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16/05/2018 | FRANCE | N°16-17846

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-17846


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 6 janvier 1986 par la société LSI, exerçait les fonctions de directeur technique et était plus particulièrement en charge du département des systèmes IBM ; qu'à la suite du rachat en 1995 du département « systèmes IBM » par la société Compagnie IBM France, celle-ci a fondé la société Anélia, filiale à 100 %, spécialisée dans le service et l'ingénierie informatique pour l'exploiter ; que le contrat de travail du salarié a été transféré au

près de la société Anélia ; qu'en septembre 2007, la société Compagnie IBM France a ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 6 janvier 1986 par la société LSI, exerçait les fonctions de directeur technique et était plus particulièrement en charge du département des systèmes IBM ; qu'à la suite du rachat en 1995 du département « systèmes IBM » par la société Compagnie IBM France, celle-ci a fondé la société Anélia, filiale à 100 %, spécialisée dans le service et l'ingénierie informatique pour l'exploiter ; que le contrat de travail du salarié a été transféré auprès de la société Anélia ; qu'en septembre 2007, la société Compagnie IBM France a cédé l'ensemble des actions de la société Anélia à la société Prodware ; que par lettre du 6 février 2009, le salarié a été licencié ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre la société Prodware, laquelle, invoquant notamment un co-emploi, a fait appeler en la cause et en garantie la société Compagnie IBM France ; que le conseil de prud'hommes a rejeté l'ensemble des demandes du salarié et a mis hors de cause la société Compagnie IBM France ; que le salarié a interjeté appel général de cette décision ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 546, 548, 550 et 562 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer tardive et irrecevable la contestation par la société Prodware de la mise hors de cause de la société IBM France, l'arrêt retient qu'il ressort des dispositions des articles 546 et 562 du code de procédure civile d'une part que le droit d'appel appartient à toute personne qui y a intérêt d'autre part que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent, que le salarié n'a aucun intérêt au litige qui oppose la société Prodware et la société Compagnie IBM France et n'a même jamais pris position sur ce litige notamment sur la mise hors de cause de la société Compagnie IBM France à l'égard de laquelle il n'avait formé ni demande ni appel en cause, ne serait ce qu'au fin d'irrecevabilité, qu'il n'y a pas d'indivisibilité entre les dispositions du jugement du conseil des prud'hommes statuant sur la mise hors de cause de la société Compagnie IBM France et celles qui déboutent le salarié de ses demandes, qu'il en découle que bien que non limité à certains chefs, l'appel formé par le salarié contre le jugement du conseil de prud'hommes ne pouvait avoir pour objet que les dispositions le concernant, en demande ou en défense, ce qui n'était pas le cas de la mise hors de cause de la société Compagnie IBM France, que l'oralité des débats ne déroge pas aux règles applicables en matière de délais pour faire appel, ni à la formalité de la déclaration d'appel, qu'or les premières écritures d'appel incident émanant de la société Prodware n'ont été déposées qu'en janvier 2016, soit très largement après expiration du délai d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de limitation de l'appel à certains chefs du jugement, la dévolution s'opère pour le tout, la cour d'appel, qui recevait l'appel principal du salarié qui avait formé un appel général du jugement du conseil de prud'hommes ayant mis hors de cause la société Compagnie IBM France, de sorte que l'appel ne pouvait être limité par les conclusions du salarié et que la société Prodware, intimée, était recevable à former un appel provoqué en tout état de cause contre toute partie à l'instance devant les premiers juges, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la contestation par la société Prodware de la mise hors de cause de la société Compagnie IBM France, l'arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne la Compagnie IBM France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Prodware.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel incident formé par la société Prodware à l'encontre de la société Compagnie IBM France et d'avoir condamné la société Prodware au paiement d'une somme de 1 000 euros à la société Compagnie IBM France, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE [
] la société Prodware a conclu au débouté de M. Y... ; que subsidiairement, elle a appelé la société IBM en garantie sur le fondement du co-emploi ; que par jugement du 3 février 2012, le conseil de prud'hommes a : *mis la S.A.S. Compagnie IBM France hors de cause ; *dit que le licenciement de M. Y... était régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse ; *débouté M. Y... de l'ensemble de ses demandes ; *condamné M. Y... aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'un montant de 200 euros à la société Prodware sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 février 2012, le conseil de M. Y... a interjeté appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement qui lui avait été notifié le 08 février 2012 ; [
] ; que par conclusions enregistrées au greffe le 29 octobre 2013, M. Y... demande à la cour d'infirmer le jugement dans son intégralité et statuant à nouveau de :
[
]
Que sur la sur la recevabilité de l'appel du jugement du conseil des prud'hommes de Bayonne dans les rapports entre la société Prodware la Compagnie IBM France ; qu'il importe préalablement de rappeler qu'en première instance M. Y... a fait citer la seule société Prodware à comparaître devant le conseil des prud'hommes et a dirigé ses prétentions uniquement contre cette société ; qu'en cours de procédure devant le conseil des prud'hommes, la société Prodware a fait intervenir la société Compagnie IBM France aux fins d'opposabilité de la décision et d'appel en garantie en cas de condamnation ; que la société Compagnie IBM France a conclu à l'incompétence de la juridiction saisie pour statuer et subsidiairement, a sollicité le renvoi du litige qui l'opposait à la société Prodware devant le tribunal de commerce de Paris ; que par jugement du 3 février 2012, le conseil des prud'hommes a débouté M. Y... de l'ensemble de ses prétentions et mis la société Compagnie IBM France hors de cause ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 février 2012, le conseil de M. Y... a fait appel de ce jugement ; que pour faire déclarer son appel « incident » recevable la société Prodware fait valoir que M. Y... a formé un appel général à l'encontre du jugement prud'homal à l'encontre des deux intimés ; qu'elle se prévaut de l'effet dévolutif de l'appel, de l'indivisibilité du jugement, de l'oralité des débats devant la chambre sociale et du principe de l'unicité de l'instance, dont elle déduit que l'appel incident de l'un des intimés est recevable jusqu'à la clôture des débats ;
Que la société Compagnie IBM France demande à la cour de déclarer l'appel irrecevable en faisant valoir que la société Prodware n'a jamais formé de déclaration d'appel laquelle résulte nécessairement d'un écrit, que M. Y... n'ayant jamais dirigé ses demandes contre la société Compagnie IBM France celle-ci ne peut être considérée comme intimée et l'instance devant la cour d'appel de Pau ne lie que M. Y... et la société Prodware ; qu'elle ajoute que cette dernière ne peut se prévaloir des dispositions des articles 548, 550 et 552 du code de procédure civile car l'appel dirigé par la société Prodware contre la société Compagnie IBM France n'est pas un appel incident ;
Qu'il ressort des dispositions des articles 546 et 562 du code de procédure civile d'une part que le droit d'appel appartient à toute personne qui y a intérêt d'autre part que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ; que non seulement M. Y... n'a aucun intérêt au litige qui oppose la société Prodware à la société Compagnie IBM France mais il n'a même jamais pris position sur ce litige notamment sur la mise hors de cause de la société Compagnie IBM France à l'égard de laquelle il n'avait formé ni demande ni appel en cause, ne serait-ce qu'au fin d'irrecevabilité ; que par ailleurs, il n'y a pas d'indivisibilité entre les dispositions du jugement du conseil des prud'hommes de Bayonne statuant sur la mise hors de cause de la société Compagnie IBM France et celles qui déboutent M. Y... de ses demandes ; qu'il en découle que bien que non limité à certains chefs, l'appel formé par M. Y... contre le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne ne pouvait avoir pour objet que les dispositions le concernant, en demande ou en défense, ce qui n'était pas le cas de la mise hors de cause de la société Compagnie IBM France ; que l'oralité des débats ne déroge pas aux règles applicables en matière de délais pour faire appel, ni à la formalité de la déclaration d'appel ; que les premières écritures d'appel incident émanant de la société Prodware n'ont été déposées qu'en janvier 2016, soit très largement après expiration du délai d'appel, que quant à la règle de l'unicité de l'instance elle n'est pas applicable dans les rapports entre la société Prodware et la société Compagnie IBM France qui ne sont pas liées par un contrat de travail, et la règle de la recevabilité des demandes nouvelles n'est pas davantage applicable puisque le conseil des prud'hommes a déjà statué de ce chef ; qu'il en découle que la contestation de la décision de mise hors de cause de la société Compagnie IBM France par la société Prodware est tardive et dès lors irrecevable ; qu'il en va de même des exceptions et demandes présentées en appel par la société Compagnie IBM France qui en tout état de cause acquiesce à l'irrecevabilité de l'appel dirigé à son encontre ;

1) ALORS QUE seul l'acte d'appel opère dévolution ; que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs ; que la cour d'appel a constaté, après avoir rappelé les termes du dispositif du jugement du 3 février 2012, lequel comprenait la mise hors de cause de la société Compagnie IBM France, qu'il avait été interjeté appel de l'ensemble de ces dispositions ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel incident de la société Prodware que l'appel formé par M. Y... contre le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne ne pouvait avoir pour objet que les dispositions le concernant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 562 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE subsidiairement, lorsque l'appel principal est recevable, l'appel incident peut être formé en tout état de cause pour déférer à la cour d'appel des chefs de jugement non critiqués par l'appel principal dans le cas où ce dernier est limité ; que la cour d'appel a constaté la recevabilité de l'appel principal de M. Y... ; qu'en disant irrecevable l'appel incident de la société Prodware, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 550 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE subsidiairement, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance ; que la règle de l'unicité de l'instance s'applique également quand une société en attrait une autre sur le fondement du co-emploi ; que la cour d'appel a constaté que la société Prodware avait appelé la société IBM en garantie sur le fondement du co-emploi ; qu'en écartant néanmoins la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Prodware à payer à M. Y... la somme de 206 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal outre une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; que l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;
Que la lettre de licenciement, dont les motifs énoncés fixent les limites du litige, est articulée autour des griefs suivants :
« Par la présente nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour les raisons suivantes :
* non-respect de vos obligations contractuelles ;
Vous avez intégré la société le 1 mars 1986 et vous exerciez les fonctions de directeur technique.
En octobre 2007, nous nous sommes portés acquéreurs de la société Anélia.
Lorsque nous sommes arrivés nous avons pris le soin non seulement d'expliquer largement notre projet mais aussi d'écouter l'ensemble des collaborateurs afin de connaître leur position.
A ce titre, vous avez exprimé votre défiance vis à vis de cette opération, de votre volonté de continuer à exercer les mêmes fonctions de directeur technique avec le même périmètre d'attribution et d'autorité, qui selon vous correspondait à une fonction de directeur général adjoint.
Nous vous avons expliqué que l'équivalence de votre poste au sein d'une société de 60 personnes d'envergure régionale correspond au sein du groupe Prodware à un poste régional à responsabilité régionale voir national. A partir de ce moment, vous avez manifesté votre hostilité à notre arrivée et n'avez pas voulu vous insérer dans le projet de développement que nous envisagions.
Malgré votre attitude, nous avons pris le soin d'organiser des réunions tant avec M. A..., directeur général qu'avec votre manager M. B... afin de trouver la meilleure solution pour vous insérer au mieux dans notre projet.
C'est dans ces conditions que par courrier en date du 28 avril 2008 après avoir pris le temps de vous écouter et réfléchir à la meilleure manière de bénéficier et d'utiliser votre expérience et votre connaissance des produits commercialisés par Anélia (IBM parc Eseries er AS 400) nous avons pensé que votre profil pourrait parfaitement adhérer avec la politique commerciale de développement de ces produits que nous entendions continuer à mener.
Nous avons donc été amenés à vous proposer deux postes :
I. Responsable des services Pôle d'Expertise Ingénierie Applications Eseries France Sud,
2. Directeur de Comptes Stratégiques et Nationaux.
Les missions de ces deux postes étaient parfaitement définies et vous permettaient d'avoir une parfaite visibilité sur votre avenir au sein de notre société, en vous positionnant à un niveau hiérarchique de même niveau.
Bien évidemment vos autres conditions de travail n'étaient pas modifiées.
En cela, nous vous avons expliqué qu'il n'y avait pas de modification de votre contrat de travail mais simple adaptation des conditions de travail que l'employeur est en droit de modifier.
Nous considérons avoir agi de parfaite bonne foi à votre égard et nos propositions de fonctions s'inscrivaient selon nous plus en adéquation avec vos attentes dans le groupe (responsabilité nationale et responsabilité technique à l'échelle du groupe), Malgré toutes nos démarches et nos tentatives de discussions vous n'avez pas daigné répondre à notre proposition.
