Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 avril et 22 juillet 2014 et le 30 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 janvier 2014 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues a rejeté son recours contre la décision du 7 octobre 2013 du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pédicures-podologues rejetant sa demande de radiation du tableau de l'ordre ;
2°) d'ordonner qu'il soit procédé à sa radiation du tableau de l'ordre des pédicures podologues dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif aux autorisations des instituts de formation préparant aux diplômes d'infirmier, infirmier de bloc opératoire, infirmier anesthésiste, puéricultrice, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, ergothérapeute, manipulateur d'électroradiologie médicale, aide-soignant, auxiliaire de puériculture, ambulancier, technicien de laboratoire d'analyses biomédicales, cadre de santé et aux agréments de leur directeur ;
- l'arrêté du 5 juillet 2012 relatif au diplôme d'Etat de pédicure-podologue ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. A...et à la SCP Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., titulaire du diplôme d'Etat de pédicure-podologue, devenu directeur de l'Institut national de podologie à Paris et enseignant au sein de cet établissement, a demandé le 27 août 2013 au conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pédicures-podologues de le radier du tableau en indiquant qu'il avait cessé d'exercer la profession de pédicure-podologue ; que, par une décision du 7 octobre 2013, le conseil régional de l'ordre, estimant qu'il exerçait toujours cette profession, a rejeté sa demande de radiation du tableau de l'ordre ; que M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 janvier 2014 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues a confirmé cette décision et rejeté sa demande de radiation ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du sixième alinéa de l'article L. 4322-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Nul ne peut exercer la profession de pédicure-podologue si ses diplômes, certificats ou autorisation n'ont été enregistrés (...) et s'il n'est inscrit au tableau tenu par l'ordre. Cette disposition n'est pas applicable aux pédicures-podologues qui relèvent du service de santé des armées (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4322-6 du même code : " L'ordre des pédicures-podologues regroupe obligatoirement tous les pédicures-podologues habilités à exercer leur profession en France, à l'exception des pédicures-podologues relevant du service de santé des armées " ; qu'aux termes de l'article R. 4112-3 de ce code, rendu applicable aux pédicures-podologues par l'article R. 4323-1 : " Le praticien qui cesse d'exercer sur le territoire national demande sa radiation du tableau au conseil départemental. Celle-ci prend effet à la date de cessation d'exercice ou, à défaut d'indication, à la date de réception de la demande " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'inscription au tableau de l'ordre des pédicures-podologues n'est obligatoire qu'aussi longtemps que la profession est effectivement exercée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 4322-1 du code de la santé publique : " Seuls les pédicures-podologues ont qualité pour traiter directement les affections épidermiques, limitées aux couches cornées et les affections unguéales du pied, à l'exclusion de toute intervention provoquant l'effusion de sang. Ils ont également seuls qualité pour pratiquer les soins d'hygiène, confectionner et appliquer les semelles destinées à soulager les affections épidermiques .Sur ordonnance et sous contrôle médical, les pédicures-podologues peuvent traiter les cas pathologiques de leur domaine de compétence. Les pédicures-podologues peuvent adapter, dans le cadre d'un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d'orthèses plantaires datant de moins de trois ans, dans des conditions fixées par décret et sauf opposition du médecin " ; que l'article R. 4322-1 fixe la liste des actes que les pédicures-podologues accomplissent sans prescription médicale préalable, tandis que l'article D. 4322-1-1 précise les conditions dans lesquelles ils sont autorisés à renouveler et, le cas échéant, adapter certaines prescriptions médicales ; qu'aux termes de l'article R. 4322-96 : " Le pédicure-podologue, autorisé à exercer un rôle de coordination ou d'encadrement, est tenu d'assurer le suivi des interventions et de veiller à la bonne exécution des actes professionnels accomplis par les pédicures-podologues ou par les étudiants qu'il encadre " ; que s'il résulte de ces dernières dispositions que les pédicures-podologues peuvent être amenés à assurer des activités de coordination ou d'encadrement, de telles activités ne peuvent être regardées comme relevant par elles-mêmes de l'exercice de la profession de pédicure-podologue que si elles comportent la pratique des actes et des soins, tels qu'ils sont définis par les dispositions précitées des articles L. 4322-1, R. 4322-1 et D. 4322-1-1 du code de la santé publique ;
