Vu 1°, sous le n° 368448, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 28 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union des groupements d'achat public (UGAP), dont le siège est 1 boulevard Archimède Champs-sur-Marne à Marne-la-Vallée Cedex 2 (77444) ; l'UGAP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1302606 du 26 avril 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative sur la requête de la société Bull SAS, a annulé l'ensemble de la procédure d'attribution par l'UGAP du lot n° 2 d'un accord-cadre passé en vue de la conclusion de marchés de fournitures d'éléments d'infrastructures informatiques pour centre de données ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Bull SAS ;
3°) de mettre à la charge de la société Bull SAS le versement des sommes de 5 000 euros et de 35 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 368461, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 28 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société SCC, dont le siège est 96 rue des Trois Fontanot à Nanterre (92000) ; la société SCC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la même ordonnance du 26 avril 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Melun ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Bull SAS ;
3°) de mettre à la charge de la société Bull SAS le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Nuttens, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Union des groupements d'achat public, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société SCC et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Bull SAS ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation (...). / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 20 octobre 2012, l'Union des groupements d'achat public (UGAP) a lancé une consultation, sous la forme d'un appel d'offres ouvert, pour la passation d'un accord-cadre ayant pour objet la fourniture d'éléments d'infrastructures informatiques ; que le lot n° 2 de l'accord-cadre, portant sur la fourniture de tels éléments pour centre de données, a été attribué au groupement Computacenter/Dell et aux sociétés SCC et Econocom ; que l'UGAP et la société SCC se pourvoient en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Melun a annulé la procédure de passation de ce lot ; qu'il y a lieu de joindre ces pourvois pour statuer par une seule décision ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article 1er du code des marchés publics : " Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en oeuvre conformément aux règles fixées par le présent code. " ; qu'aux termes de l'article 76 du même code : " I. Les accords-cadres définis à l'article 1er sont passés selon les procédures et dans les conditions prévues par le présent code. II. - Les marchés passés sur le fondement d'un accord-cadre sont des documents écrits qui précisent les caractéristiques et les modalités d'exécution des prestations demandées qui n'ont pas été fixées dans l'accord-cadre (...) / III. Lorsqu'un accord-cadre est attribué à plusieurs opérateurs économiques, ceux-ci sont au moins au nombre de trois, sous réserve d'un nombre suffisant de candidats et d'offres. Pour chacun des marchés à passer sur le fondement de cet accord, le pouvoir adjudicateur consulte par écrit les opérateurs économiques titulaires de l'accord-cadre et organise une mise en concurrence selon la procédure suivante : / (...) / 3° (...) les parties ne peuvent apporter des modifications substantielles aux termes fixés dans l'accord-cadre lors de la passation des marchés fondés sur cet accord. / (...) / 5° Les marchés passés sur le fondement de l'accord-cadre sont attribués à celui ou, le cas échéant, à ceux des titulaires de l'accord-cadre qui ont présenté les offres économiquement les plus avantageuses, sur la base des critères non discriminatoires fixés par l'accord-cadre pour l'attribution de ces marchés. " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution des marchés subséquents à un accord-cadre est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution de l'accord-cadre, dans l'avis d'appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu'il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution des marchés subséquents et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant prévisible des marchés concernés ; qu'il lui est loisible, dans l'hypothèse du choix d'une pondération des critères, d'exprimer le poids de chacun d'entre eux par une fourchette, qu'il peut éventuellement préciser lors de la passation de chacun des marchés subséquents ; que toutefois, eu égard à l'interdiction pour les parties, édictée par le II de l'article 76 du code des marchés publics cité ci-dessus, d'apporter des modifications substantielles aux termes fixés dans l'accord-cadre, l'écart maximal de cette fourchette doit être approprié et ne saurait, en tout état de cause, autoriser l'absence de prise en compte ultérieure de certains des critères annoncés ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, en jugeant que les candidats à l'attribution d'un accord-cadre devaient être informés, dès la passation de l'accord-cadre, des critères d'attribution des marchés subséquents et de leurs modalités de mise en oeuvre, le juge du référé précontractuel n'a pas commis d'erreur de droit ; que, d'autre part, en estimant, après avoir relevé que le cahier des charges de l'accord-cadre mentionnait quatre critères d'attribution des marchés subséquents, dont les fourchettes de pondération étaient respectivement comprises entre 30 et 100 %, 0 et 70 %, 0 et 50 % et 0 et 30 %, que les indications données aux candidats à l'attribution de l'accord-cadre ne leur permettaient pas de déterminer, pour chaque marché subséquent ou chaque type de marché subséquent, s'il serait attribué sur la base de l'ensemble des critères annoncés, de certains d'entre eux ou du seul critère du prix, et en en déduisant que la procédure de passation avait été irrégulière, le juge du référé précontractuel s'est livré à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en application des dispositions des articles L. 551-1 et L. 551-10 du code de justice administrative, il appartient au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ; que, dès lors que les termes de l'accord-cadre engagent ses titulaires sur certaines des caractéristiques des produits ou prestations objet de cet accord et des marchés subséquents, la société Bull SAS est susceptible d'avoir été lésée, dans la procédure d'attribution de l'accord-cadre, par l'insuffisante information sur les critères d'attribution de ces marchés ; que, par suite, en estimant, par l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée sur ce point, que l'insuffisante information des candidats constituait pour le pouvoir adjudicateur, un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible de léser cette société Bull SAS, le juge du référé précontractuel n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les pourvois de l'UGAP et de la société SCC doivent être rejetés, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre respectivement à la charge de l'UGAP et de la société SCC le versement à la société Bull SAS d'une somme de 3 000 euros au même titre ; qu'enfin il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de l'UGAP ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois présentés par l'UGAP et par la société SCC sont rejetés.
Article 2 : L'UGAP et la société SCC verseront chacune à la société Bull SAS une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union des groupements d'achat public, à la société SCC et à la société Bull SAS.
Copie en sera adressée pour information au groupement Computacenter/Dell et à la société Econom products et solutions.