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25/07/2013 | CEDH | N°001-122699

CEDH | CEDH, AFFAIRE CASTELLINO c. BELGIQUE, 2013, 001-122699


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE CASTELLINO c. BELGIQUE

(Requête no 504/08)

ARRÊT

STRASBOURG

25 juillet 2013

DÉFINITIF

25/10/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Castellino c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ganna Yudkivska,
André

Potocki,
Paul Lemmens,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 juillet...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE CASTELLINO c. BELGIQUE

(Requête no 504/08)

ARRÊT

STRASBOURG

25 juillet 2013

DÉFINITIF

25/10/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Castellino c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ganna Yudkivska,
André Potocki,
Paul Lemmens,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 juillet 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 504/08) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant italien, M. Domenico Castellino (« le requérant »), a saisi la Cour le 24 décembre 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me A. Wilmotte, avocat à Huy. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.

3. Le requérant allègue ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable, en particulier en raison de l’absence de motivation de la condamnation.

4. Le 22 mai 2012, la requête a été déclarée partiellement irrecevable et les griefs tirés de l’absence de motivation de la condamnation, de la médiatisation du procès et de ses répercussions sur l’impartialité du jury, ainsi que de la jonction au dossier des déclarations d’un témoin à charge ont été communiqués au Gouvernement. Le Gouvernement italien n’a pas souhaité se prévaloir du droit d’intervenir dans la procédure au sens de l’article 36 § 1 de la Convention.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1956. Son avocat a fait savoir qu’il a été remis en liberté et qu’il vit en Italie.

6. Avec plusieurs complices, dont M. Taxquet (Taxquet c. Belgique [GC], no 926/05, CEDH 2010), le requérant fut accusé d’avoir commis l’assassinat d’un ministre d’Etat, AC, et de la tentative d’assassinat de la compagne de ce dernier, MHJ.

7. L’acte d’accusation du 12 août 2003 relatait notamment que durant le mois de juin 1996 une personne, qualifiée de témoin anonyme, avait transmis certains renseignements aux enquêteurs. Le procès-verbal du 3 septembre 1996 faisait état de la volonté de cet informateur de conserver l’anonymat par crainte pour sa sécurité « eu égard à l’importance de ses informations et au déchaînement médiatique qui a toujours entouré l’affaire AC ». Cette personne ne fut jamais entendue par le juge d’instruction. Elle avait donné aux enquêteurs des informations recueillies à l’occasion de confidences émanant d’une autre personne dont elle refusait de dévoiler l’identité. Au cours des débats devant la cour d’assises, les enquêteurs furent interrogés à l’initiative de plusieurs accusés quant à l’identité de cet informateur. Ils précisèrent que leur informateur n’était pas l’un des accusés et qu’il n’avait pas été lui-même témoin des faits reprochés. Selon les informations fournies, présentées sous forme de quinze points, l’assassinat d’AC aurait été organisé par six personnes, ainsi qu’un autre personnage politique important. Le nom du requérant ne fut pas mentionné. Sur base de l’information ainsi reçue, le juge d’instruction poursuivit l’instruction.

8. Le 11 janvier 2002, le procureur général près la cour d’appel de Liège demanda le renvoi de neuf personnes, dont le requérant, devant la cour d’assises. Par arrêt du 6 mai 2002, la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Liège fit droit à cette demande en ce qui concernait huit inculpés, dont le requérant, après avoir constaté que l’action publique était éteinte à l’encontre du neuvième inculpé, décédé entre-temps.

9. Selon les termes de l’acte d’accusation, il était reproché aux huit accusés d’avoir, à Liège, le 18 juillet 1991 :

« comme auteurs ou coauteurs,

soit exécuté ou coopéré directement à l’exécution des crimes,

soit, par un fait quelconque, prêté pour l’exécution une aide telle que, sans leur assistance, les crimes n’eussent pu être commis,

soit par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué aux crimes,

soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics ou des écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques qui ont été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, directement provoqué à commettre les crimes,

1. volontairement, avec intention de donner la mort, commis un homicide sur la personne de [AC], avec la circonstance que le meurtre a été commis avec préméditation, crime qualifié d’assassinat par la loi ;

2. tenté de, volontairement, avec l’intention de donner la mort et avec préméditation, commettre un homicide sur la personne de [MHJ], la résolution de commettre le crime ayant été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d’exécution de ce crime et qui n’ont été suspendus ou n’ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté des auteurs ; crime qualifié de tentative d’assassinat par la loi. »

10. Les autorités belges n’ayant vraisemblablement pas notifié les actes de la procédure au domicile italien du requérant, celui-ci ne se constitua pas dans la procédure et fut considéré comme défaillant.

11. Le jury fut appelé à répondre à trente-deux questions soumises par le président de la cour d’assises. Quatre d’entre elles concernaient le requérant. Ces questions étaient libellées comme suit (après chaque question, la réponse est également donnée) :

« Question no 1 – FAIT PRINCIPAL

CASTELLINO Domenico, accusé ici défaillant, est-il coupable,

Comme auteur ou coauteur de l’infraction,

– soit pour avoir exécuté l’infraction ou avoir coopéré directement à son exécution,

– soit pour avoir, par un fait quelconque, prêté pour son exécution une aide telle que sans son assistance l’infraction n’eût pu être commise,

– soit pour avoir par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué l’infraction,

– soit pour avoir soit par des discours tenus dans des réunions ou des lieux publics, soit par des écrits, des imprimés, des images ou des emblèmes quelconques affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public directement provoqué à commettre l’infraction,

D’avoir à Liège, le 18 juillet 1991, volontairement, avec l’intention de donner la mort, commis un homicide sur la personne de [AC] ?

REPONSE : oui

Question no 2 – CIRCONSTANCE AGGRAVANTE :

L’homicide volontaire avec l’intention de donner la mort repris à la question précédente a-t-il été commis avec préméditation ?

REPONSE : oui

Question no 3 – FAIT PRINCIPAL

CASTELLINO Domenico, accusé ici défaillant, est-il coupable,

Comme auteur ou coauteur de l’infraction,

(...)

D’avoir à Liège, le 18 juillet 1991, volontairement, avec l’intention de donner la mort, tenté de commettre un homicide sur la personne de [MHJ], la résolution de commettre le crime ayant été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d’exécution de ce crime et qui n’ont été suspendus ou n’ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur ?

REPONSE : oui

Question no 4 – CIRCONSTANCE AGGRAVANTE :

La tentative d’homicide volontaire avec l’intention de donner la mort reprise à la question précédente a-t-elle été commise avec préméditation ?

REPONSE : oui »

12. Le 7 janvier 2004, la cour d’assises de Liège condamna le requérant par défaut pour avoir, comme auteur ou coauteur, commis l’assassinat d’AC et tenté d’assassiner MHJ. La peine fut fixée à vingt ans d’emprisonnement.

13. Dans l’émission « Questions à la Une » de la Radiotélévision Belge Francophone, diffusée au début 2006, l’un des coaccusés du requérant, SN, déclara avoir été l’informateur anonyme. Il dit avoir agi comme « intermédiaire » pour le compte du requérant, dont il aurait relayé les accusations. Au cours de l’émission, l’identité du témoin anonyme fut confirmée par celui qui était ministre de la Justice à l’époque des faits. SN indiqua avoir perçu de l’Etat belge, à titre de « commission d’intermédiaire », la somme de 3 000 000 francs belges (74 368,06 euros). Le requérant aurait perçu 5 000 000 francs belges (123 946,76 euros).

14. Le 26 mars 2006, le requérant fut interpellé en Allemagne lors d’un contrôle de la police routière. Le 2 juin 2006, il fut extradé vers la Belgique et incarcéré à la prison de Lantin. Après avoir pris connaissance de sa condamnation par défaut, le requérant fit opposition, en alléguant ne pas avoir reçu signification de l’acte d’accusation à son domicile légal en Italie.

15. Le 30 novembre 2006, constatant que l’acte d’accusation ne semblait pas avoir été notifié au domicile légal du requérant en Italie, la cour d’assises de Liège accueillit le recours en opposition et déclara la condamnation prononcée non avenue, tant au pénal qu’au civil.

