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25/05/1987 | FRANCE | N°85-16508

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 mai 1987, 85-16508


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 juin 1985) que, par acte authentique du 15 juin 1973, M. Jean-Marie X... s'est porté caution solidaire de son frère Jacques X... auquel la société SOFINEC venait de consentir par le même acte une ouverture de crédit de 400 000 francs pour le financement d'un centre commercial ; qu'il était stipulé que cette somme devait être versée au Crédit lyonnais, banque de M. Jacques X..., à charge pour celle-ci de régler les entrepreneurs et vendeurs, d'ordre et pour le compte de son cl

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Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 juin 1985) que, par acte authentique du 15 juin 1973, M. Jean-Marie X... s'est porté caution solidaire de son frère Jacques X... auquel la société SOFINEC venait de consentir par le même acte une ouverture de crédit de 400 000 francs pour le financement d'un centre commercial ; qu'il était stipulé que cette somme devait être versée au Crédit lyonnais, banque de M. Jacques X..., à charge pour celle-ci de régler les entrepreneurs et vendeurs, d'ordre et pour le compte de son client, sur présentation des factures ou mémoires définitifs à ladite banque, " qui devra en justifier auprès de la SOFINEC " ; que, M. Jacques X... n'ayant pas tenu ses engagements et la liquidation des biens ayant été prononcée à son encontre, la société SOFINEC a réclamé à la caution paiement des sommes dues qui, arrêtées au 31 mars 1985, s'élevaient à 1 001 237 francs ; que M. Jean-Marie X... a opposé qu'il n'avait apporté sa garantie qu'en considération des conditions dans lesquelles avait été consentie l'ouverture de crédit, savoir l'affectation précise des fonds ; qu'il a ainsi prétendu que la société SOFINEC avait failli à son obligation de contrôle de l'utilisation des fonds par le Crédit lyonnais qui avait contrevenu à ses obligations en affectant partie des fonds reçus au compte courant débiteur de M. Jacques X... ; que ses prétentions ont été écartées et qu'il a été condamné à payer les sommes dues ;

Attendu que M. Jean-Marie X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que dans un contrat de cautionnement, le créancier est tenu par une obligation de bonne foi qui se caractérise, s'agissant d'un organisme financier, par une obligation de prudence quant à l'affectation des fonds alloués et par une obligation d'information à l'égard de la caution quant à l'étendue du contrôle exercé par celui-ci, sur le déroulement de l'opération de crédit ; qu'ayant expressément constaté que la société SOFINEC avait entendu superviser l'utilisation des fonds confiés au Crédit lyonnais, la cour d'appel ne pouvait la décharger de toute responsabilité contractuelle, celui-ci ayant non seulement laissé la caution dans l'incertitude quant à l'étendue du contrôle qu'il entendait exercer mais aussi fait preuve de négligence en ne s'assurant pas de l'affectation sur un compte spécial des sommes créditées ; qu'en se refusant à engager la responsabilité contractuelle de la société SOFINEC à l'égard de M. Jean-Marie X..., la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que, procédant à la recherche de la commune intention des parties, la cour d'appel a souverainement retenu que si l'obligation mise à la charge du Crédit lyonnais de justifier de l'utilisation des fonds attestait le contrôle que la société SOFINEC entendait exercer, aucune stipulation ne donnait à ce contrôle un caractère impératif ; qu'elle a ainsi estimé que ce contrôle n'était qu'une faculté réservée à ladite société et laissée à sa seule appréciation, ce que la caution qui était intervenue à l'acte ne pouvait ignorer ; qu'elle a, enfin, relevé que M. Jean-Marie X... ne rapportait pas la preuve que la surveillance de l'emploi des fonds avait constitué un élément déterminant de son consentement ; que la décision ainsi justifiée ne saurait encourir la critique du moyen ;

Et sur la seconde branche du moyen :

Attendu qu'il est fait reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la caution, laquelle avait expressément renoncé au bénéfice des dispositions des articles 2021, 2026 et 2037 du Code civil, alors, selon le moyen, qu'aux termes de ce dernier article, tel que modifié par l'article 49 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, toute clause de renonciation au bénéfice de subrogation doit être réputée non écrite ; qu'en raison du caractère interprétatif de cet article, ce texte doit recevoir application dans les instances en cours, quand bien même le contrat de cautionnement aurait été conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait donner plein effet à la clause de renonciation au bénéfice de subrogation, consentie par M. Jean-Marie X... ; qu'en déniant néanmoins à celui-ci, le droit de s'opposer à la demande de la société SOFINEC, faute de pouvoir bénéficier de toute subrogation en raison du dépérissement des sûretés garantissant l'ouverture de crédit, la cour d'appel a, par refus d'application, violé l'article 2037 du Code civil ;

Mais attendu qu'en son article 62 la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 a précisé que ses dispositions entreraient en vigueur à partir des décrets pris pour son application et, au plus tard, un an après sa promulgation ; que l'article 2037 du Code civil, modifié par l'article 49 de cette loi, qui ne présente aucun caractère interprétatif, n'est dès lors, pas applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur ci-dessus définie ; que la cour d'appel n'a pas violé le texte précité ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-16508
Date de la décision : 25/05/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Objet - Cautionnement d'un prêt - Affectation déterminée des fonds - Surveillance de l'affectation par le prêteur - Elément déterminant - Preuve - Charge.

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Interprétation - Intention commune des parties - Cautionnement contrat - Objet.

1° Il appartient à la caution de rapporter la preuve que la surveillance par l'organisme de crédit de l'affectation des fonds a constitué un élément déterminant de son consentement .

2° CAUTIONNEMENT - Extinction - Subrogation rendue impossible par le fait du créancier - Article 2037 du Code civil - Renonciation - Loi du 1er mars 1984 - Application dans le temps.

LOIS ET REGLEMENTS - Non-rétroactivité - Cautionnement contrat - Extinction - Subrogation rendue impossible par le fait du créancier - Renonciation - Loi du 1er mars 1984 modifiant l'article 2037 du Code civil - Cautionnement souscrit avant son entrée en vigueur.

2° L'article 2037 du Code civil, modifié par l'article 49 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, n'est pas applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, définie en son article 62


Références :

Code civil 2037
Loi 84-148 du 01 mars 1984 art. 49, art. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 12 juin 1985

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1987-05-19, Bulletin 1987, I, N° 154 p. 119 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 mai. 1987, pourvoi n°85-16508, Bull. civ. 1987 I N° 163 p. 124
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 I N° 163 p. 124

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Delaroche
Avocat(s) : Avocats :la SCP Labbé et Delaporte et la SCP Vier et Barthélémy .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.16508
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