Vous n'avez pas souhaité collaborer de manière constructive et positive avec vos managers MM B... et D... leur répondant de manière laconique et sans apporter la réelle collaboration que l'on est en droit d'attendre d'un cadre de votre niveau.
Pour toutes ces raisons nous vous avons convoqué à un entretien préalable.
Au cours de l'entretien, vous êtes demeuré sur la même position considérant que nous n'avions jamais tenu compte de votre position et réitérant une nouvelle fois le caractère inacceptable de nos propositions qui selon vous ne correspondent à aucune fonction bien définie.
Ainsi, vous comprendrez qu'il nous est impossible de vous conserver au sein de notre effectif.
Nous sommes donc au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour non-respect de vos obligations contractuelles » ;
Qu'il ressort de cette lettre que la société Anélia reproche à M. Y... un manque de collaboration caractérisé par son refus d'accepter la modification du poste qu'il occupait jusqu'au rachat des actions de la société Anélia par la société Prodware, cette modification s'analysant selon la société Prodware en une simple évolution des conditions de travail et non une modification du contrat de travail de M. Y... ; que cette analyse a été reprise par les premiers juges qui ont considéré que les propositions faites par la direction maintenaient le niveau hiérarchique de M. Y... en qualité de directeur de service ou de compte sur les postes d'envergure nationale « gérant toujours une équipe de salariés » maintenaient les mêmes responsabilités que décrites dans le « manager control book » au sein des pôles structurés par le groupe Prodware en introduisant simplement un échelon hiérarchique intermédiaire ; que pour vérifier si les postes proposés à M. Y... correspondaient à des fonctions similaires à celles qu'il occupait, à un même niveau hiérarchique, de responsabilité et d'autonomie, il y a lieu de procéder à une comparaison entre ces postes ; que selon les bulletins de salaires du demandeur, celui-ci occupait au sein de la société Anélia un poste de directeur technique niveau 3.3 coefficient 270 ; que selon la classification de la Convention collective nationale Syntec applicable : l'occupation de ce poste, qui entraîne de très larges initiatives et responsabilités et la nécessité d'une coordination entre plusieurs services, exige une grande valeur technique ou administrative ; qu'il ressort en outre de l'organigramme de la société Anélia que M. Y... faisait partie du Comité de direction de la société en tant que directeur Technique et des Solutions et de représentant de la direction au sein du service Qualité ; que si l'on reprend le descriptif de ces postes il apparaît que :

* le directeur technique et des solutions « est responsable de la production et de la qualité de toutes les prestations dans le respect des objectifs de l'entreprise. Il est responsable des managers. Il est responsable pour son service de l'embauche et de la formation des ressources humaines.
*le représentant de la direction est responsable du système de gestion et de la qualité de l'entreprise. Il doit s'assurer que les processus nécessaires au système de gestion de la qualité sont établis, mis en oeuvre et tenus à jour. Il rend compte à la direction du fonctionnement du système de gestion de la qualité et de tout besoin d'amélioration. Il veille à ce que la sensibilisation aux exigences du client soit encouragée à tous les niveaux de l'entreprise. Il assure la liaison avec les clients, les fournisseurs et les parties externes à l'entreprise sur des sujets relatifs au système de gestion de la qualité. Il anime le comité Qualité Processus » ;
Que ces fonctions sont conformes au niveau de direction, de responsabilité et d'autonomie élevé visé à la convention collective et s'accompagne en outre d'une fonction représentative essentielle ; qu'il en découle que M. Y... participait à la direction générale de l'entreprise, puisqu'il était placé sous l'autorité directe du comité de direction dont il faisait partie ; que le poste de responsable de services pôle d'expertise Ingénierie Application Eseries France Sud tel que décrit dans la lettre du 28 avril 2008 adressée par M. A... à M. Y... consistait à « définir et mettre à disposition les offres ressources et moyens afin que les parcs clients confiés à Prodware soient exploités conformément aux objectifs de revenu et profitabilité » étant précisé que « vous dépendrez hiérarchiquement de M. D... directeur des services du Pôle d'Expertise ingénierie - Solution Application Propriétaires – M. D... reporte à M. B..., du Directeur du Pôle Expertise concerné M. B... reporte à la direction générale » ; que quant au poste de directeur de Comptes Stratégiques et Nationaux qui correspond aux fonctions d'anticipation et de suivi de ces comptes assorties d'une mission de conseil et consiste à définir et réaliser un budget de chiffre d'affaires et de marge sur ces clients, à développer et animer la relation avec ces comptes en les fidélisant ; que le directeur de Comptes Stratégiques et Nationaux « dépend hiérarchiquement de M. E... directeur commercial des services auquel vous reporteriez directement. M. E... reporte à la Direction générale » ;
