LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 268 F-D
Pourvoi n° T 23-19.359
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
1°/ M. [I] [M], domicilié [Adresse 4],
2°/ M. [S] [M], domicilié [Adresse 1],
3°/ M. [C] [M], domicilié [Adresse 7],
4°/ Mme [T] [M], épouse [B], domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° T 23-19.359 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [F] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 6],
2°/ à Mme [R] [M], épouse [Z], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à Mme [G] [M], épouse [E], domiciliée [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vanoni-Thiery, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de MM. [I], [S] et [C] [M] et de Mme [T] [M], de la SCP Richard, avocat de Mmes [F] et [G] [M], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Vanoni-Thiery, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 1er juin 2023) et les productions, [O] [M] et [A]-[Y] [X], mariés sous le régime de la séparation de biens et ayant opté pour le régime de la communauté universelle selon convention du 14 avril 2005 homologuée le 18 novembre 2005 sont respectivement décédés les 1er mars 2010 et le 14 janvier 2013, en laissant pour leur succéder leurs sept enfants, Mmes [G], [T], [R] et [F] [M], et MM. [I], [C] et [S] [M].
2. Des difficultés sont survenues lors du règlement des successions.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. MM. [I], [C] et [S] [M] et Mme [T] [M] font grief à l'arrêt d'ordonner le rapport à la succession de [O] [M] par leurs soins, chacun de 650 actions de la société [M] et fils, évaluées au jour du partage selon leur valeur à la date à laquelle elles leur auraient été cédées en 1988 et 1991 et, en conséquence, l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [O] [M], alors « que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession ; que, pour décider que la cession par [O] [M] à MM. [I], [S] et [C] [M] chacun de 650 actions de la société [M] et fils constituait une libéralité rapportable à la succession de celui-ci, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que ladite cession d'actions avait été effectuée moyennant une contrepartie financière et que, partant, cette cession sans aucune contrepartie établie, qui avait appauvri [O] [M] et donc pour but de favoriser les cessionnaires au détriment de Mme [G] [M] et de Mme [F] [M], avait manifestement une intention libérale ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a déduit de l'appauvrissement de [O] [M] l'existence de l'intention libérale, sans caractériser la volonté de celui-ci de gratifier ses fils, a privé sa décision de base légale au regard des articles 843 et 894 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 843, alinéa 1er , du code civil :
5. Il résulte de ce texte que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.
6. Pour ordonner le rapport à la succession de [O] [M] par MM. [I], [C] et [S] [M], chacun de 650 actions de la société [M] et fils évaluées au jour du partage selon leur valeur à la date de leur cession en 1988 et 1991 et, en conséquence, l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [O] [M], l'arrêt, après avoir retenu qu'il n'est pas établi que les cessions d'actions réalisées par [O] [M] les 16 mai 1988, 7 octobre 1988 et 17 mars 1991 au profit de MM. [I], [C] et [S] [M] aient été effectuées moyennant une contrepartie financière, ajoute que ces cessions sans aucune contrepartie établie qui avaient pour but de favoriser ces derniers au détriment de Mmes [G] et [F] [M] ont été consenties avec une intention libérale.
7. En déduisant l'existence de l'intention libérale de [O] [M] de son seul appauvrissement au profit de MM. [I], [C] et [S] [M], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
4. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt ordonnant le rapport à la succession de [O] [M] par chacun de MM. [I], [C] et [S] [M] des 650 actions de la société évaluées au jour du partage selon leur valeur à la date de leur cession en 1988 et 1991 et, en conséquence, l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [O] [M] n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il ordonne l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [O] [M] devant le notaire en charge de la succession de [A]-[Y] [X] veuve [M] et le rapport à la succession de [O] [M] par MM. [I], [C] et [S] [M], chacun de 650 actions de la SA [M] et fils évaluées au jour du partage selon leur valeur à la date de leur cession en 1988 et 1991, l'arrêt rendu le 1er juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne Mmes [G] et [F] [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [G] et [F] [M] et les condamne à payer à MM. [I], [C] et [S] [M] et à Mme [T] [M] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Vanoni-Thiery, conseiller référendaire et Mme Vignes, greffier de chambre.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre