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12/06/2019 | FRANCE | N°17-13636

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2019, 17-13636


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la demande de mise hors de cause :

Dit n'y avoir lieu de mettre la société Union des coopérateurs d'Alsace, représentée par Mme W..., en sa qualité de liquidateur judiciaire, hors de cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T..., engagé le 2 juillet 1990 par la société Union des coopérateurs d'Alsace, a été nommé cadre le 1er avril 2006 et affecté, à compter du 1er février 2008, directeur de magasin, au magasin Leclerc de Strasbourg-Neuhof ; que l'employeur ayant informé le pers

onnel de mesures relatives à un plan de départs volontaires, le salarié lui a notifié...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la demande de mise hors de cause :

Dit n'y avoir lieu de mettre la société Union des coopérateurs d'Alsace, représentée par Mme W..., en sa qualité de liquidateur judiciaire, hors de cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T..., engagé le 2 juillet 1990 par la société Union des coopérateurs d'Alsace, a été nommé cadre le 1er avril 2006 et affecté, à compter du 1er février 2008, directeur de magasin, au magasin Leclerc de Strasbourg-Neuhof ; que l'employeur ayant informé le personnel de mesures relatives à un plan de départs volontaires, le salarié lui a notifié, le 5 octobre 2011, qu'il souhaitait bénéficier de ces mesures, avec dispense de préavis en raison d'une embauche prenant effet le 1er novembre suivant ; que la société a, par lettre du 28 octobre 2011, rejeté ses demandes ; que, de retour d'un arrêt de maladie du 15 octobre au 5 décembre 2011, le salarié a réclamé à nouveau le bénéfice du plan de départ puis, invoquant une inexécution fautive du plan de départs volontaires, a, le 6 décembre 2011, saisi la juridiction prud'homale en paiement des indemnités prévues par le plan et de dommages-intérêts pour inexécution de celui-ci ; qu'il a été affecté au magasin Leclerc Express de Koenigshoffen le 27 janvier 2012, à compter du 13 février suivant ; qu'à sa demande, la cour d'appel, statuant en référé, a, par arrêt du 18 septembre 2012, ordonné la suspension de la décision de mutation en raison du trouble manifestement illicite résultant de ce que l'employeur n'avait décidé cette mutation que pour réduire les conséquences du refus du départ volontaire du salarié ; qu'entre-temps, par lettre du 9 août 2012, le salarié a été informé de ce que son contrat de travail serait transféré à compter du 1er septembre 2012 à la société Hypercoop ; qu'en vue d'appliquer l'arrêt de la cour d'appel, le salarié s'est présenté à son poste, au magasin Leclerc-Express de Neuhof, le 8 octobre 2012 mais qu'il s'est heurté au refus du nouvel employeur de le laisser réintégrer ses fonctions ; que celui-ci l'a, par lettre du 8 octobre 2012, placé en congés payés pour la période du 9 octobre au 4 novembre 2012 ; que le salarié a été en arrêt de maladie à compter du 9 octobre 2012 ; qu'à l'issue d'un unique avis d'inaptitude, émis par le médecin du travail le 4 décembre 2012, le salarié a été licencié, le 22 janvier 2013, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que la société UCA a été placée en redressement judiciaire le 20 octobre 2014 puis en liquidation judiciaire le 30 mars 2015, la société W... et associés, prise en la personne de Mme W..., étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Hypercoop fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral alors, selon le moyen :

1°/ que le harcèlement moral implique des agissements précis et répétés imputables à l'employeur ; qu'en cas de transfert d'entreprise sans transmission des obligations de l'ancien employeur au nouvel employeur, l'obligation de réparer un manquement commis par l'ancien employeur avant tout transfert du contrat de travail n'incombe qu'à cet employeur ; qu'en cette hypothèse, le nouvel employeur est simplement tenu de poursuivre les contrats de travail en cours, dans les conditions mêmes où ceux-ci étaient exécutés au moment du transfert ; qu'en l'espèce, pour retenir le harcèlement moral, la cour d'appel s'est fondée sur le refus de la société Hypercoop, nouvel employeur, de réaffecter M. T... dans son ancien point de vente, après la mutation opérée par la société Union des coopérateurs d'Alsace, ancien employeur, avant le transfert du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle avait écarté toute solidarité légale, en l'absence de convention entre les deux employeurs, de sorte qu'aucune obligation de replacer le salarié dans ses anciennes fonctions n'incombait à la société Hypercoop, qui ne pouvait être tenue pour responsable du seul fait d'avoir maintenu le salarié dans le poste qui était le sien au jour du transfert, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 1152-1 du code du travail ;

2°/ que l'acte reproché à l'employeur et retenu comme élément de harcèlement moral doit lui être imputable ; qu'une décision rendue en référé, dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal, ne peut créer d'obligation à l'encontre de ceux qui n'ont été ni partie, ni représentés dans la cause ; qu'en se fondant sur un arrêt rendu en référé le 18 septembre 2012, suspendant la décision de mutation de M. T... prise par la société Union des coopérateurs d'Alsace, ancien employeur, pour en déduire que le refus de la société Hypercoop, nouvel employeur, de réintégrer ce salarié dans son ancien poste était constitutif d'un agissement de harcèlement moral, cependant que cette dernière société, qui n'était pas liée par une solidarité légale entre employeurs successifs, n'était pas tenue d'exécuter cette décision de référé à laquelle elle n'était pas partie, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code de travail, ensemble les articles 1351 du code civil et 488 et 503 du code de procédure civile ;

3°/ subsidiairement, que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en reprochant à la société Hypercoop de ne pas avoir réintégré M. T... dans son ancien poste en conséquence de l'arrêt rendu en référé le 18 septembre 2012 dans le litige opposant le salarié à la société Union des coopérateurs d'Alsace qui avait suspendu provisoirement la décision de mutation de M. T... prise par cette société le 27 janvier 2012, quand cet arrêt n'imposait pas la réintégration de ce salarié dans son ancien poste qu'il n'occupait plus depuis une précédente décision de l'ancien employeur du 5 décembre 2011 l'ayant dispensé d'activité, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ en tout état de cause, qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il en résulte que ne peut s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, une décision de l'employeur de maintenir la nouvelle affectation d'un salarié, peu important que cette décision ait été mise en oeuvre par divers actes ; qu'en déduisant de la prise de congés payés imposée à M. T... par la société Hypercoop, un refus de réaffecter le salarié dans son ancien poste en l'écartant de ses fonctions, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé des agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant, hors toute dénaturation et sans méconnaître les termes du litige, constaté, à l'égard de la société Hypercoop, seule visée par les demandes du salarié, que cette société, devenue son employeur depuis le 1er septembre 2012, s'était opposée à ce qu'il reprenne ses fonctions au sein du magasin de Neuhoff, dans lequel il avait été maintenu après le 18 septembre 2012, et l'avait unilatéralement obligé à prendre ses congés à compter du 9 octobre 2012, que la société Hypercoop s'était affranchie des règles contenues aux articles L. 3141-13, L. 3141-14 et D. 3141-5 du code du travail relatives à la procédure de détermination et de notification des périodes collectives et individuelles des congés payés à seule fin de l'écarter de ses fonctions, que ces faits répétés laissent supposer un harcèlement moral et que l'employeur ne démontrait pas que ces mesures étaient motivées par des considérations objectives autres que le harcèlement moral, qu'enfin ces faits avaient eu pour effet la dégradation des conditions de travail du salarié et de son état de santé, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Hypercoop fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts, avec effet au 22 janvier 2013, de dire que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer au salarié diverses sommes au titre des indemnités de rupture alors, selon le moyen :