4. Considérant, en troisième lieu, que l'article 6 de l'arrêté du 31 juillet 2009 visé ci-dessus, relatif notamment à l'autorisation des instituts de formation préparant aux diplômes de pédicures-podologues, précise que le directeur " participe aux jurys constitués en vue de l'admission dans les instituts de formation (...), de la délivrance des diplômes ou certificats sanctionnant la formation dispensée dans ces instituts " et qu'il " participe également à la gestion administrative et financière ainsi qu'à la gestion des ressources humaines de l'institut qu'il dirige " ; que l'article 19 de l'arrêté du 5 juillet 2012 relatif au diplôme d'Etat de pédicure-podologue prévoit que le jury d'attribution du diplôme d'Etat comprend notamment un directeur d'institut de formation en pédicurie-podologie ; que les fonctions ainsi décrites ne comportent pas l'accomplissement par les intéressés d'actes mentionnés aux articles L. 4322-1, R. 4322-1 et D. 4322-1-1 du code de la santé publique ; que c'est seulement dans le cas où un directeur d'institut de formation est amené, en dehors de telles fonctions, à accomplir des actes de pédicurie-podologie autrement que de manière purement occasionnelle, que l'intéressé a l'obligation de rester inscrit au tableau de l'ordre des pédicures-podologues ;
5. Considérant que pour confirmer la décision du conseil régional de l'ordre d'Ile-de-France et rejeter la demande de radiation du tableau de l'ordre formée par M. A..., le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues s'est fondé, dans sa décision du 10 janvier 2014, d'une part, sur le projet pédagogique de l'institut national de podologie, qui mentionne M. A...parmi les moniteurs d'examens cliniques, d'autre part, sur la circonstance que M. A...assurait un rôle de coordination, d'évaluation et d'encadrement des étudiants, enfin, sur le fait qu'il avait été membre du jury d'examen du diplôme d'Etat de pédicure-podologue pour l'année 2012 ; qu'il résulte de ce qui précède que la participation de M. A...à un jury d'examen, pas plus que le rôle de coordination, d'évaluation et d'encadrement des étudiants qui est le sien en tant que directeur d'un institut de formation, ne peut être regardé comme comportant l'accomplissement d'actes mentionnés aux articles L. 4322-1, R. 4322-1 et D. 4322-1-1 du code de la santé publique ; que, dès lors, ces motifs ne pouvaient légalement être retenus pour fonder la décision de rejet de la demande de radiation du tableau de l'ordre présentée par M.A... ;
6. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du document pédagogique figurant dans un dossier présenté en janvier 2012 en vue du renouvellement de l'agrément de l'Institut national de podologie de janvier 2012, que M. A... participait au sein de cet établissement à une activité de " moniteur d'examen clinique " en deuxième année, représentant 160 heures par an et partagée entre dix personnes, à une activité similaire en troisième année, représentant 145 heures par an et partagée entre huit personnes, et à un cours en troisième année, représentant 40 heures par an et partagé entre deux personnes ; qu'il résulte du même document que M. A... a une activité d'enseignement à raison de 16 heures par semaine, qui consiste essentiellement à assurer la fonction de " moniteur d'examen clinique " ; que cette fonction, dès lors qu'elle le conduit à encadrer des étudiants en situation de soins et en contact direct avec des patients, comporte nécessairement l'accomplissement d'actes de soins en pédicurie-podologie ; qu'elle ne peut être regardée comme exercée à titre occasionnel ; qu'elle justifie donc que l'intéressé demeure inscrit au tableau de l'ordre ; qu'il résulte de l'instruction que le conseil national de l'ordre aurait pris la même décision s'il s'était uniquement fondé sur ce motif ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée du 10 janvier 2014 du conseil national de l'ordre et à ce qu'il soit enjoint au conseil national de l'ordre des pédicures podologues de procéder à sa radiation du tableau de l'ordre ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. A...le versement au conseil national de l'ordre des pédicures-podologues de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil national de l'ordre des pédicures-podologues, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : M. A...versera une somme de 3 000 euros au conseil national de l'ordre des pédicures-podologues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A... et au conseil national de l'ordre des pédicures-podologues.
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.