Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS, dont le siège est situé 88, rue des Hauts Pavés à Nantes (44000), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision n° 122 du 23 février 2010 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a, d'une part, annulé la décision du conseil régional de l'ordre des médecins des Pays de la Loire du 17 décembre 2009, rejetant pour tardiveté le recours formé par le docteur A, ainsi que la décision du conseil départemental de l'ordre des médecins de Loire-Atlantique du 4 décembre 2008 en tant qu'elle autorise la création d'un site d'exercice supplémentaire de la société d'exercice libéral (S.E.L.) des docteurs Mehel et associés à Pornic, en complément du site d'exercice existant à Nantes, d'autre part, ordonné à cette S.E.L. de mettre fin à son exercice à Pornic au plus tard le 15 mai 2010 ;
2°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que l'urgence est caractérisée, dès lors que la décision contestée prive la société requérante d'une partie substantielle de ses revenus professionnels, alors même que, dans la perspective de création d'un site d'exercice supplémentaire, celle-ci a effectué de nombreux investissements auxquels elle doit désormais faire face ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'en toute hypothèse le recours formé le 28 octobre 2009 par le docteur A devant le conseil régional des Pays de la Loire contre la décision du conseil départemental de Loire-Atlantique du 4 décembre 2008, était irrecevable car enregistré au-delà du délai de deux mois ; qu'à supposer le recours recevable, le conseil national ne pouvait en tout état de cause pas retirer la décision initiale du conseil départemental, celle-ci constituant une décision créatrice de droit ; que le conseil national de l'ordre des médecins a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation des faits, dès lors que, au regard de la faible densité de cabinets d'ophtalmologistes à Pornic, la création d'un site d'exercice supplémentaire participe de l'intérêt des malades ; qu'en outre, la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait, en ce qu'elle estime qu'il ne sera utilisé sur le site de Pornic aucun équipement particulier qui ne soit déjà implanté sur le site de Nantes ;
Vu la décision contestée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée pour la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2010, présenté pour le conseil national de l'ordre des médecins, qui conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir, s'agissant de la portée de sa décision, que celle-ci ne porte que sur la question de la création d'un site d'exercice supplémentaire à Pornic ; que l'urgence n'est pas caractérisée dans la mesure où le conseil départemental de Loire-Atlantique, par une décision du 1er avril 2010, a de nouveau autorisé l'ouverture d'un site d'exercice supplémentaire à Pornic ; qu'il n'existe aucun moyen susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que le conseil national de l'ordre des médecins était fondé à retirer la décision du conseil départemental de Loire-Atlantique du 4 décembre 2008 au-delà du délai de quatre mois, cette dernière ne constituant pas une décision créatrice de droit ; que la publication de cette décision au tableau de l'ordre ne saurait constituer une publicité propre à faire courir le délai de recours à l'encontre des tiers ; que c'est à bon droit que le conseil national de l'ordre des médecins a écarté la forclusion ; que 66 ophtalmologistes exercent sur un périmètre de 40 kilomètres autour de Pornic ; que les pièces produites par la société requérantes ne sont pas de nature à établir l'utilisation d'équipements particuliers qui ne soient déjà implantés sur le site de Nantes ni l'utilisation de techniques spécifiques qui ne soient déjà mises en oeuvre à Nantes ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2010, présenté pour le docteur Xavier A, qui conclut au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que la décision dont il est demandé la suspension a été entièrement exécutée, la S.E.L. ayant cessé son exercice à Pornic, et que, par suite, la requête à fin de suspension est devenue sans objet ; qu'il n'est pas satisfait à la condition d'urgence, dès lors que l'étendue du préjudice financier qui résulterait de la fermeture du site à Pornic doit être considérablement relativisée ; qu'il n'existe aucun moyen susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, la décision du 4 décembre 2008 n'était pas créatrice de droit et qu'ainsi son retrait n'était pas enfermé dans un délai de quatre mois ; que la communication de l'extrait de la délibération de la réunion plénière du conseil départemental du 4 décembre 2008 ne permettait pas de considérer que le docteur A avait eu une connaissance suffisante de la décision litigieuse et de lui opposer une quelconque forclusion pour exercer