AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 211-9, L. 211-10, L. 211-15 et L. 211-16 du code des assurances ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que le 3 janvier 1986, Karim X..., alors âgé de 13 ans, a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France Provence Méditerranée (la MACIF) ; que cet assureur a procédé à l'indemnisation des préjudices subis par la victime et ses parents après avoir conclu, le 28 février 1989, puis le 11 juin 1993, avec M. et Mme X..., agissant en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur fils mineur et en leur nom personnel, des contrats qualifiés transactions, qui ont été l'un et l'autre autorisés par le juge des tutelles ; que M. X... est décédé le 19 septembre 1999 ; qu'estimant insuffisante l'indemnisation convenue, Mme Y..., veuve X..., agissant à titre personnel, ès qualités d'ayant droit de son mari, et d'administratrice légale des biens de son fils Karim, a, par actes des 7 et 10 juillet 2000, assigné la MACIF, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la CPAM), devant le tribunal de grande instance aux fins d'annulation des contrats de transaction et d'indemnisation intégrale des préjudices subis par son fils et ses proches ;
Attendu que, pour dire que les contrats conclus en 1989 et 1993 avec la MACIF ne peuvent être qualifiés de transactions et ne sont pas revêtus de l'autorité de la chose jugée sur la réparation des préjudices, l'arrêt du 14 avril 2004 énonce que les deux procès-verbaux de 1989 et 1993 ont été qualifiés par la MACIF, avec entérinement par les époux X..., de transactions, et qu'il convient donc de vérifier si le contrat conclu entre les parties comporte des concessions réciproques, condition de validité, non du contrat, mais de la qualification de celui-ci ; qu'il résulte du rappel du contenu des transactions que les époux X... ont accepté des concessions majeures par rapport aux prétentions qu'ils pouvaient avoir de réparation intégrale du préjudice corporel subi par leur enfant ; que ces concessions majeures n'ont eu aucune contrepartie de la MACIF, les transactions étant totalement muettes sur ce point et l'absence de tout document préparatoire ne permettant pas de supposer une quelconque contrepartie ; que la conclusion d'une transaction établie en référence aux dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ne saurait être interprétée comme une concession de la part de l'assureur mais comme le simple respect d'une procédure mise en place par le législateur pour accélérer le règlement des conséquences d'un accident de la circulation ;
que la MACIF, qui ne conteste pas n'avoir formulé aucune offre, ne pourrait pas même avancer une indemnisation plus rapide en contrepartie des concessions consenties par les époux X..., alors qu'elle ne s'est pas conformée aux prescriptions légales justement destinées à assurer une indemnisation rapide et à rechercher la conclusion d'une transaction et avait mis un délai anormalement long, de trois ans, à proposer ce contrat ; que, dépourvus de la moindre concession de la part de la MACIF, les deux contrats de 1989 et 1993 ne peuvent être qualifiés de transaction ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la loi du 5 juillet 1985 instituant un régime d'indemnisation en faveur des victimes d'accident de la circulation, d'ordre public, dérogatoire au droit commun, qualifie de transaction la convention qui se forme lors de l'acceptation par la victime de l'offre de l'assureur et que cette transaction ne peut être remise en cause à raison de l'absence de concessions réciproques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur les six moyens d'annulation réunis du pourvoi principal :
Attendu qu'en application de l'article 625 du nouveau code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 14 avril 2004 entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt du 18 mai 2005 ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal ainsi que sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
CONSTATE l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 18 mai 2005 ;
Condamne les consorts X... et la CPAM des Bouches-du-Rhône aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la MACIF et de Mme X..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé et de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille six.