Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée (SARL) Rungis Stocks a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler ou, à défaut, de résilier la convention d'occupation du domaine public conclue le 11 juillet 2016 entre la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (Semmaris) et la société anonyme (SA) Immostef et, d'autre part, de condamner la société Semmaris à lui verser la somme de 710 251 euros au titre du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la conclusion de cette convention ou de désigner un expert chargé de déterminer le montant de ce préjudice. Par un jugement nos 1704491, 1709224 du 12 avril 2019, ce tribunal a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 19PA01904 du 11 mai 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Rungis Stocks contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 14 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Rungis Stocks demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la société Semmaris la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Rungis Stocks, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Semmaris et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Immostef ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Rungis Stocks a conclu le 6 juin 1999 avec la société Semmaris une convention d'occupation du domaine public d'une durée de dix-huit ans, portant sur un terrain du marché d'intérêt national de Rungis d'une superficie de 1 624 m² sur lequel était construit un entrepôt, en vue de l'exploitation de stockages frigorifiques et d'entreposage de fruits et légumes. A la suite d'un incendie survenu le 13 mars 2009 ayant détruit l'entrepôt concédé, la société Rungis Stocks et la société Semmaris ont conclu, le 17 août 2010, une nouvelle convention, d'une durée de vingt-quatre ans, portant titre d'occupation privative des parcelles objet de la précédente convention, complétées de surfaces anciennement affectées à l'usage de parking, pour une superficie totale de 3 565 m². Par lettre du 13 décembre 2013, la société Semmaris a mis fin, avec effet au 31 janvier 2014, à l'autorisation d'occupation précaire des terrains objets de cette dernière convention au motif que la société Rungis Stocks n'avait pas engagé les travaux de construction de nouveaux entrepôts qu'elle prévoyait et ne s'était acquittée que de la moitié du droit de première accession qu'elle fixait. Par un arrêt du 26 septembre 2017, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la demande de la société Rungis Stocks tendant à l'annulation de cette décision. Le 11 juillet 2016, la société Semmaris a conclu avec la société Immostef un contrat d'autorisation d'occupation du domaine public portant sur les parcelles anciennement concédées à la société Rungis Stocks. Cette dernière se pourvoit contre l'arrêt du 11 mai 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 12 avril 2019 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande d'annulation de ce contrat, ainsi que sa demande tendant à être indemnisée, à concurrence de 710 251 euros, du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la privation illégale des droits d'occupation qu'elle tenait, selon elle, de la convention d'occupation du domaine public du 6 juin 1999.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".
3. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 17 avril 2020, postérieurement à l'audience publique qui s'est tenue le 12 décembre 2019, la société Rungis Stocks a produit un mémoire que la cour administrative d'appel de Paris a omis de viser dans son arrêt du 11 mai 2020.
5. Par suite, la société Rungis Stocks est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Semmaris une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Rungis Stocks, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 11 mai 2020 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Rungis Stocks, la société Semmaris et la société Immostef sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme à responsabilité limitée Rungis Stocks, à la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne et à la société anonyme Immostef.