1°/ que pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel s'est fondée sur « un harcèlement moral et une inégalité de traitement » ; qu'en l'état du lien de dépendance nécessaire entre les chefs de dispositif concernés, la cassation à intervenir du fait du premier ou du deuxième moyen, sur les dispositions ayant condamné la société Hypercoop au paiement de sommes au titre du harcèlement moral et de l'inégalité de traitement indûment retenus entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle du chef de dispositif ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. T... aux torts de la société Hypercoop, fondée sur le harcèlement moral et l'inégalité de traitement ;

2°/ que, pour apprécier leur gravité, le juge ne peut tenir compte de la persistance des manquements de l'employeur postérieure à l'introduction de la demande de résiliation judiciaire que s'il a, au préalable, caractérisé des manquements antérieurs à l'introduction de cette demande, imputables à l'employeur ; que la demande de résiliation judiciaire introduite par le salarié contre son ancien employeur, avant le transfert de son contrat de travail ne peut être prononcée aux torts du nouvel employeur, non lié par une solidarité légale, en l'absence de manquements imputables à ce dernier antérieurs à l'introduction de la demande de résiliation ; qu'il importe peu alors que des manquements postérieurs à cette demande soient invoqués ; qu'en prononçant, en l'espèce, la résiliation judiciaire aux torts de la société Hypercoop, nouvel employeur, quand aucun fait antérieur à l'introduction de la demande ne pouvait être caractérisé à l'encontre de cette société, qui n'était pas encore l'employeur de M. T... à cette période, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ en tout état de cause, que le juge ne peut prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur qu'après avoir constaté que le manquement imputable à l'employeur était d'une gravité telle qu'elle rendait impossible, pour le salarié, la poursuite de la relation contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a seulement constaté que le comportement de l'employeur caractérisé, selon son appréciation, par un harcèlement moral et une inégalité de traitement, constituait un manquement suffisamment grave justifiant que la résiliation judiciaire soit prononcée aux torts de la société Hypercoop ; qu'en s'abstenant néanmoins de vérifier, comme elle y était pourtant invitée, si les faits caractérisés rendaient impossible, pour le salarié, la poursuite de la relation contractuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'ayant fait ressortir que le comportement de l'employeur, la société Hypercoop, caractérisé par un harcèlement moral, constituait un manquement suffisamment grave pour justifier que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée à ses torts et que celle-ci prenne effet au jour du licenciement, le 22 janvier 2013, et produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu que pour condamner la société Hypercoop à payer au salarié une certaine somme au titre de la rupture du principe d'égalité de traitement, l'arrêt retient qu'en ce qui concerne le second employeur, à la date du 1er septembre 2012, date de la poursuite du contrat de travail à son égard, la situation du salarié n'avait pas été rétablie, ses droits n'avaient pas été régularisés, la rupture n'avait pas été mise en oeuvre conformément aux règles du plan de départ ou en tout cas avec des droits équivalents de sorte que le nouvel employeur a entériné une situation inégalitaire, dont il doit, de ce fait, être déclaré responsable, que la société Hypercoop ne démontre pas l'existence de raisons objectives pertinentes justifiant cette mesure et que dès lors le salarié affirme à bon droit que le principe d'égalité de traitement a été méconnu par l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le principe d'égalité de traitement n'est pas applicable entre salariés d'entreprises différentes et qu'à la date de référence, le salarié et les personnes auxquelles il se comparait ne faisaient pas partie de la même entreprise, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Hypercoop à payer à M. T... la somme de 1 000 euros au titre de la rupture du principe d'égalité de traitement, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Vu l'article 629 du code de procédure civile, condamne la société Hypercoop aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hypercoop à payer à M. T... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Hypercoop.