Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... D... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 5 mai 2021 par laquelle le conseil régional de l'ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine, statuant en formation restreinte, estimant qu'il présentait une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession de médecin a, d'une part, prononcé a` son encontre une suspension du droit d'exercer la médecine pour une durée de 18 mois a` compter du 18 mai 2021, date de notification de la décision et, d'autre part, subordonne´ la reprise de l'exercice de sa profession a` l'issue de la suspension a` la justification de l'accomplissement de la formation " traitement du diabète de type 2 : le médecin généraliste dans le parcours du patient " et de la formation spécifique transversale intitulée " Pharmacologie médicale et thérapeutique " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée préjudicie de manière grave et immédiate, d'une part, à un intérêt public, dans la mesure où il est le seul médecin de la commune des Portes-en-Ré, classée " zone d'action complémentaire ", à exercer en qualité de médecin généraliste, ce qui prive les personnes qui y résident d'un accès effectif à un médecin local, et, d'autre part, à ses intérêts financiers dès lors que, suspendu dans l'exercice de sa profession de médecin depuis le 18 décembre 2020 pour une durée de dix-huit mois, il ne perçoit plus de revenus professionnels, hormis les sommes dues au titre de sa retraite, alors même qu'il doit s'acquitter de diverses charges professionnelles et personnelles ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- cette décision méconnaît les droits de la défense dès lors qu'elle est principalement fondée sur des observations du conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins, qui lui ont été adressées par courriel le 4 mai 2021, soit la veille de la réunion du conseil régional de l'ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine, ce qui a rendu impossible toute réponse constructive et argumentée de sa part ;
- elle n'est pas justifiée par les conclusions du rapport d'expertise, lequel a écarté toute insuffisance professionnelle au sens de l'article R. 4124-3-5 du code de la sante´ publique ;
- elle méconnaît le principe de libre prescription des médecins en le sanctionnant pour avoir prescrit de l'ivermectine en dehors de l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament, alors que les décisions et recommandations des autorités de la sante´ nationales et internationales sur le traitement de la covid-19 étaient toutes postérieures au 4 avril 2020, date de la prescription litigieuse ;
- les prescriptions de vitamine C et de Dakin qui lui sont reprochées sont isolées, réunies sur une seule ordonnance, ont été modifiées depuis lors et ne sont pas de nature a` caractériser une insuffisance professionnelle susceptible d'entraîner une suspension de l'exercice de la médecine ;
- la durée de sa suspension revêt un caractère disproportionné dès lors que, d'une part, aucune insuffisance professionnelle au sens de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique n'est caractérisée et, d'autre part, elle est supérieure à la durée du diplôme universitaire auquel il s'est inscrit afin d'actualiser ses connaissances médicales ainsi qu'à la formation en diabétologie prescrite par le conseil régional de l'ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2021, le conseil régional de l'ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun moyen de la requête n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Par deux mémoires, enregistrés les 16 et 17 juin 2021, le conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Moatassime et, d'autre part, le conseil régional de l'ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine et le conseil national de l'ordre des médecins ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 17 juin 2021, à 10 heures 30 :
- Me Molinié, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. Moatassime ;
- la représentante de M. Moatassime ;
- Me Poupet, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate du conseil régional de l'ordre des médecins ;
- la représentante du conseil régional de l'ordre des médecins ;
- Me Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil national de l'ordre des médecins ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture d'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. L'objet même du référé organisé par les dispositions législatives mentionnées ci-dessus est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur. Une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire. Dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé.
3. Par une décision du 5 mai 2021, la formation restreinte du conseil régional de l'ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine a suspendu M. Moatassime du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois en raison d'une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la médecine par l'intéressé et subordonne´ la reprise de l'exercice de sa profession a` la justification de l'accomplissement de la formation " traitement du diabète de type 2 : le médecin généraliste dans le parcours du patient " et de la formation spécifique transversale intitulée " Pharmacologie médicale et thérapeutique ". Après avoir exercé devant le conseil national de l'ordre des médecins le recours préalable requis par l'article L. 4112-4 du code de la santé publique, l'intéressé demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 5 mai 2020.
4. Si M. Moatassime fait valoir que la décision en litige prive les personnes qui résident dans la commune des Portes-en-Ré d'un accès effectif à un médecin local et, d'autre part, emporte de graves conséquences financières pour lui, il résulte de l'instruction qu'il n'est pas dépourvu de ressources et que la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins, a examiné son recours lors de la séance du 17 juin 2021 à 9 heures 30. Ce conseil devrait, en outre, rendre sa décision à bref délai, selon les indications fournies par son représentant à l'audience. Dès lors, la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, la demande présentée par M. Moatassime doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. Moatassime est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Nagib Moatassime et au conseil régional de l'ordre des médecins.
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.