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28/02/2020 | FRANCE | N°430527

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28 février 2020, 430527


Vu la procédure suivante :

La société Huet Location a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Philharmonie de Paris à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre des prestations qu'elle a effectuées dans le cadre du marché de travaux signé le 25 janvier 2011 pour la construction, la maintenance et l'entretien d'un équipement musical, dans le parc de la Villette à Paris. Par un jugement n° 1607262 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompé

tente pour en connaître.

Par un arrêt n° 17PA02397 du 5 mars 2019, la ...

Vu la procédure suivante :

La société Huet Location a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Philharmonie de Paris à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre des prestations qu'elle a effectuées dans le cadre du marché de travaux signé le 25 janvier 2011 pour la construction, la maintenance et l'entretien d'un équipement musical, dans le parc de la Villette à Paris. Par un jugement n° 1607262 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Par un arrêt n° 17PA02397 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Huet Location contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 6 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Huet Location demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la Philharmonie de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la société Huet Location et au cabinet Briard, avocat de l'établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Philharmonie de Paris, association régie par la loi du 1er juillet 1901, a été créée le 15 février 2011 entre l'Etat, la ville de Paris et des personnes physiques pour assurer la maîtrise d'ouvrage de la construction de la Philharmonie sur le site du parc de la Villette à Paris, et assurer l'exploitation de l'ouvrage. Elle a signé, avec un groupement d'entreprises constitué par les sociétés Bouygues Bâtiments Ile-de-France, Belgo-Metal et Kyotec Group, un marché de travaux pour la construction, la maintenance et l'entretien du bâtiment. Par un acte spécial de sous-traitance en date du 19 février 2015, l'association Philharmonie de Paris a accepté l'intervention de la société Huet Location en tant que sous-traitante de la société Belgo-Metal pour la " pose de tôles pare fumée + cheminements pompier + garde-corps ". Par le même acte, la société Belgo-Metal a délégué au maître d'ouvrage, l'association Philharmonie de Paris, le paiement à la société Huet Location des sommes dues au titre de l'acte de sous-traitance. La société Huet Location, estimant que seuls 20 000 euros lui avaient été payés sur les 150 000 euros prévus à l'acte de sous-traitance du 19 février 2015, a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Philharmonie de Paris à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal. Par un jugement du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par l'arrêt attaqué du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Huet Location contre ce jugement.

2. Pour estimer que la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître de ce litige, concernant une demande de paiement direct adressée par un sous-traitant à un maître d'ouvrage privé, la cour administrative d'appel de Paris a relevé, d'une part, que l'association Philharmonie de Paris n'agissait pas comme mandataire de l'Etat ou de la ville de Paris en vue de la passation des contrats nécessaires à l'exécution de ses missions et, d'autre part, que l'association, quoi que créée à l'initiative de l'Etat et de la ville de Paris, ne pouvait être regardée comme transparente, faute pour l'Etat ou pour la ville de Paris de détenir seul la majorité des voix à son conseil d'administration ou à son assemblée générale et de fournir une part majoritaire de ses ressources. Elle en a déduit que le marché signé entre l'association Philharmonie de Paris et le groupement d'entreprise était un contrat de droit privé et que les litiges nés de l'exécution de ce marché relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

3. La société Huet Location soutient que la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit en écartant le caractère transparent de l'association Philharmonie de Paris au motif que ni l'Etat ni la ville de Paris ne détenait seul la majorité des voix au conseil d'administration ou à son assemblée générale ou ne lui fournissait une part majoritaire de ses ressources, alors que le contrôle conjoint des deux collectivités publiques sur l'organisation et le fonctionnement de l'association et leur financement conjoint étaient de nature à caractériser le caractère transparent de l'association. L'établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris, venu aux droits et obligations de l'association Philharmonie de Paris, soutient à l'inverse que ne doit être qualifiée de transparente qu'une association qui est contrôlée par une seule personne publique et que l'application de la théorie de la transparence est exclue lorsque le contrôle est exercé par plusieurs personnes publiques prises indifféremment.

4. Aux termes de l'article 35 du décret du 27 février 2015 : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence ".

5. Le litige né de l'action de la société Huet Location tendant à ce que l'association Philharmonie de Paris soit condamnée à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre des prestations qu'elle a effectuées dans le cadre du marché de travaux signé le 25 janvier 2011 pour la construction, la maintenance et l'entretien d'un équipement musical, dans le parc de la Villette à Paris présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 27 février 2015. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduite par la société Huet Location relève ou non de la compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de la société Huet Location jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige né de l'action de la société Huet Location tendant à ce que l'association Philharmonie de Paris soit condamnée à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre des prestations qu'elle a effectuées dans le cadre du marché de travaux pour la construction, la maintenance et l'entretien d'un équipement musical, dans le parc de la Villette à Paris relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Huet Location et à l'établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 430527
Date de la décision : 28/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 fév. 2020, n° 430527
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT ; CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:430527.20200228
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