Que force est de constater qu'outre la restriction des fonctions que comportaient l'une comme l'autre de ces propositions, le seul descriptif de l'échelle hiérarchique dans laquelle il se situe atteste d'une rétrogradation d'un voire de plusieurs échelons par rapport au poste occupé par M. Y... au sein de la société Anélia et bien évidemment la réduction de son niveau de responsabilité et d'autonomie ; que la société Prodware ne peut dès lors sérieusement soutenir qu'il ne s'agissait que d'une modification des conditions de travail qu'elle était en droit d'imposer au salarié ; que l'avenant au contrat de travail qu'elle a demandé à M. Y... de signer démontre d'ailleurs qu'elle était parfaitement consciente de l'étendue et de la portée des modifications qu'elle souhaitait faire accepter à ce salarié ; qu'or, toute modification contractuelle, y compris du contrat de travail qui ne déroge pas en cette matière à la règle commune, impose l'accord des parties et le seul refus, par le salarié, d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'à cet égard, la société Prodware n'est pas fondée à reprocher au salarié de n'avoir pas répondu à sa demande de modification dès lors que : * par courriel du 4 juillet 2008, M. Y... avait informé M. A... de ce qu'il « n'acceptait pas votre proposition de poste subalterne » ; * par lettres recommandées avec accusé de réception des 13 et 23 octobre 2008 adressées tant à la société Anélia qu'a la société Prodware (antérieurement à l'entretien préalable) le conseil de M. Y... leur avait notifié le rejet de ces propositions de postes et mis ces sociétés en demeure de rétablir le salarié dans ses droits ; que confronté au refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail, l'employeur n'a pas d'autre choix que de le rétablir dans ses droits ou de le licencier en exposant dans la lettre de licenciement la ou les causes réelles et sérieuses de sa décision ; que la lettre de licenciement doit en effet indiquer les motifs de la rupture, elle ne doit pas se borner à invoquer la modification du contrat ; qu'il appartient au juge de rechercher si le motif de la modification, qui doit être énoncé constitue une cause réelle et sérieuse ; qu'il en résulte que la modification doit toujours être justifiée car le « licenciement à la suite du refus de la modification a pour cause le motif de cette modification » ; qu'en l'espèce force est de constater qu'hormis le refus reproché au salarié de la modification de son contrat de travail, faussement présentée comme une modification de ses conditions de travail, l'employeur ne fonde sa décision de licencier M. Y... sur aucune autre cause ; que * non seulement la société Prodware n'explique pas, dans la lettre de licenciement, en quoi son projet était incompatible avec le maintien du poste de M. Y... mais elle conteste le motif économique de sa décision, tout en reconnaissant la « disparition programmée de la société Anélia » ; que * les nombreux griefs qu'elle développe dans ses écritures à l'encontre de M. Y... : refus d'assister aux réunions ; critiques de « toutes les décisions de la direction » y compris celles du directeur général ; plaintes de clients ; critiques de la direction générale ; non-respect des processus objectifs non remplis ... ne sont pas évoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; qu'il en découle que le licenciement de M. Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

ALORS QU' en l'absence de modification de la rémunération et de la qualification d'un salarié, l'adjonction d'échelons intermédiaires entre un salarié et son supérieur hiérarchique n'emporte pas en soi modification du contrat de travail ; qu'en retenant que M. Y... avait refusé une modification de son contrat de travail, sans constater que les propositions qui lui avaient été faites avaient une incidence sur sa rémunération ou sa qualification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-17846
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 24 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mai. 2018, pourvoi n°16-17846


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Le Bret-Desaché, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.17846
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