne pouvait ignorer, puisqu'une garantie hypothécaire était offerte sur le terrain, que l'évaluation qu'il en faisait avait une importance déterminante pour l'octroi ou le refus du crédit envisagé ; que l'arrêt retient encore qu'il ne peut être reproché à UCINA, ni la confiance qu'elle a spontanément accordée à l'estimation faite par M. Y..., compte tenu de la qualité de ce dernier, ni l'octroi à M. X... d'un prêt d'un montant largement supérieur à la valeur proposée, cette société pouvant légitimement prendre en toute connaissance de cause le risque de ne pas recouvrer par la seule mise en jeu de la garantie hypothécaire la partie du crédit supérieur au
" prix de cession possible " déterminé par M. Y... ; que de ces motifs qui répondent aux conclusions, la cour d'appel a pu déduire que l'UCINA n'avait commis aucune faute ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Le rejette ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal pris en ses deux branches et sur le moyen unique du pourvoi provoqué :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour écarter la garantie de la MGFA, l'arrêt relève que l'assurance souscrite par la chambre des experts immobiliers, garantissant les assurés contre les conséquences de la responsabilité civile professionnelle qu'ils peuvent encourir dans l'exercice de leurs activités, exclut expressément de la garantie la responsabilité civile incombant à l'assuré en raison des " pertes subies par suite de l'insuffisance des gages " et que le préjudice invoqué par UCINA résulte de l'insuffisance de la garantie hypothécaire fournie par l'emprunteur ;
Attendu cependant que la cour d'appel a retenu pour faute à l'origine du dommage subi par UCINA non pas l'erreur d'appréciation de la valeur du gage mais la faute professionnelle commise par M. Y... pour ne pas avoir pris la précaution, élémentaire pour un expert immobilier, de se procurer un certificat d'urbanisme avant de procéder à l'évaluation du terrain ;
Attendu, dès lors, qu'en se déterminant comme elle a fait, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande à l'encontre de la MGFA, l'arrêt rendu le 14 janvier 1986 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles