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31/03/2025 | FRANCE | N°502327

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 31 mars 2025, 502327


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 et 25 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 16 janvier 2025 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) l'a suspendu pour une durée d'un an et a subordonné sa reprise d'activité à

la justification, dans les conditions fixées par l'article R. 4124-3-6 du code de la san...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 et 25 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 16 janvier 2025 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) l'a suspendu pour une durée d'un an et a subordonné sa reprise d'activité à la justification, dans les conditions fixées par l'article R. 4124-3-6 du code de la santé publique, auprès de la formation restreinte du conseil régional de l'ordre des médecins de Bourgogne-Franche-Comté, de l'accomplissement de ses obligations de formation et d'évaluation ;

2°) d'enjoindre au Conseil national de l'ordre des médecins de lui permettre de reprendre son activité professionnelle dans un délai de 72 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée, d'une part, le prive de tout revenu et l'empêche de couvrir les dépenses afférentes à sa vie quotidienne, et, d'autre part, l'a contraint à licencier son employée ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors d'une part, que le rapport d'expertise n'a pas été rendu dans le délai légalement prévu de six semaines suivant la délibération ayant conduit à la saisine du conseil régional de l'ordre des médecins de Bourgogne-Franche-Comté, d'autre part, qu'il n'a pas été invité à présenter des observations ni été en mesure de se faire représenter à l'audience du 16 janvier 2025, en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense et, enfin, qu'il n'a pas été informé, dans le cadre de la procédure, de son droit de ne pas s'auto-incriminer ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors que la formation restreinte a considéré qu'une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de sa profession était caractérisée, alors que le rapport d'expertise indique que l'évaluation de sa pratique ne met pas en évidence une dangerosité dans l'exercice de sa profession et que les situations signalées n'ont pas donné lieu à la mise en danger des patients ;

- la décision contestée méconnaît le principe de proportionnalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2025, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., et d'autre part, le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 25 mars 2025, à 11 heures :

- Me Doumic-Seiller, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. A... ;

- Me de Mecquenem, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate du Conseil national de l'ordre des médecins ;

- la représentante du Conseil national de l'ordre des médecins ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 25 mars 2025 à 18 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. M. A..., médecin généraliste, demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 16 janvier 2025 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, faisant application des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, l'a suspendu pour une durée d'un an de son droit d'exercer sa profession et a assorti cette suspension de l'obligation de suivre une formation visant à l'obtention d'un diplôme d'université de remise à niveau en médecine générale comportant une obligation de stage, ou, si l'enseignement du diplôme universitaire ne prévoit pas expressément de stage dans son cursus, de suivre une formation de remise à niveau dans le cadre d'un stage de 180 jours en médecine générale chez un maître de stage agréé par le département de médecine générale, la reprise de l'activité du docteur A... étant subordonnée à la justification par celui-ci, dans les conditions de l'article R. 4124-3-6 du code de la santé publique, du respect effectif de ces obligations.

3. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I.-En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée.(...) / II.-La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. Ce dernier est choisi parmi les personnels enseignants et hospitaliers titulaires de la spécialité. Pour la médecine générale, le troisième expert est choisi parmi les personnels enseignants titulaires ou les professeurs associés ou maîtres de conférences associés des universités ; (...) / III.- En cas de carence de l'intéressé lors de la désignation du premier expert ou de désaccord des deux experts lors de la désignation du troisième, la désignation est faite, à la demande du conseil régional ou interrégional, par ordonnance du président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve la résidence professionnelle de l'intéressé. Cette demande est dispensée de ministère d'avocat. / IV.- Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien. Le rapport d'expertise est déposé au plus tard dans le délai de six semaines à compter de la saisine du conseil. Il indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. (...) / VI.- Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII.- La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien. / La notification de la décision mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'il ait au préalable justifié auprès du conseil régional ou interrégional avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision. [...] ". L'article R. 4124-3-1 du code de la santé publique, que les articles R. 4124-3-3 et R. 4124-3-7 du même code rendent applicable aux décisions de suspension pour insuffisance professionnelle prises par le Conseil national de l'ordre des médecins, dispose que le médecin susceptible d'être suspendu est convoqué devant le Conseil national et que : " la convocation indique que le praticien peut se faire assister ou représenter par toute personne de son choix, le conseil départemental ou le conseil national par un de leurs membres ou par un avocat ".

4. En premier lieu, si l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique cité au point 3 prévoit que le rapport des experts doit être déposé dans le délai de six semaines à compter de la saisine de l'instance ordinale compétente, ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière au motif que le rapport d'expertise aurait été déposé le 3 décembre 2024, alors que le conseil départemental de Saône-et-Loire de l'Ordre des médecins avait saisi le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté de l'Ordre des médecins par une délibération du 18 avril 2024, n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

5. En deuxième lieu, si M. A... soutient qu'il n'a été ni invité à présenter des observations, ni informé de son droit de se taire, ni en mesure de se faire représenter à l'audience du 16 janvier 2025, en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense, il résulte de l'instruction que la formation restreinte, qui, s'agissant d'une mesure de police et non d'une sanction disciplinaire, n'avait pas à informer M. A... de son droit de se taire, a informé ce dernier, par la convocation en date du 3 décembre 2024, de la possibilité de présenter ses observations écrites, d'être présent à la séance et d'être assisté par un défenseur. Par suite, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, non plus que celui tiré de ce que le refus opposé par le Conseil national à la demande de M. A... de reporter l'audience entacherait la procédure d'irrégularité, compte tenu de la nature de la procédure en cause et alors qu'il avait été mis en mesure de présenter ses observations ou de se faire représenter.

6. En troisième lieu, pour caractériser l'insuffisance professionnelle de M. A..., la formation restreinte du Conseil national a relevé que l'intéressé n'avait suivi aucune formation médicale continue depuis une dizaine d'années et que, sur les onze situations cliniques habituelles présentées par les experts à M. A..., seules trois d'entre elles avaient donné lieu de sa part à des réponses correctes, révélant, selon les termes du rapport d'expertise, des insuffisances, notamment de " compétence de base en médecine générale ". Par suite, le moyen tiré de ce que la formation restreinte aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en considérant que l'intéressé présente une insuffisance professionnelle qui rend dangereux son exercice n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

7. En quatrième et dernier lieu, au regard des lacunes ainsi mises en évidence, le moyen tiré de ce que, en imposant à M. A... une suspension du droit d'exercer d'une durée d'un an assortie d'une obligation de suivre et d'obtenir un diplôme d'université de remise à niveau en médecine générale et de réaliser un stage, la décision contestée serait disproportionnée, n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence, la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du Conseil national de l'ordre des médecins présentées sur le même fondement.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Conseil national de l'ordre des médecins présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Fait à Paris, le 31 mars 2025

Signé : Edouard Geffray


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 502327
Date de la décision : 31/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2025, n° 502327
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:502327.20250331
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