son recours ; qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que la société requérante remplisse les conditions fixées par l'article R. 4113-23 du code de la santé publique, dès lors que, d'une part, l'intérêt des malades ne justifie pas l'ouverture d'un site d'exercice supplémentaire à Pornic et que, d'autre part, il ne sera utilisé, sur le site de Pornic, aucun équipement particulier ni aucune technique spécifique ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 mai 2010, présenté pour la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS, qui reprend les conclusions et moyens de sa requête et produit de nouvelles pièces ; elle soutient en outre que, si au cours de sa réunion plénière du 6 mai 2010, le conseil départemental de l'ordre des médecins de Loire-Atlantique a autorisé l'ouverture du lieu d'exercice situé à Pornic, et enregistré la modification de la société d'exercice libéral des Docteurs Mehel et associés, cette décision ne saurait priver d'objet le présent recours ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2010, présenté pour le conseil national de l'ordre des médecins, qui reprend les conclusions et moyens de sa requête ; il soutient en outre que la requête est irrecevable, dès lors que, compte tenu de la nouvelle autorisation d'exercice à Pornic délivrée le 1er avril 2010 par le conseil départemental de Loire-Atlantique à la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS, la demande de suspension était dépourvue d'objet avant même l'introduction de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS et, d'autre part, le conseil national de l'ordre des médecins et le docteur A ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 2 juin 2010 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Richard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS ;
- Me Barthélemy, avocat du conseil national de l'ordre des médecins ;
- Me Boulloche, avocat du docteur A ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu :
Considérant que, si le docteur A soutient que la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS a, en vue de se conformer à la décision attaquée du conseil national de l'ordre des médecins, cessé tout exercice à Pornic, cette circonstance, à la supposer établie, ne saurait en tout état de cause conduire à regarder la décision litigieuse comme ayant été entièrement exécutée ; qu'ainsi, elle n'est pas de nature à rendre sans objet les conclusions à fin de suspension présentées par la requérante ; que, par suite, les conclusions à fin de non-lieu présentées par le docteur A ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin de suspension présentées par la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS :
Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
Considérant que, pour justifier l'urgence, la société requérante fait valoir que la décision contestée la prive d'une partie substantielle de ses revenus professionnels, alors même que, dans la perspective de création d'un site d'exercice supplémentaire à Pornic, elle a effectué de nombreux investissements et contracté des emprunts qu'elle est désormais tenu de rembourser ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, par une décision du 1er avril 2010, le conseil départemental de l'ordre des médecins de Loire-Atlantique a de nouveau autorisé la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS à ouvrir un site d'exercice supplémentaire à Pornic ; que, dès lors, la société requérante, qui dispose ainsi, à la date à laquelle le juge des référés statue, de la possibilité d'exercer son activité sur le site de Pornic, ne justifie pas d'une atteinte grave et immédiate à sa situation ; que, dans ces conditions, en l'état de l'instruction, la condition d'urgence ne saurait être regardée comme remplie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le conseil national de l'ordre des médecins, que la requête de la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du conseil national de l'ordre des médecins qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins et par le docteur A au titre des mêmes dispositions, et de mettre à la charge de la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le conseil national de l'ordre des médecins et non compris dans les dépens, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le docteur A et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS est rejetée.
Article 2 : La SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS versera, d'une part, la somme de 2 000 euros au conseil national de l'ordre des médecins et, d'autre part, la somme de 2 000 euros au docteur A, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL DES DOCTEURS MEHEL ET ASSOCIÉS, au docteur A, et au conseil national de l'ordre des médecins.
Copie en sera adressée, pour information, au conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des médecins.