Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 25 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Ribière, dont le siège est 105 avenue du Port à Salaise-sur-Sanne (38150), représentée par son président directeur général en exercice ; la société Ribière demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1406093 du 23 octobre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée la suspension du marché signé le 7 juillet 2014 par l'office public de l'habitat (OPH) Drôme Aménagement Habitat avec la société Eiffage construction, pour le lot n° 2 " installation de chantier - gros oeuvre " du pôle Ecotox d'Alixan, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;
2°) de mettre à la charge de l'OPH Drôme Aménagement Habitat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 janvier 2015, présentée pour la société Ribière ;
Vu l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;
Vu le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la société Ribière, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Eiffage Construction Rhône-Alpes, et à la SCP Gaschignard, avocat de l'office public de l'habitat (OPH) Drôme Aménagement Habitat ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble que, le 5 février 2014, l'office public de l'habitat (OPH) Drôme Aménagement Habitat a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la construction d'un pôle de recherche, de formation et d'expertise en toxicologie environnementale et écotoxicité, dénommé " Ecotox ", sur le territoire de la commune d'Alixan (Drôme) ; que, par ordonnance du 10 juin 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative par la société Ribière, dont l'offre relative au lot n° 2 avait été rejetée, a annulé la procédure de passation du marché à compter de l'examen des offres et ordonné la reprise de la procédure à ce stade ; qu'après reprise de la procédure au stade de l'analyse des offres, l'offre de la société Ribière a été de nouveau rejetée et le lot n° 2 attribué à la société Eiffage Construction Rhône-Alpes ; que le marché correspondant a été signé le 7 juillet 2014 ; que, par l'ordonnance attaquée, du 23 octobre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté, pour défaut d'urgence, la demande de la société Ribière tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de ce marché ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant que le principe d'impartialité ne fait pas obstacle à ce qu'un magistrat ayant prononcé, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, l'annulation de la procédure de passation d'un marché public statue sur une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code et tendant à la suspension de l'exécution du marché attribué après reprise de la procédure de passation conformément à la première décision juridictionnelle ; qu'ainsi, en statuant sur la demande de suspension relative au marché attribué après reprise de la procédure au stade de l'analyse des offres, conformément à ce qu'exigeait l'ordonnance du 10 juin 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble n'a pas entaché son ordonnance d'irrégularité ;
3. Considérant que si l'ordonnance attaquée rappelle le sens des conclusions que la société Ribière avait présentées devant le juge des référés précontractuels, ce motif de l'ordonnance est surabondant ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le juge des référés se serait mépris sur la portée de ces précédentes conclusions est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de l'ordonnance attaquée ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Ribière, elle n'a pas fait valoir devant le juge des référés, au soutien de ses allégations suivant lesquelles la condition d'urgence était remplie, que l'OPH Drôme Aménagement Habitat n'avait pas procédé à une nouvelle analyse des offres après l'intervention de l'ordonnance du 10 juin 2014 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée serait entachée d'une insuffisance de motivation ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, l'ordonnance du 10 juin 2014 n'a annulé la procédure de passation du marché qu'à partir du stade de l'analyse des offres ; que la circonstance que l'ordonnance attaquée distinguerait à tort, dans ses motifs, une " procédure d'attribution " d'une " procédure de passation " est sans incidence sur la portée de cette ordonnance ; qu'ainsi, en jugeant qu'en reprenant la procédure au stade de l'analyse des offres, l'OPH Drôme Aménagement Habitat n'avait pas méconnu le caractère exécutoire de l'ordonnance du 10 juin 2014, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ;
6. Considérant que, devant le tribunal administratif, la société Ribière soutenait que le marché litigieux représentait jusqu'à 36,7 % de son chiffre d'affaires et que l'intérêt pour elle de conclure un tel marché constituait en soi une situation d'urgence ; que, toutefois, en jugeant que la perte de chance d'obtenir ce marché, dont cette société n'était pas l'ancien titulaire, n'était pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à établir l'urgence, le juge des référés s'est livré à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Ribière n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
8. Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ribière la somme de 3 000 euros à verser, d'une part, à la société Eiffage Construction Rhône-Alpes et, d'autre part, à l'OPH Drôme Aménagement Habitat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la société Ribière soit mise à la charge de l'OPH Drôme Aménagement Habitat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Ribière est rejeté.
Article 2 : La société Ribière versera la somme de 3 000 euros, d'une part, à la société Eiffage Construction Rhône-Alpes et d'autre part, à l'OPH Drôme Aménagement Habitat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ribière, à la société Eiffage Construction Rhône-Alpes et à l'office public de l'habitat Drôme Aménagement Habitat.