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14/03/2018 | FRANCE | N°415956

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 14 mars 2018, 415956


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 366 du 23 novembre 2017, enregistré le 24 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le conseil de prud'hommes de Narbonne a sursis à statuer sur la demande présentée par Mme B...A...et tendant à la requalification des contrats de travail qu'elle a conclus avec la société Château des vieilles caves et au versement de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche, manquement à l'obligation de formation et de sécurité et violation du droit individuel à la formation et saisi le Conseil d'

État de la question de la légalité de l'article 38 du décret n° 91-1266 ...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 366 du 23 novembre 2017, enregistré le 24 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le conseil de prud'hommes de Narbonne a sursis à statuer sur la demande présentée par Mme B...A...et tendant à la requalification des contrats de travail qu'elle a conclus avec la société Château des vieilles caves et au versement de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche, manquement à l'obligation de formation et de sécurité et violation du droit individuel à la formation et saisi le Conseil d'État de la question de la légalité de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction résultant du décret n° 2007-1142 du 26 juillet 2007, en ce qu'il définit des règles de prescription.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code civil ;

- le code de procédure civile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Château des vieilles caves et à la SCP Boullez, avocat de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 49 du code de procédure civile : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

2. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction résultant de l'article 2 du décret du 26 juillet 2007 relatif à la modification des voies de recours en matière d'aide juridictionnelle et à la rétribution de l'avocat assistant une personne détenue faisant l'objet d'une mesure d'isolement : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, devant le premier président de la cour d'appel en application des articles 149-1 et 149-2 du code de procédure pénale ou devant la Commission nationale de réparation des détentions provisoires, l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. "

3. En application de l'article 49 du code de procédure civile, le conseil de prud'hommes de Narbonne a, par un jugement du 23 novembre 2017, sursis à statuer sur la demande présentée par Mme A...jusqu'à ce que le Conseil d'État se soit prononcé sur la question de savoir si les dispositions de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 citées plus haut sont entachées d'illégalité en raison de l'incompétence du pouvoir réglementaire pour fixer des règles de prescription.

4. Il résulte de l'article 34 de la Constitution qu'il n'appartient qu'au législateur de déterminer les principes fondamentaux des obligations civiles, au nombre desquels figure le régime de la prescription extinctive.

5. Aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ". L'article 2231 du même code prévoit que " l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ". L'article 2242 du même code dispose que " l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ". En vertu de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'aide juridictionnelle est destinée à permettre aux personnes dont les ressources sont insuffisantes de faire valoir leurs droits en justice. Il résulte de ces dispositions législatives combinées qu'une demande d'aide juridictionnelle formée en vue de saisir une juridiction a le caractère d'une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil ayant pour effet d'interrompre le délai de prescription du droit revendiqué par le demandeur. Dès lors, l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, en tant qu'il confère aux demandes d'aide juridictionnelle un caractère interruptif des délais de prescription, se borne à préciser les modalités de mise en oeuvre de l'interruption du délai de prescription qui découle de la loi. Par suite, il n'a pas été pris en méconnaissance du champ de compétence que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Château des vieilles caves n'est pas fondée à soutenir que l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 est dans cette mesure entaché d'illégalité.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 soulevée par la société Château des vieilles caves devant le conseil de prud'hommes de Narbonne n'est pas fondée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Château des vieilles caves, à Mme B...A..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et au conseil de prud'hommes de Narbonne.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 415956
Date de la décision : 14/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - INTERRUPTION ET PROLONGATION DES DÉLAIS - DEMANDE D'AJ - DEMANDE EN JUSTICE AU SENS DE L'ARTICLE 2241 DU CODE CIVIL AYANT POUR EFFET D'INTERROMPRE LE DÉLAI DE PRESCRIPTION - CONSÉQUENCE - LÉGALITÉ DU DÉCRET N° 91-1266 DU 19 DÉCEMBRE 1991 SE BORNANT À PRÉVOIR LES MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE DE L'INTERRUPTION DU DÉLAI DE PRESCRIPTION PRÉVUE PAR LA LOI.

54-01-07-04 Il résulte des articles 2231 et 2242 du code civil et de l'article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 combinés qu'une demande d'aide juridictionnelle formée en vue de saisir une juridiction a le caractère d'une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil ayant pour effet d'interrompre le délai de prescription du droit revendiqué par la demandeur. Dès lors, l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, en tant qu'il confère aux demandes d'aide juridictionnelle un caractère interruptif des délais de prescription, se borne à préciser les modalités de mise en oeuvre de l'interruption du délai de prescription qui découle de la loi. Par suite, il n'a pas été pris en méconnaissance du champ de compétence que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DÉPENS - AIDE JURIDICTIONNELLE - DEMANDE D'AJ - DEMANDE EN JUSTICE AU SENS DE L'ARTICLE 2241 DU CODE CIVIL AYANT POUR EFFET D'INTERROMPRE LE DÉLAI DE PRESCRIPTION - CONSÉQUENCE - LÉGALITÉ DU DÉCRET N° 91-1266 DU 19 DÉCEMBRE 1991 SE BORNANT À PRÉVOIR LES MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE DE L'INTERRUPTION DU DÉLAI DE PRESCRIPTION PRÉVUE PAR LA LOI.

54-06-05-09 Il résulte des articles 2231 et 2242 du code civil et de l'article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 combinés qu'une demande d'aide juridictionnelle formée en vue de saisir une juridiction a le caractère d'une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil ayant pour effet d'interrompre le délai de prescription du droit revendiqué par la demandeur. Dès lors, l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, en tant qu'il confère aux demandes d'aide juridictionnelle un caractère interruptif des délais de prescription, se borne à préciser les modalités de mise en oeuvre de l'interruption du délai de prescription qui découle de la loi. Par suite, il n'a pas été pris en méconnaissance du champ de compétence que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 2018, n° 415956
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP BOULLEZ ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:415956.20180314
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