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Hypercoop à payer à monsieur L... T... la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Aux motifs qu'il est de droit – aux termes de l'article L.1224-2 du code du travail – qu'en cas de procédure collective, le nouvel employeur n'est pas tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf convention intervenue entre les employeurs ; qu'il en va ainsi, autant des dettes de nature salariale que de celles qui résulteraient de l'exécution fautive du contrat de travail par le dernier employeur ; qu'aucune convention n'est produite entre les deux employeurs, de nature à faire obstacle à ce principe ; que par ailleurs, si le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, il en demande l'infirmation pour le surplus, ne dirigeant ses demandes financières qu'à l'encontre de la société Hypercoop ; qu'il s'en suit qu'aucune demande de fixation de créance n'est formée par le salarié à l'encontre de la société Union des coopérateurs d'Alsace en liquidation judiciaire ; que, quant à la demande tendant à voir condamner la société Union des coopérateurs d'Alsace à garantir la société Hypercoop de toute condamnation, elle est également irrecevable, la première société étant placée en liquidation judiciaire et aucune obligation n'ayant été transmise par la première à la seconde, aucune convention réglant la transmission des obligations l'une à l'autre n'étant produite, s'agissant des contrats de travail ; que toutes les parties demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné solidairement les deux employeurs à payer au salarié diverses sommes ; que c'est donc uniquement en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la seule société Hypercoop que les demandes seront examinées ; que monsieur T... considère qu'il apporte suffisamment d'éléments concrets de nature à faire présumer le harcèlement moral : obstacle au bénéfice du plan de départs volontaires, refus d'exécuter la décision de la cour d'appel, mutation, refus d'accès à son travail, congés payés fixés autoritairement au-delà de la durée légale, tous agissements l'ayant contraint à un arrêt de maladie et l'ayant empêché de trouver un autre employeur ce qui caractérise une atteinte à sa dignité et à la liberté du travail ; que selon la SARL Hypercoop, la SELARL W... et X..., ès qualités, et le CGEAAGS de Nancy, les conditions auxquelles est subordonnée la caractérisation du harcèlement moral ne sont pas remplies ; qu'à l'égard de la société Hypercoop, seule visée par les demandes de monsieur T..., alors que ce dernier était en possession d'un arrêt de référé exécutoire – même s'il est dépourvu d'autorité de chose jugée au principal – rendu le 18 septembre 2012 par la cour d'appel de Colmar, suspendant son affectation à Koenigshoffen, cette société, devenue son employeur, depuis le 1er septembre 2012, s'est opposée à ce qu'il reprenne ses anciennes fonctions, attitude en complète contradiction avec le motif de refus du bénéfice du plan de départ volontaire ; qu'en effet, monsieur T... n'a pas pu bénéficier du plan de départ volontaire en raison des conséquences qu'aurait son départ sur l'organisation et le bon fonctionnement de son service ou de son point de vente ; qu'or, la société Hypercoop a refusé qu'il reprenne ses fonctions dans son point de vente ; qu'en outre, l'employeur a unilatéralement obligé monsieur T... à reprendre ses congés à compter du 9 octobre 2012 ainsi qu'il résulte de l'attestation de madame J... S... et de la lettre du nouvel employeur du 8 octobre 2012 ; que la société Hypercoop s'est affranchie des règles contenues aux articles L.3141-13, L.3141-14 et D.3141-5 du Code du travail relatives à la procédure de détermination et de notification des périodes collectives et individuelles des congés payés à la seule fin de l'écarter de ses fonctions ; que ces faits répétés laissent supposer un harcèlement moral ; que l'employeur ne démontre pas que les mesures précitées étaient motivées par des considérations objectives autres que le harcèlement moral ; que ces faits ont eu pour effet la dégradation des conditions de travail de monsieur T... et de son état de santé, comme il le démontre par la production des avis d'arrêt de travail des 9 octobre et 2 novembre 2012 qui mentionnent un syndrome dépressif et du certificat médical du 23 octobre 2012 ; que monsieur T... est donc fondé à se plaindre de ce qu'il a été victime d'un harcèlement moral ; qu'à ce titre une indemnité de 2.000 euros lui sera allouée ; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;