16. Le 29 décembre 2006, un nouvel acte d’accusation fut émis à l’égard du requérant. Aux termes de cet acte, le requérant était accusé d’avoir, à Liège, le 18 juillet 1991 :

« comme auteurs ou coauteurs,

soit exécuté ou coopéré directement à l’exécution des crimes,

soit, par un fait quelconque, prêté pour l’exécution une aide telle que, sans leur assistance, les crimes n’eussent pu être commis,

soit par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué aux crimes,

soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics ou des écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques qui ont été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, directement provoqué à commettre les crimes,

1. volontairement, avec intention de donner la mort, commis un homicide sur la personne de [AC], avec la circonstance que le meurtre a été commis avec préméditation, crime qualifié d’assassinat par la loi ;

2. tenté de, volontairement, avec l’intention de donner la mort et avec préméditation, commettre un homicide sur la personne de [MHJ], la résolution de commettre le crime ayant été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d’exécution de ce crime et qui n’ont été suspendus ou n’ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté des auteurs ; crime qualifié tentative d’assassinat par la loi. »

17. Le requérant fut renvoyé en jugement devant la cour d’assises de Liège. Celle-ci était composée de trois magistrats professionnels, dont deux avaient déjà siégé dans la procédure antérieure, et d’un jury populaire nouvellement formé.

18. Les débats commencèrent le 5 mars 2007. Le 12 mars 2007, le conseil d’une partie civile déposa copie d’un article de presse daté du 16 mars 2006 et la retranscription du contenu de l’émission télévisée diffusée également en mars 2006. Ces documents relataient en particulier les déclarations de SN, qui affirmait avoir été témoin anonyme pour le compte du requérant, et celles de l’ancien ministre de la Justice, confirmant que SN avait été le témoin anonyme. Il ressort du dossier que le procès‑verbal de l’audience mentionnait que le requérant et ses conseils furent entendus en leurs observations à ce sujet. La teneur de ces observations n’était toutefois pas précisée. Le président accepta de joindre au dossier les pièces litigieuses.

19. Les débats se terminèrent le 15 mars 2007. Le jury était appelé à répondre à quatre questions, qui ne sont pas versées au dossier. Leur texte était vraisemblablement identique à celui des questions posées dans la première procédure. Le jury répondit oui aux trois premières questions et non à la quatrième, disqualifiant ainsi la tentative d’assassinat de MHJ en tentative de meurtre.

20. Par un arrêt du 15 mars 2007, la cour d’assises de Liège condamna le requérant à vingt ans de réclusion. Lors de la fixation de la peine, la cour tint compte en particulier du rôle déterminant tenu par l’accusé dans le déroulement des faits tels qu’ils s’étaient produits. Le requérant fut également condamné à payer solidairement avec les autres condamnés les frais de la première procédure au motif que la cour tint le requérant pour responsable de sa défaillance au premier procès.

21. Le requérant se pourvut en cassation. Invoquant les articles 6 et 7 de la Convention, il alléguait ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable. Il se plaignait du manque de motivation de l’arrêt de la cour d’assises, et arguait qu’il était contradictoire de lui prêter un rôle déterminant après que le jury eût disqualifié la tentative d’assassinat de MHJ en une tentative de meurtre. Ensuite, le requérant se plaignait que l’arrêt attaqué n’énumérait pas non plus les raisons pour lesquelles il avait été, à tort, considéré comme responsable de sa défaillance et condamné à payer les frais de son opposition et de la procédure par défaut. Le requérant alléguait par ailleurs que le jury n’avait pas disposé du temps suffisant pour lire tout le volumineux dossier et qu’il n’avait pas disposé de toutes les pièces de la procédure par défaut. En outre, il se plaignait de la nouvelle composition du jury par rapport à celui du procès par défaut, alors que deux magistrats professionnels, dont le président, avaient déjà siégé dans la première procédure. Enfin, la cour d’assises n’avait pas ordonné l’écartement de deux pièces, soit un article de presse et la transcription d’une émission télévisée, jointes au dossier par le président en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

