LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 326 F-D
Pourvoi n° P 22-15.694
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [U].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 février 2022.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 03 mars 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2024
Mme [S] [U], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-15.694 contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à M. [C] [T], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de Mme [U], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 octobre 2021), des relations de Mme [U] et de M. [T] est née [F], le 25 février 2017.
2. Le 2 mai 2019, Mme [U] a saisi un juge aux affaires familiales pour qu'il soit statué sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. Mme [U] fait grief à l'arrêt de dire que les deux parents exerceront en commun l'autorité parentale sur l'enfant, que le père pourra exercer un droit de visite à l'égard de celui-ci en espace rencontre parents/enfant une fois par mois, aux dates et selon le calendrier arrêtés d'un commun accord entre les deux parents et les responsables du lieu d'accueil, et qu'à l'initiative des responsables de ce lieu, motivée par l'intérêt de l'enfant, les relations pourront se dérouler à l'extérieur de ses locaux et selon des modalités plus larges que celles initialement fixées, alors :
« 3°/ que, lorsque le juge décide qu'un droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre, il détermine la périodicité et la durée des rencontres ; que la cour d'appel, tout en décidant que le droit de visite du père s'exercerait dans un espace rencontre, s'est bornée à préciser qu'il s'exercerait « une fois par mois, aux dates et selon le calendrier arrêtés d'un commun accord entre les deux parents et les responsables du lieu d'accueil » ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser la durée des rencontres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1180-5 du code de procédure civile ;
4°/ que, lorsqu'ils fixent les modalités du droit de visite d'un parent à l'égard de ses enfants, les juges ne peuvent déléguer les pouvoirs que la loi leur confère ; que la cour d'appel, après avoir décidé que le droit de visite du père s'exercerait dans un espace rencontre selon une périodicité mensuelle, a ensuite décidé « qu'à l'initiative des responsables du lieu d'accueil, motivée par l'intérêt de l'enfant, les relations pourront se dérouler à l'extérieur de ses locaux et selon des modalités plus larges que celles initialement fixées » ; qu'en décidant ainsi de déléguer ses pouvoirs à un tiers, la cour d'appel a violé l'article 373-2-9 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Vu l'article 1180-5 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, lorsque le juge décide qu'un droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres.
7. Après avoir jugé que l'autorité parentale s'exercerait en commun et que la résidence de l'enfant serait fixée chez la mère et estimé que la demande du père aux fins d'exercice d'un droit de visite dans un lieu neutre est dans l'intérêt de l'enfant, l'arrêt décide que les rencontres auront lieu une fois par mois, aux dates et selon le calendrier arrêté d'un commun accord entre les deux parents et les responsables du lieu d'accueil, et qu'à l'initiative des responsables du lieu d'accueil, motivée par l'intérêt de l'enfant, les relations pourront se dérouler à l'extérieur de ses locaux et selon des modalités plus larges que celles initialement fixées.
8. En statuant ainsi, sans déterminer la durée des rencontres et en déléguant aux responsables du lieu d'accueil le pouvoir d'en modifier les modalités, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Le moyen pris en ses troisième et quatrième branches ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision d'ordonner l'exercice en commun de l'autorité parentale, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt ayant dit que le père pourra exercer un droit de visite à l'égard de l'enfant commun en espace rencontre parents/enfant une fois par mois, aux dates et selon le calendrier arrêtés d'un commun accord entre les deux parents et les responsables du lieu d'accueil, et qu'à l'initiative des responsables du lieu d'accueil, motivée par l'intérêt de l'enfant, les relations pourront se dérouler à l'extérieur de ses locaux et selon des modalités plus larges que celles initialement fixées, entraîne la cassation de tous les chefs de dispositif subséquents relatifs à la mise en oeuvre de ce droit de visite qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
11. La cassation des chefs de dispositif relatifs au droit de visite du père dans un espace rencontre n'emporte pas celle des chefs de dispositif relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il accorde à M. [T] un droit de visite qui s'exercera une fois par mois aux dates et selon le calendrier arrêtés d'un commun accord entre les deux parents et les responsables du lieu d'accueil, dit que, à l'initiative des responsables du lieu d'accueil, motivée par l'intérêt de l'enfant, les relations pourront se dérouler à l'extérieur de ses locaux et selon des modalités plus larges que celles initialement fixées et détermine les conditions de mise en oeuvre de ce droit de visite, l'arrêt rendu le 5 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes,
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.