1°) Alors que le harcèlement moral implique des agissements précis et répétés imputables à l'employeur ; qu'en cas de transfert d'entreprise sans transmission des obligations de l'ancien employeur au nouvel employeur, l'obligation de réparer un manquement commis par l'ancien employeur avant tout transfert du contrat de travail n'incombe qu'à cet employeur ; qu'en cette hypothèse, le nouvel employeur est simplement tenu de poursuivre les contrats de travail en cours, dans les conditions mêmes où ceux-ci étaient exécutés au moment du transfert ; qu'en l'espèce, pour retenir le harcèlement moral, la cour d'appel s'est fondée sur le refus de la société Hypercoop, nouvel employeur, de réaffecter monsieur T... dans son ancien point de vente, après la mutation opérée par la société Union des coopérateurs d'Alsace, ancien employeur, avant le transfert du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle avait écarté toute solidarité légale, en l'absence de convention entre les deux employeurs, de sorte qu'aucune obligation de replacer le salarié dans ses anciennes fonctions n'incombait à la société Hypercoop, qui ne pouvait être tenue pour responsable du seul fait d'avoir maintenu le salarié dans le poste qui était le sien au jour du transfert, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L.1224-1, L.1224-2 et L.1152-1 du code du travail ;

2°) Alors que l'acte reproché à l'employeur et retenu comme élément de harcèlement moral doit lui être imputable ; qu'une décision rendue en référé, dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal, ne peut créer d'obligation à l'encontre de ceux qui n'ont été ni partie, ni représentés dans la cause ; qu'en se fondant sur un arrêt rendu en référé le 18 septembre 2012, suspendant la décision de mutation de monsieur T... prise par la société Union des coopérateurs d'Alsace, ancien employeur, pour en déduire que le refus de la société Hypercoop, nouvel employeur, de réintégrer ce salarié dans son ancien poste était constitutif d'un agissement de harcèlement moral, cependant que cette dernière société, qui n'était pas liée par une solidarité légale entre employeurs successifs, n'était pas tenue d'exécuter cette décision de référé à laquelle elle n'était pas partie, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code de travail, ensemble les articles 1351 du code civil et 488 et 503 du code de procédure civile ;

3°) Alors, subsidiairement, que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en reprochant à la société Hypercoop de ne pas avoir réintégré monsieur T... dans son ancien poste en conséquence de l'arrêt rendu en référé le 18 septembre 2012 dans le litige opposant le salarié à la société Union des coopérateurs d'Alsace qui avait suspendu provisoirement la décision de mutation de monsieur T... prise par cette société le janvier 2012, quand cet arrêt n'imposait pas la réintégration de ce salarié dans son ancien poste qu'il n'occupait plus depuis une précédente décision de l'ancien employeur du décembre 2011 l'ayant dispensé d'activité, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) Alors, en tout état de cause, qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il en résulte que ne peut s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, une décision de l'employeur de maintenir la nouvelle affectation d'un salarié, peu important que cette décision ait été mise en oeuvre par divers actes ; qu'en déduisant de la prise de congés payés imposée à monsieur T... par la société Hypercoop, un refus de réaffecter le salarié dans son ancien poste en l'écartant de ses fonctions, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé des agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral, a violé l'article L.1152-1 du code du travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Hypercoop à payer à monsieur L... T... la somme de 1.000 euros au titre de la rupture du principe d'égalité de traitement ;