22. Le 27 juin 2007, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant. Elle estima notamment qu’il n’y avait aucune contradiction entre l’attribution au requérant d’un rôle déterminant et la disqualification de la tentative de crime susmentionnée. Elle rejeta également les griefs dirigés contre la condamnation du requérant aux frais, tant de son opposition que du premier procès. Dans la mesure où le requérant se plaignait que les jurés n’avaient pas disposé de toutes les pièces du dossier constitué dans la procédure par défaut, ce point était également irrecevable car non soulevé devant la juridiction de fond. S’agissant de la courte durée du procès et de l’impossibilité pour les jurés de lire l’ensemble des pièces du dossier, ceci n’entraînait pas l’illégalité de l’arrêt vu le principe de l’oralité des débats. Quant au grief tiré du fait que la cour d’assises avait statué avec un jury différent de celui du premier procès, la Cour de cassation considéra que, aux termes des dispositions applicables, la décision de recevoir l’opposition et de déclarer la condamnation non avenue entraînait, sous peine de nullité, l’obligation de procéder à la formation d’un nouveau jury. S’agissant enfin des deux pièces que la cour d’assises n’avait pas écartées du dossier, la Cour releva que le procès-verbal de l’audience du 12 mars 2007 « ne précisait pas la teneur des observations du conseil du requérant et que celui-ci n’avait pas conclu. Il n’apparaissait dès lors pas que le requérant se soit opposé à la jonction des pièces ou qu’il ait sollicité les auditions ou les devoirs complémentaires qu’appelait leur dépôt. Ne trouvant pas d’appui dans les pièces de la procédure, le moyen manquait en fait. »

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

23. Le droit et la pratique internes pertinents, y compris les développements récents, sont décrits dans Taxquet c. Belgique [GC], no 926/05, §§ 22-42, CEDH 2010.

24. Il convient de rappeler la loi du 1er avril 2007 (publiée au Moniteur belge le 9 mai 2007 et entrée en vigueur le 1er décembre 2007) permettant aux condamnés de solliciter la réouverture de leur procès à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme constatant une violation de la Convention. Les dispositions pertinentes ont été insérées dans le code d’instruction criminelle.

L’article 442bis du code d’instruction criminelle énonce :

« S’il a été établi par un arrêt définitif de la Cour européenne des droits de l’homme que la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou des protocoles additionnels, ci-après la « Convention européenne », ont été violés, il peut être demandé la réouverture, en ce qui concerne la seule action publique, de la procédure qui a conduit à la condamnation du requérant dans l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme ou à la condamnation d’une autre personne pour le même fait et fondée sur les mêmes moyens de preuve. »

L’article 442ter du même code dispose :

« Le droit de demander la réouverture de la procédure appartient :

1o au condamné ;

2o si le condamné est décédé, si son interdiction a été prononcée ou s’il se trouve en état d’absence déclarée, à son conjoint, à la personne avec qui il cohabite légalement, à ses descendants, à ses frères et sœurs ;

3o au procureur général près la Cour de cassation, d’office ou à la demande du Ministre de la Justice. »

L’article 442quinquies du même code dispose :

« Lorsqu’il ressort de l’examen de la demande soit que la décision attaquée est contraire sur le fond à la Convention européenne, soit que la violation constatée est la conséquence d’erreurs ou de défaillances de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée, la Cour de cassation ordonne la réouverture de la procédure pour autant que la partie condamnée ou les ayants droit prévus à l’article 442ter, 2o, continuent à souffrir des conséquences négatives très graves que seule une réouverture peut réparer. »

25. Il convient également d’indiquer qu’une loi du 21 décembre 2009 relative à la réforme de la cour d’assises, entrée en vigueur le 21 janvier 2010, prévoit désormais l’obligation pour cette juridiction de formuler les principales raisons de son verdict.

EN DROIT

I. SUR LA DEMANDE DE RADIATION DE LA REQUETE AU SENS DE L’ARTICLE 37 DE LA CONVENTION

26. Le 18 septembre 2012, le Gouvernement saisit la Cour d’une déclaration unilatérale sollicitant la radiation de l’affaire en contrepartie du versement d’une somme et de la reconnaissance de la violation du droit à un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 « en raison de l’absence de motivation de l’arrêt de la cour d’assises de Liège du 15 mars 2007 quant à l’implication personnelle du requérant dans le déroulement des faits par rapport aux autres coauteurs. »

Le requérant s’opposa à cette proposition.

27. Après avoir examiné les termes de la déclaration du Gouvernement et eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, la Cour n’estime pas opportun de rayer l’affaire du rôle sur la seule base de ladite déclaration. Elle n’exclut en particulier pas que le requérant ait besoin, afin de pouvoir demander, le cas échéant, la révision de l’arrêt litigieux de la Cour de cassation, d’un arrêt de la Cour constatant explicitement une violation de l’article 6 § 1 de la Convention et rappelle avoir décidé dans le même sens dans l’affaire Hakimi (Hakimi c. Belgique, no 665/08, §§ 26-30, 29 juin 2010 ; voir en outre Kessler c. Suisse, no 10577/04, § 24, 26 juillet 2007 ; Rozhin c. Russie, no 50098/07, 6 mars 2012 ; Vojtechova c. Slovaquie, no 59102/08, 25 septembre 2012 ; Taktashvili c. Georgie (déc.), no 46055/06, 16 octobre 2012).

28. Partant, la Cour poursuit l’examen de la requête.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION EN RAISON DE L’ABSENCE DE MOTIVATION DU VERDICT

29. Le requérant dénonce le caractère inéquitable de la procédure en raison du fait que l’arrêt de condamnation de la cour d’assises était fondé sur un verdict de culpabilité non motivé. Il allègue la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

A. Sur la recevabilité

30. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

31. Le requérant soutient que l’absence de motivation du verdict l’a en l’occurrence privé d’un procès équitable et qu’il n’a pas été en mesure de comprendre les raisons de sa condamnation et de la fixation de sa peine. Ni l’acte d’accusation ni les questions posées au jury ne comportaient d’informations suffisantes quant à son implication dans la commission des infractions qui lui étaient reprochées. Il souligne qu’à l’issue du deuxième procès, malgré le fait que le jury eût écarté la circonstance aggravante de la préméditation prévue à la question no 4 qui avait été retenue précédemment, il a écopé d’une peine de vingt ans d’emprisonnement, soit la même qu’a l’issue du procès par défaut. En outre, il ne comprend pas la raison pour laquelle il a été condamné à payer les frais et dépens de la procédure par défaut et de son opposition.

32. Le Gouvernement renvoie à sa déclaration unilatérale reconnaissant la violation de la violation du droit à un procès équitable au sens de l’article 6 § 1, en raison de l’absence de motivation de l’arrêt de la cour d’assises de Liège du 15 mars 2007 quant à l’implication personnelle du requérant dans le déroulement des faits par rapport aux autres coauteurs.

2. Appréciation de la Cour

33. La Cour relève d’emblée que la présente affaire s’inscrit dans la lignée de l’arrêt Taxquet (Taxquet c. Belgique [GC], no926/05, CEDH 2010) et renvoie à cet arrêt (§§ 83-92) pour les principes applicables.

34. Il convient de rappeler (voir Agnelet c. France, no 61198/08, §§ 59‑62, 10 janvier 2013) que, eu égard au fait que le respect des exigences du procès équitable s’apprécie sur la base de la procédure dans son ensemble et dans le contexte spécifique du système juridique concerné, la tâche de la Cour, face à un verdict non motivé, consiste à examiner si, à la lumière de toutes les circonstances de la cause, la procédure suivie a offert suffisamment de garanties contre l’arbitraire et a permis à l’accusé de comprendre sa condamnation. Dans l’arrêt Taxquet (précité), la Cour a examiné l’apport combiné de l’acte d’accusation et des questions posées au jury. S’agissant de l’acte d’accusation, qui était lu au début du procès, elle a relevé que s’il indiquait la nature du délit et les circonstances qui déterminent la peine, ainsi que l’énumération chronologique des investigations et les déclarations des personnes entendues, il ne démontrait pas « les éléments à charge qui, pour l’accusation, pouvaient être retenus contre l’intéressé ». Surtout, elle en a relevé la « portée limitée » en pratique, dès lors qu’il intervenait « avant les débats qui doivent servir de base à l’intime conviction du jury » (§ 95). Quant aux questions posées au jury dans le premier procès, au nombre de trente-deux pour huit accusés, dont quatre seulement pour le requérant Taxquet, elles étaient rédigées de façon identique et laconique, sans référence « à aucune circonstance concrète et particulière qui aurait pu permettre au requérant de comprendre le verdict de condamnation ». Il ressort de l’arrêt Taxquet que l’examen conjugué de l’acte d’accusation et des questions posées au jury devait permettre de savoir quels éléments de preuve et circonstances de fait, parmi tous ceux ayant été discutés durant le procès, avaient en définitive conduit les jurés à répondre par l’affirmative aux quatre question concernant le requérant Taxquet, et ce afin de pouvoir notamment : différencier les coaccusés entre eux ; comprendre le choix d’une qualification plutôt qu’une autre ; connaître les motifs pour lesquels des coaccusés étaient moins responsables aux yeux du jury et donc moins sévèrement punis ; justifier le recours aux circonstances aggravantes. Cette déficience était d’autant plus problématique que l’affaire était complexe, tant sur le plan juridique que sur le plan factuel (§ 97). Autrement dit, il fallait des questions à la fois précises et individualisées (§ 98).

