Vu la procédure suivante :
Mme C... A..., agissant en son nom propre et au nom de son fils mineur, D... A... B..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de leur indiquer un lieu susceptible de les accueillir dans un délai de vingt-quatre heures et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de leur indiquer un lieu susceptible de les accueillir dans le même délai et sous la même astreinte. Par une ordonnance n° 2413425 du 6 septembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 24 septembre et le 9 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler l'ordonnance du 6 septembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes ;
3°) d'enjoindre à l'OFII de lui indiquer un lieu susceptible de l'héberger avec son fils de manière durable, de jour comme de nuit, et adapté à sa situation de mère accompagnée d'un enfant mineur, dans un délai de 24 heures à compter de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui indiquer un lieu susceptible de les héberger de manière durable et adaptée dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros dans le cas où la requérante serait admise au titre de l'aide juridictionnelle totale au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, de mettre à la charge de l'Etat la même somme à verser à la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, elle est sans hébergement ni ressources ou accompagnement social, en deuxième lieu, elle se trouve dans une situation d'extrême vulnérabilité eu égard à sa qualité de femme isolée et mère d'un enfant de moins de deux ans inscrit dans le " réseau de suivi des enfants vulnérables " et, en dernier lieu, il ne saurait lui être opposé le départ de son précédent lieu d'hébergement dès lors que, d'une part, c'est en méconnaissance des dispositions de l'article R. 551-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les services du centre d'accueil des demandeurs d'asile lui ont signifié la fin de sa prise en charge et, d'autre part, elle aurait dû, en tout état de cause, quitter ce logement en raison du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 17 mai 2024 ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile et à son droit à l'hébergement d'urgence ;
- elle ne bénéficie pas d'un hébergement et de conditions matérielles d'accueil décentes malgré sa situation de demandeur d'asile, en méconnaissance des dispositions de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2023 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- une carence de l'Etat dans sa mission d'hébergement d'urgence résultant notamment des articles L. 345-2, L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles est en l'espèce caractérisée dès lors que l'administration n'a pas accompli les démarches aptes à lui permettre de disposer d'une solution d'hébergement d'urgence pérenne et adaptée, alors qu'il en résulte une situation l'exposant ainsi à des conséquences et risques graves, eu égard à l'état de santé de son fils né en janvier 2023 et à sa particulière vulnérabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 4, 9 et 10 octobre 2024, la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés, et qu'une proposition appropriée d'hébergement d'urgence lui a été adressée le 5 octobre 2024.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A... et, d'autre part, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 7 octobre 2024, à 11 heures :
- Me Melka, avocate au Conseil d'Etat, avocate de Mme A... ;
- Me Poupet, avocate au Conseil d'Etat, avocate de l'OFII ;
- la représentante de la DIHAL ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 10 octobre 2024 à 10 heures puis à 12 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Mme C... A..., ressortissante guinéenne née le 21 mai 2000, est entrée en France le 27 décembre 2022. Le 9 janvier 2023, elle a accouché à Saint-Etienne d'un enfant prénommé D..., né de père inconnu. En mars 2023 elle a formé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 septembre 2023, ce rejet ayant été confirmé sur recours de l'intéressée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 17 mai 2024, notifiée à Mme A... le 9 juillet 2024. Une demande de réexamen de sa situation au regard du bénéfice du droit au séjour, formée le 22 juillet 2024, a été rejetée par l'OFPRA par une décision du 2 août 2024, notifiée à Mme A... le 12 août 2024.
3. Alors que sa demande d'asile était en cours d'instruction, Mme A... a obtenu une place d'hébergement au sein d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile de Saint-Etienne, où elle avait été admise le 14 juin 2023. Mme A... ayant quitté ce centre d'accueil, sans motif légitime et sans en prévenir le gestionnaire, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a adressé un courrier le 3 avril 2024 en lui notifiant la perte de cet hébergement et la cessation du bénéfice des conditions matérielles d'accueil, y compris le versement de l'allocation pour demandeur d'asile. Mme A... ayant formé un recours contentieux contre cette décision de l'OFII, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 19 août 2024, a fait droit à la demande de l'intéressée et a enjoint à l'OFII de rétablir les conditions matérielles d'accueil au bénéfice de celle-ci. En exécution de ce jugement, l'OFII a versé à Mme A... le 11 septembre 2024 la somme de 721, 60 euros en règlement de l'allocation pour demandeur d'asile à laquelle pouvait prétendre Mme A... jusqu'au rejet définitif de sa demande d'asile.
4. Par une demande enregistrée le 2 septembre 2024, Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, en application des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant, à titre principal, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à l'OFII de lui désigner dans les vingt-quatre heures un lieu apte à l'accueillir, ainsi que son enfant, ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Loire-Atlantique de lui désigner un tel lieu dans le même délai. Par une ordonnance du 6 septembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la demande de Mme A... au motif que la condition d'urgence, au sens et pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, n'était pas satisfaite. Mme A... relève appel de cette ordonnance.
5. A l'appui de son appel, Mme A... soutient d'une part que l'OFII serait tenu de pourvoir à son hébergement et à celui de son enfant, sauf à porter une atteinte grave et manifestement illégale aux droits qu'elle tient de sa qualité de demandeur d'asile. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3. de la présente ordonnance, Mme A... a quitté de son plein gré et sans motif légitime le centre d'accueil pour demandeurs d'asile de Saint-Etienne où elle avait été logée et a perçu l'allocation qui lui était due jusqu'au rejet définitif de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'OFII aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale aux droits ainsi invoqués par Mme A... doit être écarté.
6. Mme A... soutient d'autre part que, faute pour le préfet de la Loire-Atlantique de lui avoir proposé un hébergement d'urgence, il aurait été porté une atteinte grave et manifestement illégale aux droits qu'elle tient de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles aux termes duquel : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence (...) ". Il ressort de l'instruction qu'à la suite de l'audience tenue par le juge des référés du Conseil d'Etat le 7 octobre 2024, les services de la préfecture de la Loire-Atlantique ont adressé dès le lendemain à Mme A... une proposition d'hébergement dans un hôtel de Nantes, valable pour elle-même et son enfant. Le 9 octobre, l'intéressée a pris connaissance de cette proposition qui était susceptible de produire son plein effet immédiatement. Quelle que soit la suite réservée par Mme A... à cette proposition, celle-ci ne permet pas de regarder comme remplie la condition d'urgence particulière, exigée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, pour qu'en l'espèce le juge des référés prescrive en application de cet article les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Dès lors et sans qu'il y ait lieu de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement.
Fait à Paris, le 14 octobre 2024
Signé : Terry Olson