Aux motifs que monsieur T... considère que l'employeur a méconnu le principe d'égalité de traitement puisque, contrairement à certains collègues, qui, dans le cadre du plan de départs volontaires, perçoivent leur rémunération tout en restant chez eux tandis qu'il a, quant à lui, été muté d'autorité dans un autre poste alors que son projet professionnel avait été validé ; qu'il rappelle la règle selon laquelle aucune différence de traitement entre les salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que la SARL Hypercoop, la SELARL W... et X..., ès qualité, et le CGEA-AGS de Nancy contestent toute discrimination ; que monsieur T... établit avoir été écarté du bénéfice de plan de départs volontaires et privé de son poste à Strasbourg–Neuhof sans motif fondé par la société coopérative Union des cd'Alsace ; qu'aucune demande n'est formée de ce chef à l'encontre du mandataire-liquidateur de l'Union des coopérateurs d'Alsace et la société Hypercoop est fondée à opposer la règle précitée de l'article L.1224-2 du Code du travail qui fait obstacle à ce qu'elle soit déclarée responsable des agissements fautifs de la société aujourd'hui en liquidation judiciaire ; que toutefois, en ce qui concerne le second employeur, à la date du 1er septembre 2012, date de la poursuite du contrat de travail à son égard, la situation de monsieur T... n'a pas été rétablie, ses droits n'avaient pas été régularisés, la rupture n'avait pas été mise en oeuvre conformément aux règles du plan de départ volontaire ou en tout cas avec des droits équivalents, de sorte que le nouvel employeur a entériné une situation inégalitaire, dont il doit, de ce fait, être déclaré responsable ; que la société Hypercoop ne démontre pas l'existence de raisons objectives pertinentes justifiant cette mesure ; que dès lors, monsieur T... affirme à bon droit que le principe d'égalité de traitement a été méconnu par l'employeur ; qu'une réparation lui sera accordée à ce titre à hauteur de 1.000 euros, que de ce chef également, le jugement sera infirmé ;

Alors que le principe d'égalité de traitement n'est pas applicable entre salariés d'entreprises différentes ; qu'en l'espèce, monsieur T... se prévalait d'une inégalité de traitement à l'égard d'anciens salariés de la société Union des coopérateurs d'Alsace, qui avaient bénéficié du plan de départs volontaires et dont les contrats de travail n'avaient jamais été transférés à la société Hypercoop, tandis que le bénéfice du plan lui avait été refusé par son ancien employeur ; que la cour d'appel a retenu qu'à compter du transfert, le 1er septembre 2012, la société Hypercoop, devenue employeur de monsieur T..., avait entériné une situation inégalitaire en s'abstenant de régulariser ses droits et en mettant en oeuvre la rupture conformément aux règles du plan de départ, ce dont elle devait être déclarée responsable ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'à la date de référence, monsieur T... et les personnes auxquelles il se comparait ne faisaient pas partie de la même entreprise, la cour d'appel, qui avait au préalable écarté toute solidarité légale entre les employeurs successifs, a violé le principe d'égalité de traitement.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Hypercoop, avec effet au 22 janvier 2013, d'avoir dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir condamné la société Hypercoop à payer à monsieur T... 9.434,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 60.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir ordonné, en conséquence, à la société Hypercoop de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage effectivement versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités et d'avoir condamné la société Hypercoop à payer à monsieur T... 943,46 euros au titre des congés payés sur préavis.