35. Dans la présente affaire, le requérant a été jugé une première fois, par défaut, dans la même procédure que M. Taxquet et six autres coaccusés, de l’assassinat d’un ministre d’Etat et d’une tentative d’assassinat sur la compagne de celui-ci. Il a été reconnu coupable de toutes ces infractions et condamné à vingt ans d’emprisonnement. A la suite de son opposition, le requérant a été jugé une deuxième fois des mêmes infractions. Il a été condamné pour assassinat et pour tentative de meurtre et à une peine d’emprisonnement de vingt ans.

36. La Cour observe d’emblée que cette deuxième procédure ne relevait pas des nouvelles dispositions entrées en vigueur le 21 janvier 2010, relatives à la réforme de la cour d’assises, qui prévoient désormais l’obligation pour cette juridiction de formuler les principales raisons de son verdict.

37. Elle note ensuite que dans la deuxième procédure l’acte d’accusation concernant le requérant était identique à celui de la première procédure. S’il désignait chacun des crimes dont le requérant était accusé, il ne démontrait toutefois pas quels étaient les éléments à charge qui, pour l’accusation, pouvaient être retenus contre l’intéressé.

38. Quant aux questions soumises au jury, que les parties n’ont pas déposées, la Cour donne pour acquis que celles-ci étaient les mêmes que celles formulées dans la première procédure, en l’absence d’indications contraires des parties. Dans ces circonstances, la Cour ne voit pas de raisons de s’écarter du raisonnement qu’elle a développé dans l’affaire Taxquet, à savoir qu’elles étaient laconiques et identiques pour tous les accusés, qu’elles ne se référaient à aucune circonstance concrète et particulière qui aurait pu permettre au requérant de comprendre le verdict de condamnation. Il en résulte que, même combinées avec l’acte d’accusation, et nonobstant le fait que la seconde procédure ne concernait que le seul requérant, les questions posées en l’espèce ne permettaient pas au requérant de savoir quels éléments de preuve et circonstances de fait, parmi tous ceux ayant été discutés durant le second procès, avaient en définitive conduit les jurés à répondre par l’affirmative aux trois des quatre questions le concernant. Ceci est d’autant plus problématique que l’affaire était complexe.

39. Enfin, il y a lieu de noter l’absence de toute possibilité d’appel contre les arrêts de la cour d’assises dans le système belge.

40. En conclusion, la Cour estime qu’en l’espèce le requérant n’a pas disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict de condamnation qui a été prononcé à son encontre.

41. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 3 d) DE LA CONVENTION

42. Le requérant se plaint de l’impossibilité de contredire les déclarations à charge contenues dans un article de presse et dans la transcription d’une émission télévisée et d’obtenir la convocation des auteurs de celles-ci. Il dénonce une violation du principe de la présomption d’innocence, tel que garanti par l’article 6 § 2, et du droit d’interroger ou de faire interroger des témoins à charge, tel que garanti par l’article 6 § 3 d) de la Convention. La Cour estime que ce grief relève uniquement de l’article 6 § 3 d) de la Convention, qui dispose :

« Tout accusé a droit notamment à :

Interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. »

43. La Cour constate que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.

44. Elle note ensuite que ce grief est étroitement lié aux faits qui l’ont amenée à conclure à une violation de l’article 6 § 1. En effet, en l’absence de motivation du verdict, il s’avère impossible de savoir si la condamnation du requérant s’est fondée ou non sur les informations contenues dans les pièces et les déclarations du témoin en question. Dans ces conditions, la Cour juge qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur le grief tiré de la violation de l’article 6 § 3 d) de la Convention (Taxquet, précité, § 102).

IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

45. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention, le requérant se plaint qu’il n’a pas été jugé par un tribunal indépendant et impartial, en raison de la composition de la cour d’assises et de la médiatisation du procès.

46. S’agissant de la composition de la cour d’assises, le requérant se plaint que le jury du deuxième procès était composé de nouveaux jurés alors que deux des trois juges professionnels avaient déjà pris part à la première procédure. Selon lui, cette situation a créé un déséquilibre préjudiciable au motif que le jury n’était pas au courant de tous les éléments du dossier.

47. La Cour rappelle qu’en Belgique la cour d’assises comprend un président et deux assesseurs et qu’au pénal elle siège avec l’assistance du jury. Le jury s’exprimant sur la culpabilité de l’accusé, la peine est fixée à l’issue d’une délibération du collège constitué par la cour et le jury (voir l’arrêt de la chambre du 13 janvier 2009 rendu dans l’affaire Taxquet c. Belgique, §§ 71-74 et Zarouali c. Belgique, no 20664/92, décision de la Commission du 29 juin 1994, DR 78, p. 97). Dans les deux affaires précitées, les organes de la Convention sont parvenus à la conclusion que la cour d’assises était indépendante au vu du mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, de l’existence d’une protection contre les pressions extérieures et du fait qu’il y avait apparence d’indépendance et impartialité. En effet, les trois magistrats que comprennent les cours d’assises belges jouissent, en vertu de la Constitution et des lois, de larges garanties destinées à les prémunir contre les pressions extérieures. Dans cette même optique, des règles strictes s’appliquent à la désignation des jurés. La constitution du jury se fait par tirage au sort et, avant que le procès ne débute, chacune des parties a l’occasion de récuser un nombre égal de jurés. En outre, les jurés s’engagent par serment à s’acquitter de leurs tâches au mieux de leurs capacités et en toute impartialité. Enfin, l’accusé a la possibilité d’introduire une requête en dessaisissement du chef de suspicion légitime. Dès lors l’on ne saurait pas soutenir qu’il n’y avait pas apparence d’indépendance et impartialité.

La Cour relève ensuite qu’exception faite de la constatation que les jurés ne sont pas des magistrats de carrière, le requérant n’apporte aucun autre élément concret et précis justifiant ses raisons légitimes de redouter chez les jurés un manque d’indépendance et d’impartialité. La Cour considère que le simple fait que les membres du jury ont participé à la procédure avec deux magistrats professionnels ayant participé au premier procès – situation non critiquée en tant que telle par le requérant – n’enlève rien à leur capacité à se former une opinion indépendante, d’autant plus que les jurés délibèrent sur la réponse à donner aux questions qui leur sont posées sans la présence des magistrats professionnels.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

48. S’agissant du grief tiré de la médiatisation du procès, la Cour relève qu’aucun élément du dossier ne vient étayer la thèse du requérant. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en vertu de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention (voir l’arrêt de la chambre du 13 janvier 2009 rendu dans l’affaire Taxquet c. Belgique, §§ 75-78).

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

49. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

50. Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

51. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour.

52. La Cour estime que le requérant a dû éprouver un préjudice moral certain, auquel le constat de violation figurant dans le présent arrêt (paragraphe 41 ci-dessus) ne suffit pas à remédier. Elle rappelle cependant que le code d’instruction criminelle permet à un requérant de solliciter la réouverture de son procès à la suite d’un arrêt de la Cour constatant une violation de la Convention (paragraphe 24 ci-dessus). Elle considère donc que l’intéressé dispose effectivement de la possibilité de demander à ce que sa cause soit réexaminée (Taxquet, précité, § 107 et, mutatis mutandis, Öcalan c. Turquie [GC], no 46221/99, CEDH 2005‑IV). Eu égard à cette possibilité et statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant un montant de 2 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

53. Le requérant demande également 4 312,50 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

54. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour.

55. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 4 312,50 EUR et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

56. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare recevables les griefs tirés de l’absence de motivation du verdict et de l’impossibilité de contredire les déclarations à charge ; irrecevable la requête pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de l’absence de motivation du verdict ;

3. Dit qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les griefs tirés de l’article 6 § 3 d) de la Convention ;

4. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i) 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii) 4 312,50 EUR (quatre mille trois cent douze euros et cinquante centimes), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 juillet 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Claudia WesterdiekMark Villiger
GreffièrePrésident


Synthèse
Formation : Cour (cinquiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-122699
Date de la décision : 25/07/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale;Article 6-1 - Procès équitable)

Parties
Demandeurs : CASTELLINO
Défendeurs : BELGIQUE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : WILMOTTE A.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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