Aux motifs que la SARL Hypercoop fait valoir que monsieur T... n'avait pas transmis les justificatifs de son projet professionnel, notamment la promesse d'embauche dont il faisait état, de sorte que c'est à bon droit que la SELARL W... et X..., ès qualités, a opposé un refus ; qu'elle présente comme temporaire la dispense d'activité accordée au salarié, comme légitime la décision de lui demander de prendre son solde de congés et comme justifié le changement d'affectation ; que la SELARL W... et X..., ès qualité, considère que le refus opposé à la demande de départ volontaire de monsieur T... ne justifie pas la résiliation judiciaire du contrat de travail de l'intéressé ne pouvant se prévaloir d'un droit d'être licencié ; qu'elle juge excessifs les montants réclamés au regard des sommes déjà perçues par l'intéressé ; que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service ou au service d'un nouvel employeur dans le cas d'un transfert de son contrat de travail en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande était justifiée ; que si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ; que le comportement de l'employeur, la SA Hypercoop, caractérisé par un harcèlement moral et une inégalité de traitement constitue un manquement suffisamment grave pour justifier que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée à ses torts ; que cette résiliation judiciaire prend effet au jour du licenciement, le 22 janvier 2013 ; qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a indiqué que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse du fait du bien fondé de la demande de résiliation judiciaire ; que, sur la demande en paiement de l'indemnité de préavis, dans la mesure où la rupture ne résulte de l'inaptitude mais de la résiliation judiciaire du contrat de travail, monsieur T... peut prétendre au paiement de l'indemnité de préavis, soit 9.434, 64 euros ; que le jugement sera infirmé de ce chef en ce sens que le débiteur est la seule SA Hypercoop ; que, sur les congés payés sur préavis, cette demande nouvelle est la conséquence de la précédente ; que dans la mesure où l'indemnité de préavis est accordée, les congés payés sur préavis sont dus, soit 943, 46 euros ; que, sur l'indemnité spéciale due au titre des départs volontaires, monsieur T... ne peut bénéficier de cette somme puisqu'il a été écarté du dispositif des départs volontaires et qu'aucune demande n'est formée de ce chef à l'encontre de l'Union des coopérateurs d'Alsace ; que, sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, s'agissant du préjudice subi par l'intéressé, compte-tenu de son ancienneté (22 ans et 6 mois), de son âge au moment de la rupture (40 ans), de son parcours professionnel ultérieur, l'indemnité de euros arrêtée par les premiers juges doit être approuvée ; que le jugement sera néanmoins infirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation solidaire à l'encontre des deux employeurs ; que, sur la garantie du CGEA, le CGEA-AGS de Nancy doit être mis hors de cause, aucune demande de fixation de créance n'étant réclamée ; que, sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi, la rupture s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'employeur, à savoir la société Hypercoop, devra rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage effectivement versées à la salariée dans la limite de 6 mois d'indemnités ; que, sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, partie perdante, la société Hypercop sera condamnée aux dépens ; qu'elle devra verser euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel ;

1°) Alors que, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel s'est fondée sur « un harcèlement moral et une inégalité de traitement » ; qu'en l'état du lien de dépendance nécessaire entre les chefs de dispositif concernés, la cassation à intervenir du fait du premier ou du deuxième moyen, sur les dispositions ayant condamné la société Hypercoop au paiement de sommes au titre du harcèlement moral et de l'inégalité de traitement indument retenus entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle du chef de dispositif ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de monsieur T... aux torts de la société Hypercoop, fondée sur le harcèlement moral et l'inégalité de traitement.

2°) Alors que, pour apprécier leur gravité, le juge ne peut tenir compte de la persistance des manquements de l'employeur postérieure à l'introduction de la demande de résiliation judiciaire que s'il a, au préalable, caractérisé des manquements antérieurs à l'introduction de cette demande, imputables à l'employeur ; que la demande de résiliation judiciaire introduite par le salarié contre son ancien employeur, avant le transfert de son contrat de travail ne peut être prononcée aux torts du nouvel employeur, non lié par une solidarité légale, en l'absence de manquements imputables à ce dernier antérieurs à l'introduction de la demande de résiliation ; qu'il importe peu alors que des manquements postérieurs à cette demande soient invoqués ; qu'en prononçant, en l'espèce, la résiliation judiciaire aux torts de la société Hypercoop, nouvel employeur, quand aucun fait antérieur à l'introduction de la demande ne pouvait être caractérisé à l'encontre de cette société, qui n'était pas encore l'employeur de monsieur T... à cette période, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

3°) Alors, en tout état de cause, que le juge ne peut prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur qu'après avoir constaté que le manquement imputable à l'employeur était d'une gravité telle qu'elle rendait impossible, pour le salarié, la poursuite de la relation contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a seulement constaté que le comportement de l'employeur caractérisé, selon son appréciation, par un harcèlement moral et une inégalité de traitement, constituait un manquement suffisamment grave justifiant que la résiliation judiciaire soit prononcée aux torts de la société Hypercoop ; qu'en s'abstenant néanmoins de vérifier, comme elle y était pourtant invitée (concl. Hypercoop, p. 10, § 7), si les faits caractérisés rendaient impossible, pour le salarié, la poursuite de la relation contractuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-13636
Date de la décision : 12/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 24 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2019, pourvoi n°17-13636


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Ortscheidt, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.13636
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